Le marketing du souvenir et de l'hommage : lorsqu'il n'y a plus que le passé pour faire nation
TRIBUNE/OPINION - Si pour le médiatique, le temps commémoratif est d'abord celui de l'opportunité éditoriale faite de belles images et d'éditions spéciales, le rebond événementiel sur le calendrier constitue pour le politique l'occasion tactique de se sculpter une stature, faire passer des messages et récupérer à son compte l'Histoire avec un grand H, avec ses symboles et ses forces d'évocations.
Bicentenaire de la Révolution française, centenaire de l'armistice, hommage à Jeanne d'Arc, appel du 18 juin, cinquantenaire de la mort du général de Gaulle : l'Homme politique, passé maître dans la récup' facile, aime jouer avec les dates, les lieux et la mémoire des grands Hommes comme il sait habilement jongler avec les chants ("Hymne à la Joie", "Marseillaise" ou "Chant des Partisans"), les discours et les minutes de silence. C'est ainsi : pour être efficace, le marketing du souvenir et de l'hommage, protéiforme par nature, doit réveiller tous les sens du conso-citoyen !
À l'ère d'un monde multi-crise, il n'y a donc plus que le passé qui rassemble, le passé qui fasse consensus, le passé qui réunisse, le passé qui fédère, le passé qui unisse autour d'une figure et d'un récit national. Incapable de se projeter dans l'avenir et d'incarner une vision à long terme propre à l'homme d'État, l'homme politique moderne, soumis au diktat du présent et à son immédiateté, ne peut dès lors plus que s'appuyer sur les Hommes du passé, tels de Gaulle ou Jean Moulin, pour faire nation. N'en cherchez pas d'autres, il n'y en a pas beaucoup plus.
À l'heure de la défiance presque totale à l'égard du politique, la commémoration, au-delà de son aspect marketing, s'est donc imposée, à l'instar des grands événements sportifs, comme le dernier événement politique qui peut encore rassembler les populations à l'heure du clivage permanent : le dernier événement politique qui peut encore offrir à la population, société du spectacle oblige, le moment de communion, les belles images et la dose d'émotions qu'elle attend.
Le 80e anniversaire de la mort du grand Jean Moulin, dont les racines éternelles se trouvent dans le petit et fier village de Montmorin (05), n'échappe ni à la récupération marketing ni à cette quête de communion. Se référer à Jean Moulin, c'est se référer à l'espoir et à l'esprit de résistance, l'assurance surtout de ne pas cliver. Aussi, c'est associer la France à un type de leader qui n'existe plus aujourd'hui. Comme le Général de Gaulle, Jean Moulin reste le mètre étalon de la politique française.
- François Belley est spécialiste en communication politique, essayiste, auteur de l'ouvrage "Le Nouveau Spectacle politique" (Éd. Nicaise)
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