HUMEUR - Dans une intervention remarquée au Sénat le 9 septembre, Claude Malhuret s'en est pris aux cortèges de « résistants d'opérette » qui battent le pavé pour protester contre le pass sanitaire ou la vaccination obligatoire.
La saison de la chasse n’est pas encore ouverte et pourtant une espèce non-protégée est déjà dans le viseur du sénateur Malhuret : le « pigeon agité du bocal » Mais où diable, amis chasseurs, trouver cette espèce dont la chair s’annonce savoureuse ?
Facile, l'ancien maire de Vichy a donné de nombreux indices : le « pigeon agité du bocal » se déplace en « cortège », lesdits cortèges sont menés par des « ânes » ; ânes qui à en croire M. Malhuret auraient l’étonnante habilité à muter en « chauve-souris », et cela fait à se présenter aux élections présidentielles ! Si si.
Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi !
Mais plus étonnant encore, cette improbable ménagerie faite de pigeons, d’ânes et de chauve-souris au bocal agité errerait en meute à la lisière des paradis artificiels... sous l’emprise de psychotropes ? Nourrie en tout cas de « théories qui tiennent plus du champignon hallucinogène que de la science. »
L’esprit facétieux ne pourra s’empêcher de remarquer que pour quelqu’un qui moque les conséquences d’une consommation figurative de « champignons hallucinogènes », le sénateur dévoile dans son intervention des visions animalières (et cauchemardesques) que ne renieraient pas certains disciples de
Timothy Leary.
La science du clic
Officiellement médecin, apparemment un peu zoologue… Claude Malhuret est surtout un héraut de la science qui s’attaque comme il dit aux « certitudes acquises à l’université Facebook, section fake news. » Et il a raison. Pourquoi donc aller chercher des informations sur un réseau social alors que des médias sérieux à la fiabilité reconnue sont à portée de clic ?
Et Malhuret la fiabilité, ça le connait, puisqu'il est le fondateur avec Laurent Alexandre du site Doctissimo.fr - revendu en 2008 à Lagardère pour 138 millions d’euros. Voici ce qu’en disait à l’époque
un article de Capital : « Doctissimo a compris le truc pour titiller la curiosité de ses « patients » : il joue sur leur angoisse, en suggérant le pire. Un doute sur un grain de beauté, et vous voilà vingt minutes plus tard dans le dossier ‘Dépistage du cancer de la peau’.»
On apprend par ailleurs dans ce même article que le contenu publié par Doctissimo n’a rien d’original, qu’il n’est pas fruit du travail de professionnels de la santé mais qu’il est puisé « dans des encyclopédies d'information médicale dont les droits ont été rachetés [par le site] au début des années 2000. » La science, la vraie.
Enfin, on ne saurait évoquer Doctissimo sans parler de ses forums, dont
les perles ont fait ricaner (ou hurler de terreur) une génération entière d’internautes. Forums que
Wikipedia décrit ainsi : « Bien que traitant souvent de sujets médicaux, ces forums ne sont pas modérés par des médecins ou du personnel de santé qualifié. Les informations et conseils qui y figurent n'ont donc aucune fiabilité. » La science, toujours elle.
Localise ta vésicule biliaire avec Claude Malhuret !
Mais revenons à nos pigeons. Ces tristes volatiles qui seraient « des antivax, des anti-système, des anti-Macron, des antisémites et surtout des anti-tout » et qui ont en plus l’insolence d’avoir « un avis tranché sur l’ARN messager et l’hydroxychloroquine » alors qu’ils « ne savent même pas localiser leur vésicule biliaire. »
M. Malhuret a encore (toujours ?) raison. Au nom de quoi une personne incapable de localiser tel ou tel organe aurait un mot à dire sur ce qu’on lui injecte dans le corps ? Au nom de quoi cette même personne pourrait avoir un avis sur la manière dont elle doit être soignée ou non ? La dérive est effrayante, laissons faire ces « agités du bocal » et vous verrez qu’un jour il faudra demander leur consentement aux patients. De la folie pure.
Reste qu’il y a un organe que personne n’aura de mal à localiser : l’orifice par lequel l’arche de Noé française se fait enfiler depuis dix-huit mois.
La paille, la poutre, et le château de cartes
On pourrait conclure en relevant cette « liberté de mettre en danger la vie d’autrui » avancée par M. Malhuret, qui semble encore étrangement convaincu que les vaccins
empêchent la transmission. On pourrait évoquer La Fontaine et sa fable de
La Besace pour faire les malins ; mais on renverra plutôt le sénateur à sa propre déclaration dans les colonnes de
Paris Match en mai 2020 : « Les donneurs de leçons, et Dieu sait s’ils sont nombreux, sont des inutiles. »