Anne Hidalgo défend la voie social-démocrate, "seule alternative possible" à gauche
A dix semaines du premier tour de la présidentielle, Anne Hidalgo défend, dans un entretien à l'AFP, la voie social-démocrate, "la seule alternative possible pour un gouvernement de gauche".
La candidate socialiste, en difficulté dans les sondages, estime être "au diapason" des attentes des Français et prône qu'on ne peut pas séparer la transition écologique de la justice sociale.
Q: Qu'est ce qui distingue votre programme de ceux de vos concurrents à gauche?
R: Je suis une candidate de gauche, social-démocrate, écologiste. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres candidats dans cette globalité-là.
J'ai acquis la conviction que la question de l'écologie, qui est centrale, est d'abord sociale. On ne peut pas faire peser tout le poids de cette transformation de notre économie, qui va dans certains cas supprimer des emplois et avoir un coût supplémentaire pour certaines personnes, exclusivement sur les classes moyennes et les catégories populaires, ce qui est le cas aujourd'hui.
Je fais de l'écologie l'élément moteur de toutes les transformations, mais je place l'écologie d'abord comme un ensemble de politiques sociales pour permettre la transition écologique.
Q: Vous êtes seule à vous revendiquez de la social-démocratie, un terme que le PS lui-même a longtemps assumé avec difficulté...
R: La social-démocratie, c'est la recherche du point d'équilibre entre l'économie qu'il faut réguler, l'écologie et le social, bien sûr dans un cadre démocratique.
Dans tous les pays européens, quand la gauche gagne, ce sont les sociaux-démocrates qui sont au pouvoir. Si on veut une alternance dans notre pays à une droite libérale, à une droite conservatrice ou à l'extrême droite, la seule alternative possible pour un gouvernement de gauche c'est de passer par cette social-démocratie que je porte.
Cela ne veut pas dire chercher une position centriste mais une position centrale. On ne peut pas rassembler un pays comme le nôtre en partant de ses extrêmes.
Q: Est-ce difficile de se revendiquer du PS sur le terrain?
R: C'est forcément compliqué. En France comme d'autres pays européens, les socialistes ou sociaux-démocrates ont connu des moments difficiles, notamment après la crise de 2008.
Ensuite la plupart de ces grands partis sociaux-démocrates sont revenus par la question du travail, de la justice sociale et d'une écologie juste. C'est cette approche-là que j'essaie de déployer aujourd'hui en France.
Q: Comment chercher le "point d'équilibre" tout en répondant aux "urgences" climatiques, sociales, démocratiques que vous placez au coeur de vos propositions ?
R: Chercher ce point d'équilibre et répondre aux urgences n'empêche pas la radicalité. Il faut par exemple planifier la sortie des énergies fossiles, ça veut dire prendre les secteurs qui vont être très impactés -le secteur automobile, l'aéronautique-, et accompagner par de l'investissement industriel et de l'accompagnement aux travailleurs. Donc dire qu'on planifie, c'est prendre des mesures radicales de réorientation des investissements publics et des fonds européens.
J'ai aussi la proposition la plus radicale sur l'augmentation du Smic, avec 15% d'augmentation dès mon arrivée à l'Elysée.
Face aux passoires thermiques, je propose une mesure radicale qui peut se mettre en place très vite, de tiers-payant (pour les travaux de rénovation). La Caisse des Dépôts fera l'avance et l'Etat se remboursera au moment de la vente du bien.
Q: On a l'impression que la campagne se structure sur d'autres priorités. Avez vous le sentiment d'être à contre-courant?
R: Non, les préoccupations des Français sont très claires, autour du pouvoir d'achat, de l'éducation. Et la santé. Alors que les Français étaient convaincus que sur l'école et la santé, on avait les systèmes les meilleurs au monde, on s'aperçoit qu'ils sont totalement abimés. Il va falloir beaucoup de moyens pour les réparer.
Sur le pouvoir d'achat, les Français regardent l'augmentation de l'essence, de l'énergie, de la facture de chauffage. Depuis septembre je parle de ces sujets.
Je pense être au diapason de ces attentes. Mais c'est vrai que sur les plateaux télé, on vous entend plus quand vous dites des horreurs sur les étrangers ou l'identité française. Ce n'est pas parce que les discours de haine font du clic et du like qu'ils seraient les discours attendus par la population.
Q: Il y a deux ans, vous disiez ne pas vous projeter dans la présidentielle. Quel est le chemin qui vous a menée vers cette candidature?
R: Après ma victoire à Paris, beaucoup de gens sont venus me voir en disant : "Tu n'auras pas le choix, il faut que tu y ailles". On a toujours le choix, et j'ai fait ce choix.
Je pense que je peux apporter cette force et cette expérience. J'ai fait les transformations écologiques d'une ville comme Paris, j'ai cette dimension sociale, et je suis un pur produit de la promesse républicaine vis-à-vis d'une petite fille née en Espagne et immigrant en France.
Je me suis dis que je ne pourrais pas me regarder, demain, si notre pays passe encore une fois à côté de la transition écologique et de cette question des inégalités.
Q: Avez-vous le sentiment de porter le destin de votre parti?
R: Pas toute seule ! Ce n'est pas le destin comme un poids, c'est aussi quelque chose qui nous porte. La gauche, quand elle a gouverné, a permis les grandes conquêtes sociales.
Je pense à la transition écologique. Je pense à mes enfants et mes petites-enfants. Je me dis qu'au moins j'aurai essayé, et en essayant, quelque chose peut se produire.
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