Baisse des APL : les bailleurs sociaux demandent un "moratoire"
Le Conseil d'État a rejeté vendredi le recours du collectif "Vive l'APL" contre la baisse de cinq euros des aides au logement, décidée par le gouvernement, une mesure dénoncée par les associations comme une "économie sur le dos des plus pauvres".
La plus haute juridiction administrative a relevé que selon le Code de la construction et de l'habitation (article L 351-3), "le montant de l'aide personnalisée au logement est calculé en fonction d'un barème défini par voie réglementaire".
Le Conseil d'État a donc jugé qu'il n'y avait pas de "doute sérieux quant à la légalité des deux décisions réglementaires contestées (un décret et un arrêté)" et a rejeté la demande de suspension présentée par le collectif d'associations.
Ce collectif, qui rassemble 70 organisations de défense des mal-logés, syndicats et bailleurs sociaux, ainsi que 24 particuliers bénéficiaires de l'aide, avaient demandé, en urgence, la suspension du décret et d'un arrêté du 28 septembre mettant en œuvre cette baisse forfaitaire.
Celle-ci touche sans distinction 6,5 millions de bénéficiaires depuis le 1er octobre.
"Si nous avons perdu une bataille, nous n'avons certainement pas perdu la guerre", a réagi l'avocat des requérants, Patrice Spinosi. Il a rappelé que si la requête en urgence a été rejetée, un recours au fond contre ces textes allait être examiné dans les mois à venir.
- "Question de civilisation" -
"On ne peut laisser le gouvernement pour des raisons purement économiques priver d'une aide substantielle les plus faibles et les plus vulnérables de notre société. Bien sûr, il faut faire des économies. Mais pas au détriment de ceux qui n'ont déjà rien et vivent dans la plus grande précarité. C'est une question de civilisation", a-t-il ajouté.
L'annonce de cette baisse de cinq euros des APL en juillet avait provoqué la colère de l'ensemble des associations de lutte contre le mal-logement et du secteur du logement social. La Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) et le Conseil national de l'habitat (CNH) avaient tous deux émis dans la foulée des avis défavorables à ces textes.
Vendredi, peu avant la décision du Conseil d'Etat, l'Union sociale pour l'habitat, qui regroupe 723 bailleurs sociaux, a demandé un moratoire sur la baisse des APL.
Lors de l'audience devant le juge des référés, mercredi, plusieurs requérants étaient venus dénoncer une atteinte à la dignité et témoigner d'une "vie de misère", où "chaque euros compte".
Les mains tremblantes, un jeune surendetté avait expliqué qu'une fois toutes les factures payées, il lui restait "10 euros pour vivre". Face aux représentants du gouvernement, il avait décrit "la boule au ventre" quand il se rend compte que "le niveau du liquide vaisselle diminue, qu'il va falloir en racheter", quand il refuse une invitation pour ne pas arriver les mains vides, quand il ne voit pas sa fille qu'il "ne peut pas inviter à déjeuner de temps en temps".
Me Spinosi avait plaidé l'humanité contre la logique économique, et chiffré la misère : "80% des allocataires des APL touchent moins que le Smic", "la moitié des bénéficiaires sont en dessous du seuil de pauvreté", "les aides représentent plus de 20% des revenus des plus modestes", avait-il rappelé.
Le représentant du gouvernement s'est défendu en expliquant que cette réduction avait été "compensée par une hausse du RSA", un "abaissement du seuil de versement" et a demandé à ce que les mesures d'aide de l’État soient analysées dans leur cohérence d'ensemble.
Cette baisse de 5 euros des APL est distincte de celle que le gouvernement veut mettre en place dans le seul logement social, en échange d'une baisse des loyers afin que la mesure n'ait pas d'impact pour les locataires.
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