Dépendance économique chinoise : Vers une diminution radicale de notre niveau de vie ?

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Luc MEUNIER & Samir AYOUB pour France-Soir
Publié le 24 avril 2020 - 00:33
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Franco Chinois
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Crédit photo : Yuriy Kirsanov
Y aura-t-il un avant et un après dans les relations commerciales franco-chinoises ?
Crédit photo : Yuriy Kirsanov

TRIBUNE : La pandémie de Covid 19 a enclenché une récession inégalée depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale. On estime qu’une décroissance de l’ordre de -10% sera à déplorer dans les services à la personne, l’hôtellerie et la restauration ou le matériel de transport (incluant l’automobile) (note 1) sur l’année 2020. Cette crise a par ailleurs un caractère inédit, puisque contrairement à celle de 2008, c’est bien l’économie « réelle » qui est touchée.

La situation que nous vivons révèle également la vaste dépendance économique que nous entretenons envers certains pays, en premier lieu desquels la Chine. Beaucoup d’usines sont à l’arrêt par manque de composants en provenance de Chine. Sur le plan sanitaire, les exemples du paracétamol ou des masques chinois, sont emblématiques.

Cette double situation de récession et de dépendance économique vis-à-vis de pays étrangers amène certains à appeler à un profond changement de notre modèle. Cette question se pose plus particulièrement vis-à-vis de la Chine, six ans après le lancement de ses « nouvelles routes de la soie » (note 2) dont l’objectif affiché était de raccourcir les distances commerciales et d’accroitre son influence économique dans le monde.

Nouveau discours souverainiste de la France 

Dans l’une de ses premières interventions télévisées concernant l’épidémie, le Président Macron déclare : 

« Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres, est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle ». Il rajoute le 13 avril : « il va nous falloir rebâtir une indépendance agricole, industrielle et technologique française ». 

Dans le même temps, la Chine saisit à une étonnante rapidité, l’opportunité de transformer ses routes de la soie économiques en « routes de la soie sanitaires ». Elle vole au secours des pays les plus touchés, en fournissant par exemple à la France des masques et des respirateurs. Ironie du sort : l’aide de la Chine nous est devenue indispensable, alors même qu’elle est à l’origine de la pandémie.

La France peut-elle rebâtir indépendamment de la Chine ?
Clairement, non.
Ou en tout cas, pas sans diminuer notre niveau de vie de manière radicale.

Si nous faisons venir notre électroménager, nos smartphones, ou nos médicaments de la Chine, c’est que les coûts de production, répercutés sur le prix des produits, y sont bien moindres. Certes, le consommateur français pourrait tout-à-fait faire le choix du produit local, quand celui-ci existe. Toutefois, au pays de l’Etat providence, alors que notre niveau des prélèvements obligatoires est le plus élevé du monde et les salaires globalement pas très élevés, le pouvoir d’achat a souvent le dernier mot.

Aussi, la reprise de la production en France ne pourra se faire sans la Chine, deuxième partenaire à l’importation après l’Allemagne. L’industrie touristique de la France ne saurait non plus se priver du potentiel chinois, d’autant qu’il s’agit des touristes qui dépensent le plus dans l’Hexagone.

Quant au plan de relance de 110 milliards, financé principalement par la dette, il est fort à parier que notre partenaire chinois sera sur les rangs pour investir. A ce jour, la Chine détient environ 13 % de la dette française attribuée aux non-résidents (les pays européens, qui en possèdent la majorité, seront eux bien plus occupés à investir dans leurs économies respectives).

Il est donc peu probable que nous assistions à un changement de modèle économique radical : nous n’y sommes simplement pas prêts. Tout au plus, le gouvernement subventionnera-t-il à l’avenir quelques industries-clés, ou prévoira-t-il des stocks d’urgence pour certains produits essentiels.

La France, quand bien même elle persisterait dans les velléités protectionnistes actuellement suggérées par le Gouvernement, ne serait pas de taille à faire barrage au tank chinois lancé sur les nouvelles routes de la soie. Une réponse européenne concertée serait sans nul doute plus à la mesure de l’objectif. Encore faudrait-il que les pays membres soient capables de se mettre d’accord sur l’enjeu et les moyens à y consacrer.

 

Luc MEUNIER professeur à l’ESSCA Ecole de Management, s’intéresse à la psychologie des ménages dans le contexte de l’investissement financier et aux risques extrêmes, en lien avec les crises financières.
Samir AYOUB professeur à l’ESSCA, ses travaux de recherche portent sur l’analyse de la structure des coûts dans les entreprises et aux différences culturelles entre la France et le reste du monde en matière de performance organisationnelle.

Note 1 : Passet et Balboni, note Xerfi du 26/03/2020.
Note 2 : www.latribune.fr/opinions/tribunes/coronavirus-la-peste-noire-des-nouvelles-routes-de-la-soie-840549.html

 

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