Pédophilie : la rencontre entre évêques et victimes, une "opération de communication"
L'accueil de victimes de pédophilie à Lourdes samedi s'apparente à une "opération de communication" de l'Eglise, dénonce dans un entretien à l'AFP François Devaux, président de l'association de victimes La parole libérée, qui a boycotté l'initiative et regrette le manque d'implication des pouvoirs publics.
Q: Pourquoi avoir renoncé à vous rendre à l'assemblée des évêques à Lourdes ?
R: "J'avais accepté initialement cette invitation. Intervenir devant tous les évêques réunis était pour moi une condition sine qua non à ma participation. Mais si ce sujet-là (la Conférence des évêques de France a décidé d'une rencontre en petits groupes, NDLR) fait dissension, bouscule les protocoles, on peut émettre des réserves sur leur capacité à mettre en place des réformes.
C'est beaucoup plus une opération de communication qu'une réelle intention d'agir. Les victimes sont utilisées comme cautions morales, elles sont un peu reçues en catimini.
Le père Pierre Vignon, qui nous a beaucoup soutenu, a été écarté jeudi par douze évêques de sa fonction de juge au tribunal ecclésiastique de Lyon. C'est la démonstration de ce cléricalisme et de cette absence de volonté de se remettre en question. Or c'est l'un des rares clercs à avoir pris la parole publiquement pour dénoncer cette problématique.
Q: La Conférence des évêques n'en fait-elle pas assez, selon vous ?
R: La mise en place de cellules d'écoute des victimes, de sites internet ou la formation des prêtres ne vont pas éradiquer la pédophilie qui ronge cette Église dans une omerta générale depuis plusieurs décennies. On aurait aimé par exemple un rapport d'activités sur ce que fait la cellule permanente de lutte contre la pédophilie (au sein de la CEF) ou la commission Christnacht (chargée notamment de conseiller les évêques sur l'accompagnement des prêtres pédophiles, NDLR).
Notre association La Parole Libérée, qui œuvre depuis trois ans, n'a pas été sollicitée par la CEF pour qu'on leur communique les témoignages que l'on reçoit et pour figurer dans leur rapport chiffré publié mardi (qui a fait état de dix clercs actuellement mis en examen pour pédophilie, NDLR) .
Aucun signal concret me permet de penser que l’Église va mettre en place les réformes qui s'imposent. Parmi ces dernières, la grande priorité, ce serait l'indemnisation des victimes. C'est-à-dire reconnaître la responsabilité morale de l’Église.
Q: Votre association, qui est à l'origine de plusieurs plaintes contre le père Preynat dans la région lyonnaise, se pose la question de son "utilité et de son avenir". Pour quelles raisons ?
R On a interrogé l’Église, jusqu'au Pape. Pas de réponse. On se retourne vers une autorité compétente, les pouvoirs publics. Or le président de la Commission des lois du Sénat, en refusant (mi-octobre, NDLR) la création d'une commission d'enquête parlementaires, exprime son désintérêt pour cette problématique.
Le gouvernement se dit tenu par la loi de 1905. S'il ne prend pas ses responsabilités, qui peut les prendre ?
Avec l'association, on a fait beaucoup. Indéniablement, on aura contribué à ce que les choses avancent. Mais aujourd'hui on ne va pas pouvoir plus libérer la parole que ce qu'on a fait. On rentre dans une étape où il faudrait plus se structurer. On aurait besoin d'argent. Et de salariés. Par exemple pour mener à bien un projet de "class action" au civil (Action de groupe) si on parvient à définir une personne morale de l’Église pour indemniser financièrement les victimes. On va se donner un an pour réfléchir.
Propos recueillis par Karine PERRET
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