Benalla- Son arme, son rôle ou non de garde du corps : les doutes après l'audition
Il a répondu à des salves de questions ininterrompues pendant près de deux heures et trente minutes, et a tenu le cap. L'audition d'Alexandre Benalla n'a guère apporté de réponses précises pour mieux comprendre le scandale de l'affaire –aucune question n'a été posée sur la journée du 1er mai pour ne pas interférer avec l'enquête– mais elle a cristallisé les doutes sur plusieurs points précis. Les sénateurs sont en effet revenus à la charge sur certaines zones d'ombre qu'ils estiment particulièrement suspectes, et sur lesquelles l'ancien chargé de mission de l'Elysée n'a pas varié. Mais ses réponses laissent toutefois démeurer une certaine incertitude.
> Benalla, simple "coordinateur" ou garde du corps officieux?
"Je n'ai jamais été ni policier, ni garde du corps du président de la République" a assuré Benalla rappelant que s'il a pu être "épaule droite" lors de certains déplacement se trouvait toujours une "épaule gauche" qui était un membre du GSPR, le service de police chargé normalement d'assurer la sécurité du chef de l'Etat.
Mais les sénateurs n'ont pas hésité à douter ouvertement de cette version d'un Benalla qui, si proche du président, ayant une expertise professionnelle reconnue dans le domaine de la sécurité, et ayant occupé des postes similaires, soit bénévolement auprès du Pari socialiste, soit professionnellement à l'Office européen des brevets, ne s'occuperait en rien de sécurité. Les élus de la Commission ont réussi à faire déclarer à Benalla, qui était sous serment, qu'il portait bien une arme lors de certains déplacements du président. Mais celle-ci avait plus pour but d'assurer sa "sécurité personnelle" (il ne rentrera jamais dans les détails sur ce point) que celle du président qui n'était pas de son ressort, selon lui.
> Les motivations administratives du port d'arme
Si Alexandre Benalla conteste avoir eu une "mission de police", au moins un acte administratif en porte la mention: le port d'arme qui lui a été accordé après son entrée à l'Elysée par la Préfecture de police sur demande de Patrick Strzoda, directeur du cabinet du président de la République.
Or, c'est bien sur justification d'une mission de police que le précieux sésame lui a été délivré. Lors de son audition, Benalla a expliqué que la sollicitation a été faite (à l'oral) par Patrick Strzoda qui aurait, selon lui, demandé à l'autorité émettrice la manière d'obtenir le port en respectant la législation. L'évocation de la mission de police aurait donc été uniquement un facteur administratif ne correspondant pas à l'exercice réel de sa profession. Ce dont les sénateurs doutent volontiers. "Je sais que ça peut poser question", reconnaitra Benalla devant les élus.
> Ses liens et relations avec les autres services de sécurité
Plusieurs médias ont dévoilé des éléments laissant penser qu'Alexandre Benalla donnait des ordres, parfois avec autoritarisme, au xpersonnels de sécurité en marge des événements dont il avait la charge d'assurer une part de l'organisation. L'intéressé a contesté en bloc ces suspicions, parfois avec insolence –"Si les policiers d'élite du GSPR ou les gendarmes du GIGN me craignent, je suis assez inquiet pour la sécurité du président de la République"– reconnaissant tout au plus dans un premier temps être "un facilitateur".
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A la fin de l'audition, il expliquera pourtant avoir de fait représenté "l'autorité politique" lors de déplacements auprès d'un préfet ou d'un ambassadeur, et avoir déjà demandé à un homme du GSPR d'intervenir en marge de déplacements privés du président de la République lorsque sa vie privée n'était pas respectée. En outre, il admet avoir eu des échanges tendus avec des personnels mais uniquement à des fonctions administratives: "Quand vous ne faites pas partie du club on vous le fait sentir". En filigrane de cette question se pose celle de l'importance d'Alexandre Benalla dans la hiérarchie élyséenne. L'intéressé n'a pas manqué de rappeler à plusieurs reprises qu'il était plutôt dans le bas de l'échelle, ce qui ne l'a donc pas empêché d'obtenir un port d'arme alors qu'il n'occupait pas de missions de police (selon lui), était fréquemment aux côtés d'Emmanuel Macron et qu'il faisait partie –il l'a confirmé lors de l'auditon– de groupes de travail devant réfléchir à la réforme des services de sécurité du président de la République. Il refusera d'en dire plus sur ce point.
> La réalité effective de sa rétrogradation
Officiellement, Alexandre Benalla a été sanctionné à l'issue du dérapage du 1er mai. Il a subi tout d'abord 15 jours de mise à pied avant d'être rétrogradé à son retour. Il expliquera avoir subi une "humiliation" aux sénateurs. Mais cette rétrogradation pose question: elle n'a pas été notifiée par écrit, mais uniquement lors d'un échange verbal que Benalla décrit de manière étrange: "On m'a enlevé des missions pour m'en attribuer d'autres". Il confirmera à la fin de l'audition que certaines prérogatives, comme l'usage d'un véhicule équipé d'un gyrophare, ont perduré après sa rétrogradation déclarée: "C'est un moyen de remplir (mes) missions au mieux (...) ce n'est pas moi qui a fait le choix d'équiper ce véhicule".
Voir aussi:
Alexandre Benalla, garde du corps à l'école de Benoît Battistelli
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