Dans un discours “adressé aux Français” à la Sorbonne, Macron “gesticule” sur l’Europe sur un ton électoral

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France-Soir
Publié le 26 avril 2024 - 10:23
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Tesson / AFP
Emmanuel Macron était de retour hier, jeudi 25 avril, à la Sorbonne pour y prononcer un discours, sept ans après sa première allocution dans cette université.
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Emmanuel Macron était de retour hier, jeudi 25 avril, à la Sorbonne pour y prononcer un discours, sept ans après sa première allocution dans cette université. Cette fois-ci, le chef de l’État a consacré deux heures à l’Europe. Celle-ci est “en train de mourir d’elle-même” malgré des “avancées”. Il lui faut bâtir “une défense crédible”, “réviser sa politique commerciale”, “re-civiliser son espace numérique" et surtout, “devenir leader” dans des secteurs stratégiques pour ne pas connaître un “décrochage” face aux USA et la Chine. Pour l’opposition, ce discours fleuve, qui alterne entre bilan et annonces, n’est que le lancement de la campagne en prévision des européennes. Quant aux pays voisins, leurs réactions sont timides.  

“Sept ans après le discours de la Sorbonne, je souhaitais venir ici pour renouer le fil de nos accomplissements et parler de notre avenir. Notre avenir européen, mais par définition, l'avenir de la France ; ils sont indissociables”, a d’emblée déclaré le chef de l’État. Mais ces “accomplissements” ou ces “avancées” sont “limitées” et il ne s’y attarde pas trop. Il cite le Brexit, la pandémie de COVID et tout naturellement la guerre en Ukraine, des crises surmontées, du moins en matière de “souveraineté”. Concept qui, selon lui, “pouvait sembler très français il y a sept ans”, année de son élection, “s’est progressivement imposé en européen”.  

Pas de “défense crédible” sans les “investissements privés” 

Pour autant, poursuit-il, “est-ce suffisant ? (...) le risque d’être fragilisés, voire relégués, est immense. Parce que nous sommes dans un moment inédit de bouleversement du monde, d'accélération de grandes transformations”, dit-il. 

Emmanuel Macron dévoile alors son “programme électoral”. Pas sans une déclaration alarmiste: “Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant”, a-t-il déclaré devant un parterre de ministres et de hauts dirigeants européens. 

L’armement est la première question évoquée. A ses yeux, l’Europe a besoin de bâtir une "défense crédible" pour que le continent soit “puissant”, "se fasse respecter", "assure sa sécurité" et reprenne "son autonomie stratégique". "Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage" face aux grandes puissances, notamment Pékin et Washington, avertit-il.  

Il a annoncé son intention d’inviter dans les prochains mois "tous les partenaires" à réfléchir à "une initiative européenne de défense" qui soit "crédible" face "aux missiles” du “voisin agressif”, la Russie. S’il n’évoque pas une “armée européenne”, il propose de “créer une intimité stratégique”. Par contre, il suggère la création d’une “académie militaire” continentale et surtout, se diriger vers une “préférence européenne dans l’achat de matériels militaires”. 

Emmanuel Macron, qui explique vouloir mettre l’arme nucléaire française, “un élément de dissuasion crédible”, au profit de la protection des 27 membres de l’UE, ajoute qu’il “n’y a pas de défense sans industrie. Il s’agit de transformer l’urgence du soutien à l’Ukraine en effort de longue durée”. 

Comment booster cette industrie ? Le chef de l’État remet sur la table la question de l’épargne et de l’emprunt européen. “Nous avons, il faut être lucides, des décennies de sous-investissement dans nos propres productions. Et, au fond, les dividendes de la paix ont fait que les Européens ont insuffisamment investi, ce qui a aussi créé une très forte dépendance à l’égard de l’industrie non européenne”, estime-t-il.  

Pour “bâtir” cette industrie et “construire notre souveraineté, notre autonomie”, le président propose d’accroître “le soutien de la Banque européenne d’investissement et d’assumer des financements supplémentaires”. “C’est aujourd’hui que se joue la question de la paix et de la guerre sur notre continent et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas”, alerte-t-il encore. Il appelle alors à “mobiliser davantage” la capacité européenne “d’investissement privé”, voire provoquer un “choc d’investissements communs”. Pour lui, “notre épargne ne va pas dans les bons investissements". 

Macron veut “re-civiliser l’espace numérique” 

“La fragilité de l’Europe” ne se manifeste pas uniquement dans la défense. Sur le plan commercial, Macron appelle à une “révision” de la politique commerciale. “Ça ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce (...) si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques". 

Sur le plan technologique, Macron souhaite que l’UE se fixe comme objectif d'être "leader" mondial dans cinq secteurs en particulier, comme l'IA, l'informatique quantique, l'espace, les biotechnologies et les nouvelles énergies. “Les grandes transformations, celle de la transition digitale, celle de l’intelligence artificielle comme celle de l’environnement et de la décarbonation, se jouent maintenant”, poursuit-il.  

Le président français, dont la volonté de censurer des réseaux sociaux n’est plus dissimulée, veut “reprendre le contrôle de la vie numérique de nos enfants, de nos adolescents" et "re-civiliser l'espace numérique". “Nous devons interdire les propos racistes, les propos antisémites, les discours de haine dans l’espace numérique, où la présomption d’anonymat conduit à la désinhibition de la haine”, estime-t-il. Et, pourquoi pas, “imposer la majorité numérique à 15 ans” ainsi que la modération aux plateformes.  

Cette allocution a été aussi mal accueillie dans l‘opposition qu’ignorée en Europe. Les Républicains ont vite saisi la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ainsi que l'Arcom pour que ce discours, qualifié de “propagande électorale”, soit décompté de la campagne de Renaissance. 

Pour Manon Aubry, députée de LFI, Macron “a mis sept ans à détruire nos industries et services publics et organiser l’impuissance" et "deux heures pour s’en plaindre des effets". François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux européennes, déplore “un président qui parle beaucoup, mais qui, en fait, quand il s’agit d’agir, produit très peu de résultats”. “Gesticulations”, “autosatisfecit”, “ Des grands concepts pour ne rien dire” ... Même son de cloche chez les socialistes, les écologistes et la droite. 

Dans le continent, Olaf Scholz a été l’un des premiers dirigeants européens à réagir, saluant les “bonnes impulsions" du discours. Outre-le post X du chancelier allemand, les États membres de l’UE semblent indifférents, partageant le ressenti de l’opposition : un discours “destiné aux Français”, avec des “objectifs électoralistes” en prévision du scrutin communautaire de juin. Pour des diplomates, il ne s’agit de rien d’autre que la trajectoire déjà empruntée par l’UE et les positions françaises traditionnelles sur les questions évoquées 

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