Institutions : comprendre le peuple français

Auteur(s)
Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 20 décembre 2024 - 10:20
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Sénat
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F.Froger / Z9
F.Froger / Z9

A la suite de la publication d'un "baromètre Odoxa-Mascaret pour Public Sénat et la presse régionale", on pouvait lire il y a quelques jours dans ces journaux un article intitulé : "Les Français rejettent la Vᵉ République".  

Curieusement, cette information n'a - semble-t-il - pas été reprise dans la presse nationale, et il est permis de le regretter. 

Il était notamment écrit que "l'instabilité politique actuelle, inédite, incite 85 % des Français à demander une réforme, le plus souvent radicale, des institutions politiques, prônant même un grand chamboulement". 

Ainsi, "74 % des Français souhaitent que l'élection des députés se fasse au scrutin proportionnel (+ 5points depuis 2023) ; 56 % sont désormais favorables à la fin de la Vᵉ République et à l'avènement d'une VIème République ; 52 % plaident pour un mandat présidentiel unique, sans possibilité de se représenter". 

Quand on voit le spectacle pitoyable offert par ce qu'il est encore convenu d'appeler par habitude "la classe politique" - mais elle en manque singulièrement (de classe) depuis des mois, et même des années ! - comment ne pas comprendre la réaction des Françaises et des Français ? Qu'ils aient envie de jeter le bébé avec l'eau du bain, quoi de plus normal ! 

Après, à chacune et à chacun son opinion, et il ne suffira pas de changer le numéro de la République pour que la France retrouve des gouvernants dignes de ce nom. Du reste, l'exercice du pouvoir que les Français rejettent désormais massivement, si l'on en juge par cette étude, n'a plus qu'un lointain rapport avec "la Vᵉ République". 

La Vᵉ République, dans sa version originelle, reposait sur un lien de confiance avec le peuple, sur le recours au référendum pour les institutions ou les grandes décisions engageant l'avenir du peuple français. Aujourd'hui, et sans que cela ne choque beaucoup de monde dans cette fameuse sphère politique, un président de la République peut demeurer en fonction contre la volonté populaire exprimée lors du scrutin législatif de juin-juillet dernier, qu'il a lui-même provoqué par la dissolution de l'Assemblée nationale. C'est tout le contraire de la République populaire voulue par ses fondateurs, c'est-à-dire d'une République qui fonde sa légitimité sur l'assentiment du suffrage universel. 

Lors de ces élections législatives, les Françaises et les Français ont vu des politiciens de tous bords nouer des alliances contre nature dans le seul but de faire échec à la volonté d'alternance exprimée dans les urnes du premier tour. Comment ne pas comprendre que le peuple français veuille la suppression de ce deuxième tour lié au mode de scrutin actuel, et se prononce pour un scrutin à un seul tour, de type proportionnel ? Observons néanmoins que le scrutin majoritaire peut aussi être organisé à un seul tour, à l'image de la longue tradition anglo-saxonne.  

Que 52 % des Français plaident aussi pour un mandat présidentiel unique, sans possibilité de se représenter, est aussi une conséquence de l'élection présidentielle de 2022, qui n'a donné lieu à aucun débat véritable et d'où il ne pouvait évidemment rien sortir, sinon le fait de conserver le pouvoir pour conserver le pouvoir, ainsi que la confusion que l'on observe chaque jour davantage. Pour ma part, j'ai déjà souhaité le retour au septennat et l'instauration d'un mandat unique. Elu pour une durée plus longue que les députés (5ans), le président de la République cesserait d'être une sorte de super Premier ministre vers lequel toutes les décisions remontent. 

De plus en plus de voix autorisées s'élèvent pour dresser un constat évident : nous vivons la IVᵉ République sous la Vème, et j'ai déjà écrit ici que la Vᵉ République n'avait plus de Vᵉ que le numéro. Maintenant, toute la question est de savoir comment et par quoi elle serait remplacée. 

Etant donné la pauvreté du spectacle proposé au peuple français par le monde politique, il était fatal que nos compatriotes en viennent un jour à rejeter le système, ses femmes et ses hommes, comme ses institutions. Nous y sommes. 

Alain Tranchant 

 

 

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