Caméras "augmentées" : la CNIL pointe "des risques nouveaux pour la vie privée"
Le 19 juillet dernier, à la suite d'une consultation publique, la CNIL a publié son avis quant au déploiement des caméras de surveillance "augmentées" en France. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la commission est réservée ; elle pointe les risques d’une utilisation généralisée, qui menacerait davantage encore le respect des données personnelles et des libertés.
Des caméras "augmentées" pour l’analyse automatique des comportements
Les technologies de surveillance automatisées permettent de capter automatiquement le son, l’image et les données biométriques. Les applications potentielles sont pléthoriques : calcul d'un nombre de personnes sur un lieu précis, surveillance du port d’un masque, détection des bagages abandonnés, stationnement interdit, circulation en contre-sens, repérage des déchets canins, dépôt sauvage d'ordures, etc.
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Alors qu’en 2019, la reconnaissance faciale avait déjà fait l’objet de recommandations spécifiques, la CNIL se concentre cette fois sur les "risques nouveaux" que représentent ces caméras "augmentées" quant à la vie privée. La commission appelle à une réflexion sur le juste usage de ces outils dans l’espace public.
Un calcul statistique autorisé
Utiliser ces technologies sans identification des personnes, en particulier pour faire des calculs statistiques, ne représente pas de danger, selon la CNIL. Pour calculer l’affluence dans le métro, par exemple, pas de problème. "Lorsque les caméras augmentées sont utilisées pour produire des statistiques, constituées de données anonymes et n’ayant pas de vocation immédiatement opérationnelle, elles peuvent d’ores et déjà être déployées, sans encadrement spécifique", peut-on lire dans le rapport. Néanmoins, ce sont les pouvoirs publics qui doivent veiller à ce que l’utilisation des caméras "augmentées" soit limitée aux cas "les plus légitimes", car un déploiement massif de ces technologies pourrait modifier le comportement des citoyens et leur rapport à l’espace public.
Intrusifs par nature, la CNIL considère que ces mécanismes de surveillance peuvent provoquer des comportements de dissimulation et de protection. Et ce n'est pas préjudiciable... pour l'instant.
Ni détection, ni poursuite d'infractions
Comme l’indique la CNIL, la loi française n'autorise pas l'usage par la puissance publique des caméras "augmentées" pour la détection et la poursuite d'infractions. Dans le cas où l’efficacité de ces caméras augmentées serait prouvée, et que leur utilisation serait jugée nécessaire, celle-ci devrait être autorisée par une loi spécifique (idéalement issue d’un débat démocratique), qui fixerait des cas d’usages précis.
Enfin, la CNIL souligne que ces technologies ne devraient en aucun cas permettre de mettre en place un système de notation des citoyens, comme c'est le cas en Chine.
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Le problème étant que, comme le remarque l’Usine Digitale, certaines technologies de surveillance proviennent justement de Chine, comme celles proposées par Alibaba pour les Jeux Olympiques. Il se pourrait donc que cela complique grandement l'accès aux données de fonctionnement du système. Reste à savoir qui de la Chine ou de nos dirigeants européens fera le plus de zèle pour dissimuler les informations compromettantes sur l'utilisation de ces caméras.
Quoi qu'il en soit, au vu de l'augmentation constante des contraintes et de la surveillance ces dernières années, il y a fort à parier que nos gouvernements ne s'arrêteront pas au calcul statistique. L'expérience est bien connue : jetez une grenouille dans une marmite d'eau bouillante, et elle bondira en dehors immédiatement. Mais si vous la plongez dans de l'eau froide et que vous la faites chauffer lentement, elle s'y plaira jusqu'à ce qu'elle y laisse la vie.
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