Contre le passe vaccinal, l'objection de conscience ?

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FranceSoir
Publié le 18 janvier 2022 - 19:40
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« En fait, il s'agit de mettre un terme à la peur et de reprendre une vie normale »
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Doit-on pouvoir se déclarer objecteur de conscience pour échapper à « l'obligation vaccinale déguisée » que représente l'instauration du passe vaccinal ? C'est une hypothèse qui a été soulevée ces derniers jours, notamment par la sénatrice Laurence Muller-Bronn, lors des débats autour du projet de loi. Ce statut assez méconnu permettrait de contourner ladite obligation en s'appuyant sur les grands principes des traités internationaux.

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion »

Ayant souvent été requise pour éviter de faire part à des activités militaires, l'objection de conscience se caractérise plus généralement par « un refus d'accomplir certains actes requis par une autorité lorsqu'ils sont jugés en contradiction avec des convictions intimes ». C'est un droit qui est inscrit, entre autres traités internationaux, à l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales de 1950.

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Dans le cas présent, l'utilisation de l'objection de conscience serait rendue possible parce que nous passons à une « obligation vaccinale déguisée », selon les propres mots du ministre de la Santé, Olivier Véran.

Une jurisprudence à l'échelle européenne avec l'arrêt Vavricka

Concernant l'objection de conscience, un litige de 2013 fait jurisprudence depuis.

En substance, il s'agissait d'un litige de 2013, entre un père de famille tchèque qui refusait de faire vacciner ses enfants contre « la poliomyélite, l’hépatite B et le tétanos », et l'État de République tchèque. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a donné raison à la République Tchèque d’avoir imposé ces vaccinations aux enfants, tout en reconnaissant « une ingérence dans le droit au respect de la vie privée ». Aussi, l'institution a justifié sa décision en soulignant la gravité des maladies concernées et la proportionnalité des peines encourues.

Les éléments que la Cour a pris en considération pour rendre sa décision sont :

•    Que les vaccins obligatoires imposés par la République tchèque existaient depuis de nombreuses années ;
•    Que les maladies en cause étaient graves ;
•    Que les effets secondaires des vaccins étaient connus ;
•    Que les conséquences de la non-vaccination étaient temporaires (refus d’accès à l’école maternelle) et limitée (amende de 110 euros) ;
•    La vaccination obligatoire n’entraînait pas de contrainte physique ;
•    Que le statut d’objecteur de conscience contre ces vaccinations était prévu par la loi tchèque et justifié aussi par le fait que la couverture vaccinale pour ces maladies était déjà élevé en République tchéque.

« Une loi constitutionnelle n'est pas forcément conventionnelle »

Avec l'aide de Me Diane Protat et le soutien de plusieurs associations telles que BonSens.org, Réaction 19, ou encore les Navigants libres, Laurence Muller-Bronn a rédigé et présenté un amendement pour que le statut d'objecteur de conscience soit inséré dans le texte de loi. Pendant les débats, il a été balayé d'un revers de main par le Sénat, comme d'autres avant lui, pour la seule raison que « cela reviendrait à supprimer le passe vaccinal ».

Aujourd'hui et jusqu'au vendredi 21 janvier, le texte est entre les mains des Sages du Conseil constitutionnel. Bien que l'institution ait été saisie par les deux Chambres, l'argument de l'objection de conscience n'est utilisé ni par les députés ni par les sénateurs. Il y a donc fort à parier que le texte sera jugé constitutionnel sans en faire mention.

Cela étant, Me Diane Protat souligne qu'« une loi constitutionnelle n'est pas forcément conventionnelle ». « L'objectif de cet amendement, nous dit-elle, c'était de lancer un souffle, de mettre en lumière l'existence de l'objection de conscience ». Quand bien même il est rejeté, il s'agit de faire savoir à tout un chacun (principalement aux non-vaccinés, ici lésés par le nouveau passe) qu'ils peuvent faire appel au « double regard de l'Europe ».

Lire aussi : Vaccination obligatoire des soignants : 268 requêtes jugées recevables par la CEDH

Eu égard à la décision prise par la CEDH pour l'arrêt Vavricka, si elle est saisie à nouveau, il faudrait s'assurer que les mesures sanitaires prises pour lutter contre le Covid-19, sont proportionnelles à la gravité de la maladie, ce qui déjà est largement remis en cause. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui déplorent que l'instauration du passe vaccinal se fasse à « contretemps ». « Je vois un paradoxe de plus en plus patent entre le durcissement des mesures et la réalité épidémique. On devrait débattre de leur assouplissement, pas de leur durcissement », nous confiait le sénateur Loïc Hervé ce jour.

D'autre part, il s'agit de s'intéresser plus particulièrement au « droit à l’objection de conscience séculière », mentionné par la CEDH dans son arrêt.

Une procédure trop fastidieuse ?

Sur le site du Courrier des stratèges, Eric Verhaeghe écrit : « Je n'attendrai pas l'avis pipeauté du Conseil constitutionnel pour me déclarer objecteur de vaccination. » Il met ensuite à disposition du public « un modèle de déclaration officielle d’objection de conscience », qui doit permettre à ceux qui le remplissent de faire valoir ce droit international auprès des différents commerçants, tenanciers d'établissements ou agents qu'ils seront amenés à croiser.

Que ce soit pour un simple verre en terrasse, ou demain peut-être, pour aller travailler, la procédure peut sembler trop fastidieuse. Cela étant, Me Diane Protat souligne que « l'objection de conscience est faite à la fois pour protéger le client, mais aussi le restaurateur qui a le courage d'ouvrir ses portes. » « En fait, il s'agit de mettre un terme à la peur et de reprendre une vie normale », conclut-elle.

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