Réduire le risque médicamenteux : le plan de François Pesty (partie 4)
DOSSIER - Erreurs médicamenteuses, mésusage, non-pertinence et inefficience des prescriptions, le talon d’Achille se trouve dans les logiciels métiers des professionnels de santé. Mon plan pour y remédier
Une tribune en dix épisodes, dix propositions faisant appel au « numérique en santé », mon projet de Loi citoyen en dix amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024.
Quatrième épisode : Proposition n°3 Lutter contre la surprescription de médicaments
Troisième amendement proposé : "Le référentiel de certification des logiciels d’aide à la prescription en ville, à l’hôpital et dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont est chargée la Haute Autorité de Santé, décrit les outils digitaux et les fonctionnalités minimales permettant aux médecins et pharmaciens de combattre efficacement la surprescription médicamenteuse" :
L'article L. 161-38 du code de la sécurité sociale (ici) est également modifié de la manière suivante :
4° Au II, après les mots "leur financement.", sont insérés : "Après l’étape de la conciliation médicamenteuse et celle de l’analyse pharmaceutique complète de l’ordonnance, qui doivent permettre la réalisation d’un 'bilan médicamenteux structuré', les fonctionnalités attendues du logiciel pour challenger le prescripteur dans une réévaluation continue de la pertinence des traitements devront être mises en œuvre dans une démarche de prise de décision médicale partagée : réponses aux questionnements du patient. Ecoute de ses expériences, préférences et souhaits. Ajustements posologiques, déprescription, notamment en cas de 'polypharmacie', application des critères 'START/STOPP' (arrêt de traitements ciblés sur les médicaments potentiellement inappropriés chez la personne âgée) ou critères issus d’autres référentiels *… De nombreux SAMs, (Systèmes d’aide à la décision indexés par médicament ; procédure HAS de référencement : ici), pourront être créés, lorsqu’une ou plusieurs conditions préalables seront satisfaites, pour produire des alertes, tant pour améliorer la sécurité de la prise en charge médicamenteuse du patient, que la pertinence et l’efficience des prescriptions, ou pour proposer (pop-up) des alternatives médicamenteuses ou des ajustements posologiques".
(*) : Une liste est proposée à la fin de l’exposé sommaire ci-dessous
Exposé sommaire :
La surprescription se définie comme "l'utilisation d'un médicament alors qu'il existe une meilleure alternative non médicamenteuse, ou que son utilisation n'est pas adaptée à la situation et aux souhaits du patient" ou bien encore : "La surprescription consiste à donner aux patients des médicaments dont ils n'ont pas besoin ou qu'ils ne veulent pas, ou dont les effets néfastes l'emportent sur les effets bénéfiques."
Le 21 septembre 2021, le département de la santé et des services sociaux rattaché au gouvernement du Royaume-Uni publiait le rapport national sur la surprescription dont il avait confié la gouvernance au Dr. Keith Ridge, Directeur de la pharmacie pour l’Angleterre. Un article de la revue Prescriber, publié en février 2022 (ici) précisait que le NHS (assurance maladie au Royaume Uni) "prévoyait dans son plan stratégique à long terme d’inclure des initiatives vitales pour lutter contre la surprescription, telles que l’amélioration de l’exploitation des données (de prescription), les technologies digitales et les dossiers médicaux électroniques". Vu la qualité de ce travail (une revue portant principalement sur les soins primaires, ici, 85 pages), qui semble ne pas avoir eu d’équivalent en France et de la pertinence des mesures prises pour la combattre, il pourrait être opportun de les adopter aussi chez nous. L’objectif à atteindre se décline en deux phrases empruntées à l’avant-propos du Dr. Keith Ridge. "Les médicaments font beaucoup de bien aux gens et ce rapport n'a absolument pas pour but de retirer des traitements ou des services à des personnes qui en ont besoin. Mais les médicaments peuvent aussi être nocifs ou gaspillés."
Les facteurs clés favorisant la surprescription, identifiés dans ce rapport sont systémiques :
- l+Les recommandations cliniques mono-pathologiques ;
- le manque d'alternatives à la prescription d'un médicament ;
- la nécessité d'une réévaluation continue des traitements et le cas échéant d'une déprescription intégrée au processus de prescription ;
- l'incapacité d'accéder aux dossiers complets des patients ;
- le manque d'interopérabilité numérique ;
- et le manque de temps.
Ou sont culturels :
- Une culture des soins de santé qui privilégie les médicaments par rapport aux autres solutions et dans laquelle certains patients ont du mal à se faire entendre ;
La surprescription peut affecter de manière disproportionnée les communautés noires, asiatiques et minoritaires, ainsi que les personnes plus vulnérables, telles que les personnes âgées et les personnes handicapées.
Le rapport recommande d’enregistrer, dans les dossiers médicaux électroniques et les lettres de sortie d’hospitalisation, la ou les indications thérapeutiques qui ont motivé le choix du médecin (proposition n°2 de ce présent plan) ou à défaut le "rationnel" de prescription du médicament… Un point réaffirmé page 39 : "La ou les indications thérapeutiques qui ont motivé le choix de la présentation pharmaceutique par le médecin doivent être en routine enregistrée(s) dans le dossier médical électronique au point de prescription."
Le rapport reprend (page 15) les conclusions d’une recommandation du NICE (équivalent à la HAS au Royaume-Uni) en 2015 (ici) qui estimait entre 30 % et 70 % les erreurs médicamenteuses et les modifications non-intentionnelles de traitement lors des transitions de soins, soulignant ainsi la proposition n°1 (intégrer dans les logiciels d’aide à la prescription un module d’aide à la conciliation médicamenteuse).
Selon les auteurs de cette revue, la culture de prescription est censée comprendre un sens aigu de l'éthique, un engagement à l'égard des connaissances et des preuves (médecine fondée sur les preuves) et un dévouement aux soins des patients. Cependant, dans certains cas, il existe encore une tendance paternaliste à croire que "le médecin sait tout" et à traiter la maladie et non la personne, ainsi qu'une croyance en la primauté des médicaments pour traiter les maux de la population.
Le projet "Repenser la médecine" (Rethinking Medicine), initié et soutenu par le NHS (National Health Services, assurance maladie au Royaume-Uni), et par le Collège Royal des médecins généralistes (Royal College of General Practitioners ou RCGP) considère la nécessité d’avoir une culture clinique qui accepte les questions et, si nécessaire, les remises en question, lesquelles ne sont pas perçues comme une critique du prescripteur mais comme un moyen de faciliter la discussion et d'assurer la sécurité des patients. Le rapport n’élude pas la question de l’influence de l’industrie pharmaceutique sur les habitudes de prescription des médecins (au passage, une étude récente publiée dans le BMJ ici, épingle le RCGP à ce sujet) et sur la demande de médicaments par les patients. Au-delà d’effets néfastes pour les patients qui la subissent, la surprescription représente un gâchis considérable de ressources pour notre système d’assurance maladie solidaire.
Plus on prend de médicaments, plus on risque de subir des effets secondaires et des interactions médicamenteuses. Cela particulièrement chez la personne âgée dont l’organisme réagit différemment aux médicaments au cours du vieillissement, ce qui nécessiterait de diminuer la posologie ou d’arrêter des médicaments. L’hypotension et l’hypoglycémie peuvent provoquer des chutes graves avec fracture(s), de longs séjours hospitaliers, des douleurs, des pertes d’autonomie. Dans la population générale, un effet secondaire survient dans 10 à 20% des admissions à l’hôpital. La polypharmacie est l’exemple même de la surprescription de médicaments potentiellement inappropriés particulièrement chez nos aînés et pose un problème considérable de santé publique. Le manque de réévaluation structurée des traitements par les médecins/pharmaciens et le défaut d’implication des patients/résidents dans les décisions qui les concernent au sujet de leurs médicaments en sont les principales causes… Sans compter certaines classes de médicaments à l’origine de dépendance (opioïdes, anxiolytiques, sédatifs, benzodiazépines, barbituriques…), également à l’origine de chutes ou d’accidents…
Pour lutter contre la surprescription, le rapport préconise :
- L’optimisation des traitements ;
- l’optimisation des traitements au niveau des patients ;
- le bilan structuré de médications ;
- la conciliation médicamenteuse (ou bilan comparatif des médicaments) ;
- la déprescription (de médicaments) ou arrêt d’un médicament ;
- l’analyse des données et l’étude des variations de la prescription.
L’optimisation des traitements d’un patient implique de s’assurer qu’il lui est prescrit le bon médicament, aux bons moments, aux bonnes doses. Elle est basée sur quatre principes : rechercher à comprendre l’expérience du patient ; choisir un médicament fondé sur des preuves ; s’assurer que le médicament est aussi bien toléré que possible ; ancrer l’optimisation médicamenteuse en routine dans sa pratique.
Pour l’optimisation des traitements au niveau des patients, après avoir constaté que les pharmaciens travaillent également plus étroitement avec les autres prescripteurs et les patients, le rapport mentionne un projet de travail du NHS, qui impliquait l’intervention dans des EHPAD de pharmaciens cliniciens pratiquant des revues structurées de traitements médicamenteux dans un esprit de décision médicale partagée, ayant permis de réduire de 17,4 % les prescriptions au moyen d’arrêt de traitements qui n’avaient plus d’indications ou qui causaient des nuisances aux patients (ici).
Le bilan structuré de médication (BMS) est un bilan complet de tous les médicaments d'un patient et des aspects détaillés de sa santé. Il s'agit d'une intervention clinique approuvée par le NICE (équivalent de la HAS au Royaume-Uni), et réalisée dans le cadre d'une conversation avec le patient en vue d'une prise de décision partagée afin de s'assurer que les médicaments qu'il prend sont efficaces. Si des problèmes sont identifiés, des options sont envisagées, telles que la modification du dosage, la recherche d'un soutien supplémentaire ou l'arrêt d'un médicament. Cette démarche est particulièrement indiquée dans les situations de polypharmacie…
Le bilan comparatif des médicaments (conciliation médicamenteuse) permet d'identifier les anomalies entre ce que le dossier de prescription indique qu'un patient devrait prendre et les médicaments que le patient reçoit et prend en réalité (observance thérapeutique). Outre l'amélioration de la sécurité des patients et la réduction des effets nocifs des médicaments, cela permet également d'identifier les personnes qui pourraient bénéficier d'un examen structuré de leur médication, par exemple parce qu'elles prennent plusieurs médicaments, qu'elles sont vulnérables ou qu'elles ont pris leurs médicaments de manière incorrecte ou n'ont pas pris leurs médicaments du tout. La conciliation médicamenteuse est donc la démarche initiale indispensable avant toute nouvelle prescription ou avant tout renouvellement (proposition n°1).
L'arrêt d'un médicament peut s'avérer tout aussi difficile, en termes d'évaluation des avantages ou de soutien, que son instauration. La déprescription vise à appliquer les meilleures pratiques de prescription au processus d'arrêt d'un médicament.
L’analyse des données et l’étude des variations de la prescription permet d’identifier des variations inattendues ou injustifiées dans les prescriptions. Ce qui peut contribuer à l'optimisation des médicaments et à l'amélioration de la sécurité des patients. En effet, une meilleure utilisation des données peut permettre de mieux comprendre la surprescription et d'y remédier plus efficacement.
Les lignes directrices relatives au traitement
Il s'agit d'outils essentiels pour informer les cliniciens - et, de plus en plus, les patients - sur les façons dont une maladie peut être traitée, ainsi que sur les avantages, les risques et les résultats probables des différentes approches thérapeutiques. Les lignes directrices devraient être révisées et étendues de manière à présenter systématiquement les alternatives aux médicaments. En outre, les lignes directrices ne devraient pas seulement fournir des informations sur la mise en œuvre d'un médicament, mais aussi sur la manière et le moment d'arrêter un médicament, y compris les périodes d'examen et les indications pour l'arrêt.
Lors de l'élaboration et de la mise à jour des lignes directrices, le NICE au Royaume-Uni (la HAS en France) et les organismes professionnels devraient inclure des recommandations concernant le réexamen et l'arrêt des médicaments, le cas échéant, et dans le contexte d'une prise de décision partagée soutenue par des aides à la décision.
Cela implique que le logiciel métier puisse interagir avec le professionnel de santé au moyen d’alertes, d’alarmes ou de pop-ups, grâce à des systèmes d’aide à la décision indexés par médicaments (SAMs; procédure HAS de référencement : ici).
La HAS a commencé à en produire. Mais il va falloir en créer des milliers, voire des dizaines de milliers…
Les preuves cliniques
Les limites des données issues des essais cliniques, en particulier pour les patients âgés et ceux souffrant de pathologies multiples, peuvent être complétées par un suivi des résultats sanitaires dans tous les groupes de patients une fois qu'un médicament est utilisé de manière générale (surveillance post-commercialisation). Ces informations peuvent ensuite être mises à la disposition des prescripteurs, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer quand un médicament doit être déprescrit.
Nota : Les médicaments de certaines aires thérapeutiques ont fait l’objet d’études cliniques sérieuses, en double aveugle avec comparateur actif ou de référence, portant sur les critères de jugement les plus pertinents. Prenons par exemple, en cardiologie, les antihypertenseurs : réduction des décès toutes causes, des décès cardiovasculaires, des infarctus du myocarde, des AVC… Il serait donc utile que ces médicaments soient proposés en alternative à d’autres, évalués sur des critères indirects (ou intermédiaires) de jugement tels que la seule efficacité tensionnelle. L’utilisation des niveaux d’amélioration du service médical rendu (ASMR) accordés lors de chaque avis au remboursement et revu tous les cinq ans en France par la commission de la transparence de la HAS, devraient en tenir compte et mériteraient d’être exploités pour proposer aux médecins les meilleures alternatives au bénéfice des patients. Le coût ou le surcoût des traitements pourraient également constituer une variable permettant de hiérarchiser les propositions d’alternatives au choix initial du médecin… Les Anglais avaient mis en pratique ce type d’approche dès 2009 ! (ici)
Le NHS a publié une recommandation concernant l’optimisation des traitements médicamenteux et le bilan structuré de médication en septembre 2020 : (ici)
L'application opportune des bilans structurés de médications aux personnes les plus exposées à une polypharmacie problématique permettra de réduire le nombre d'admissions à l'hôpital pour cause de dommages liés aux médicaments dans le cadre des soins primaires. Au Royaume-Uni, il est estimé que 400 millions de livres sterling sont inutilement dépensées chaque année pour des admissions à l'hôpital en raison d'effets nocifs liés aux médicaments. La réalisation des bilans structurés de médication dans le cadre des soins primaires permettra de réduire le nombre de personnes exposées à la surprescription, réduisant ainsi le risque d'effets indésirables, d'hospitalisation ou de dépendance aux médicaments prescrits.
La conduite du bilan médicamenteux structuré
Les principes de la prise de décision médicale partagée doivent être à la base de la conversation.
Les prescriptions non prioritaires doivent faire l'objet d'une discussion et être retirées du régime médicamenteux du patient.
Traitements personnalisés - Adaptés au patient. Comment le patient souhaite-t-il que ses médicaments aient un impact sur sa qualité de vie ? Qu'est-ce que le patient aimerait obtenir d'un rapport de suivi médical ? Quels médicaments le patient prend-il ou ne prend-il pas et pourquoi ?
Sécurité du patient - Prendre en compte l'équilibre entre les bénéfices et les risques. Le patient ressent-il des effets secondaires ? Sont-ils excessifs par rapport aux bénéfices des médicaments ?
Existe-t-il d'autres risques de dommages dus à des comorbidités (médicaments à haut risque, interactions médicamenteuses, contre-indications) ?
Efficacité thérapeutique - Tous les médicaments doivent être efficaces, sauf dans les cas explicités de médicaments peu prioritaires. À quoi sert chaque médicament, et cela est-il consigné dans le dossier du patient ? Est-il approprié ? Est-il toujours indiqué ? Est-il efficace ? Le patient le prend-il ou le souhaite-t-il toujours ? (opinion du patient, preuves objectives) ? La ou les affections de longue durée sont-elles bien contrôlées ? Faut-il ajouter quelque chose au traitement ?
Suivi de l’intervention - Le clinicien doit toujours s'assurer que les rendez-vous de suivi appropriés sont organisés pour garantir la sécurité et l'efficacité de toute intervention. Le clinicien qui effectue le bilan structuré de médication déterminera le nombre de suivis nécessaires en partenariat avec le patient.
L'invitation du patient au bilan structuré de médication - qu'elle soit orale ou écrite - doit expliquer en quoi elle consiste, et qu'il se rendra à un entretien de prise de décision partagée afin de passer en revue tous ses médicaments et de s'assurer qu'ils lui conviennent. Il faut conseiller aux patients d'apporter leurs médicaments au rendez-vous et les encourager à se préparer à la discussion et à réfléchir aux questions qu'ils aimeraient poser. Les patients peuvent être aidés par des soignants ou des membres de leur famille.
Le bilan structuré de médication doit être enregistré dans le système d’information du praticien qui l’a conduit (pharmacien ou médecin généraliste)
Changer la culture de prescription
Les logiciels d’aide à la prescription (dossiers médicaux électroniques) utilisent de plus en plus de "drapeaux" ("flags"), messages automatiques ou pop-ups) et autres outils numériques pour guider les prescripteurs vers des décisions spécifiques concernant la prescription ou le traitement. Ces outils visent à garantir que chaque prescription est appropriée et aussi sûre que possible.
Toutefois, il n'existe actuellement aucune évaluation de la qualité de ces outils numériques, aucune norme nationale relative à leur conception ou à leur mise en œuvre technique, ni aucun suivi ou évaluation à grande échelle de leur impact sur les soins cliniques. Le développement tend à se faire de manière isolée, avec un manque d'ouverture, plutôt que par l'intermédiaire d'une communauté de développeurs, d'utilisateurs et de chercheurs partageant des preuves d'efficacité.
Remarque : ce constat mérite d’être modulé en France avec l’établissement de référentiels de certification des logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation en ville comme à l’hôpital dont a été chargée la Haute Autorité de Santé par le législateur et qui avait établi dans les années 2010 un "standard" de fonctionnalités exigibles que l’on pouvait qualifier de progrès réel, même si les marges de progression sont encore immenses aujourd’hui, et qui conditionnait l’accès au marché aux seuls logiciels certifiés. Les logiciels sont adossés à l’une des bases de données médicamenteuses agréées par la HAS.
S’agissant de la lutte contre les surprescriptions médicamenteuses, le référentiel de certification des logiciels d’aide à la prescription à l’hôpital, dernière édition (06/05/2021 : ici) rendait obligatoire les critères fonctionnels suivants :
- Identification des prescripteurs et des patients sans ambiguïté ;
- utilisation des données codées et structurées du dossier médical électronique pour les contrôles de sécurité de la prescription (taille, poids, sexe, âge, …) ;
- les contrôles de sécurité produisent un signal d’information en cas de redondance de substance(s) active(s) au sein de l’intégralité de la prescription médicamenteuse en cours ;
- production d’une alerte en cas d’allergie, d’hypersensibilité ou d’intolérance à un composant de la prescription médicamenteuse en cours ;
- les contrôles de sécurité produisent un signal d’information si un médicament de la prescription en cours est contre-indiqué ou déconseillé par l’âge, le sexe, les antécédents, les états physiologiques ou les états pathologiques du patient ;
- les contrôles de sécurité produisent un signal d’information si un médicament de la prescription en cours est contre-indiqué ou déconseillé par l’état de grossesse ou d’allaitement ;
- les contrôles de sécurité produisent une alerte lorsque la prescription induit un dépassement de la dose maximale par prise ou par 24 heures ;
- les contrôles de sécurité produisent un signal d’information en cas d’interaction médicamenteuse au sein de l'intégralité de la prescription médicamenteuse en cours (association contre-indiquée, association déconseillée, précaution d’emploi, à prendre en compte) ;
Il s’avère aujourd’hui très séduisant pour lutter contre les conséquences de la polypharmacie d’appliquer dans les logiciels métiers les listes de critères (STOPP/START (Irlande, 2015, ici, suppl. ici), BEERS (US, 2019, ici), Marie-Laure LAROCHE (France, 2018, ici), EU(7)-PIM (consensus d’experts de 7 pays de l’UE, 2015, ici), PRISCUS (Allemagne, 2022, ici et supplément : ici), EURO-FORTA (Allemagne 2018, ici) sous la forme de SAMs (Systèmes d’aide à la décision indexés par médicament ; procédure HAS de référencement : ici). L’indication thérapeutique validée par l’AMM de la présentation pharmaceutique, est bien évidemment un paramètre à intégrer dans le SAM (voir la proposition n°2 - Le médecin précise pour chaque médicament prescrit la ou les indications thérapeutiques de l’AMM qui motive(nt) son choix. Cette disposition qui s’inscrit dans la décision médicale partagée ouvre de considérables perspectives de progrès…)
A noter une étude observationnelle longitudinale menée en Allemagne chez 3.189 patients âgés de 65 à 85 ans, souffrant d’au moins trois maladies chroniques, publiée dans le BMJ en septembre 2021 (en accès libre ici). Les médicaments prescrits, et ceux d’automédication, étaient répertoriés dans une base de données à partir des listes de critères FORTA, PRISCUS et EU(7)-PIM. Les auteurs concluent sur l’association significative entre la prise de médicaments potentiellement inappropriés et le déclin cognitif. Les coefficients de corrélation sont respectivement de −0.60 pour FORTA (p=0,002), liste qui explique le mieux le déclin cognitif dans la population germanique, −0.72 pour PRISCUS (p=0,025) et −0.44 pour EU(7)-PIM (p=0,005).
Les auteurs du Lancet Healthy Longevity citent aussi les résultats de deux larges revues systématiques avec méta-analyse visant à estimer la prévalence des polypathologies chez nos ainés. La première a été réalisée sur 193 études internationales, et publiée en avril 2022 dans le BMJ (ici). Elle montre que les polypathologies (au moins deux maladies chroniques) sont prévalentes chez 67 % des plus de 74 ans, 47 % des 60-74 ans et 28 % des moins de 60 ans. La seconde portant sur 70 études, publiée en 2019 dans Journal of comorbidity (ici), a mesuré une prévalence des polypathologies chez plus de 50 % des 65 ans et plus. Une population qui selon l’OMS devrait doubler entre 2015 et 2050. Pour ces chercheurs irlandais, ce qui caractérise la polypharmacie c’est qu’elle puisse générer des problèmes interreliés entre eux, aggravant le risque de prescriptions inappropriées, d’effets et d’événements indésirables, de prescriptions en cascades (lorsque pour atténuer les effets indésirables d’un médicament, on en ajoute un autres, et ainsi de suite…), d’interactions médicamenteuses, d’hospitalisations non programmées, et la mortalité liée aux médicaments… La polypharmacie est en croissance globalement dans le monde. La vulnérabilité aux nuisances induites par la polypharmacie, sous l’effet des modifications physiologiques liées à l’âge qui altèrent les réponses pharmacocinétiques et pharmacodynamiques après la prise de médicaments, est plus grande chez les personnes âgées que chez les jeunes. Ceci est aussi très bien documenté. Concernant la fragmentation des parcours de soins, et ce que l’on peut appeler le nomadisme médical, les auteurs mentionnent une ancienne enquête ayant interrogé au moyen de questionnaires près de 7 000 adultes récemment hospitalisés, opérés, ou ayant déclaré avoir des problèmes de santé dans six pays (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, USA et Allemagne). Il a été constaté que les patients qui consultaient quatre médecins ou davantage, étaient nettement plus susceptibles d'être affectés par des erreurs médicamenteuses graves que ceux qui ne consultaient qu’un seul médecin (étude publiée en 2005 dans la revue Health Affairs : ici). Ils rappellent aussi, et il ne faut pas l’oublier, que les professionnels de santé responsables d’une erreur médicamenteuse grave, en sont également affectés ("secondes victimes") et présentent des états de détresse psychologique, d’épuisement professionnel, et une perte de perception de leurs
compétences, lorsque leurs patients subissent de graves dommages iatrogènes. En outre, malgré les événements indésirables subis par les patients, les médecins peuvent par crainte de critiques ou de
poursuites judiciaires, cacher leurs erreurs à leurs collègues et à leurs patients, en raison de sentiments de culpabilité et de honte, ce qui fait manquer des occasions de renforcer la sécurité des soins.
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