Les Républicains : la fausse bonne idée des primaires

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Alain Tranchant, pour FranceSoir
Publié le 18 juillet 2022 - 10:30
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L'avis Tranchant d'Alain
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CHRONIQUE — En quittant ses fonctions de président des Républicains, Christian Jacob a donné une interview au Figaro des 2 et 3 juillet, dans laquelle il condamne le système des primaires à la française, importées d'Amérique et inspirées aux Républicains par les socialistes français.

"Nous devons nous débarrasser définitivement des primaires, que j'ai d'ailleurs sorties des statuts LR, et mon successeur doit avoir vocation à être candidat en 2027", déclare-t-il au journal.

L'idée des primaires ne date pas d'hier. J'ai le souvenir d'une rencontre avec Philippe Mestre dans les années 1983-1985. Ancien directeur de cabinet de Raymond Barre à Matignon, élu député de la Vendée en 1981, Philippe Mestre est alors un proche conseiller de Raymond Barre dont la candidature à l'Élysée est dans beaucoup d'esprits. J'entends encore le député me dire : "Nous allons faire une belle primaire entre Raymond et Jacques". Et j'ai parfaitement en tête ma réponse : "Nous ne sommes pas aux États-Unis, où la primaire a lieu des mois avant le scrutin présidentiel. Là, vous allez vous opposer au premier tour de l'élection présidentielle et, en 15 jours, vous n'aurez pas le temps de "raccommoder" la porcelaine". Jacques Chirac et Raymond Barre ont, de fait, été candidats à l'élection présidentielle de 1988, recueillant au premier tour 19,94 % et 16,55 % des suffrages, contre 34,1 % à François Mitterrand. Et c'est François Mitterrand qui a été élu pour un second septennat.

Plus près de nous, c'est encore une primaire qui est à l'origine de l'étrange situation politique du pays en cet été 2022. Je veux parler de la primaire dite populaire de la fin de l'année 2016, d'où François Fillon sortit vainqueur, en un temps où l'on qualifiait l'élection présidentielle de 2017 comme "imperdable" pour la droite. Les vaincus de la primaire avaient notamment pour noms Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Bruno Le Maire. Mais, en janvier 2017, le "Qui imagine, un seul instant, le général de Gaulle mis en examen ?" allait se retourner contre son auteur, et la révélation de ses affaires, puis la mise en examen de François Fillon, entraîner son élimination dès le premier tour de la présidentielle.

Il ne fallait pas être grand clerc, ni énarque, ni polytechnicien, pour prévoir dès janvier 2017 que François Fillon allait non seulement au-devant d'un échec, mais qu'il allait entraîner son camp dans sa chute. Dans son livre "Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?", Georges Fenech, à l'époque député du Rhône, écrit : "Pressentant un désastre électoral, le 1er février 2017, au QG de campagne, je me suis levé face à François Fillon, notre candidat, quand tous lui témoignaient un soutien indéfectible. [...] J'ai immédiatement appelé à son retrait, en déclarant publiquement que les élections primaires étaient caduques". Devant l'incapacité de François Hollande à solliciter un second mandat, Emmanuel Macron allait s'engouffrer dans la brèche et conquérir l'Élysée à marche forcée. Et, comme ses opposants ont été incapables de s'opposer, et l'ont laissé manœuvrer à sa guise tout au long de la crise sanitaire, un nouveau boulevard s'ouvrait devant lui pour une réélection.

Lire aussi : Un avant-goût de la proportionnelle

Aucun doute n'est possible. Les Républicains payent aujourd'hui encore, et à un prix particulièrement élevé, l'addition de janvier 2017. Pour l'élection présidentielle de 2022, le parti a cru trouver dans la formule d'un Congrès la solution à la multiplicité des candidatures et des ambitions personnelles. On ne saurait dire que cette idée ait donné de brillants résultats, quand Valérie Pécresse n'atteint même pas la barre des 5 % des suffrages exprimés le 10 avril dernier.

Christian Jacob est d'autant mieux placé pour dire que son successeur, qui sera élu à l'automne, "doit avoir vocation à être candidat en 2027" qu'il est au contraire devenu président des Républicains parce qu'il n'entendait pas postuler la magistrature suprême. Et l'histoire de la Vᵉ République plaide en sa faveur. À gauche, c'est François Mitterrand qui devient premier secrétaire du parti socialiste à Epinay en 1971. Dix ans plus tard, à son troisième essai, il est élu à la présidence de la République. De l'autre côté de l'échiquier politique, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy accèdent à l'Élysée après avoir fondé ou pris la direction de leur parti.

On peut évidemment évoquer les élections de Georges Pompidou et de François Hollande comme contre-exemples. Mais Georges Pompidou est élu dans la foulée de l'échec du général de Gaulle au référendum d'avril 1969. Il venait de passer plus de six années à Matignon, et sa candidature relevait alors de l'évidence. Mais François Hollande avait occupé les fonctions de premier secrétaire du parti socialiste de 1997 à 2008, acquérant ainsi une autorité et une notoriété indispensables à toute candidature présidentielle.

Bien sûr, il ne suffit pas d'être chef d'un parti politique pour devenir président de la République, et il faut savoir s'en dégager, le moment venu, pour apparaître comme l'homme de la nation. Mais il est certain que les primaires à la française, organisées d'une manière ou d'une autre, n'ont point donné les résultats escomptés. L'état du parti socialiste, comme des Républicains, en est l'illustration incontestable.

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