Le discours de politique générale de François Bayrou  : un grand oral vide sur le fond, raté sur la forme.

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 16 janvier 2025 - 12:24
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Le discours de politique générale de François Bayrou : un grand oral vide sur le fond, raté sur la forme.
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Railleries à gauche et consternation à droite, tels furent les commentaires à chaud du moment où, durant plus d'une minute (une éternité en cette occurrence), François Bayrou s'est lamentablement emmêlé dans ses fiches ; Ce à quoi il faut ajouter les rires gênés, car surpris de Yaël Braun, Présidente de l'Assemblée nationale qui était sans doute la seule à penser possible que celui qu'on appelle « le Joe Biden français » (1) n'allait pas tutoyer le ridicule à cette occasion. Une fois de plus.

Ministre par intérim : une fonction institutionnalisée par Emmanuel Macron.

Exceptée une Rachida Dati (2) à classer parmi les « traîtres de droite » (3), ministre de la Culture toujours en poste qui a survécu aux démissions des deux Gouvernements précédents, et un Bruno Retailleau reconduit ministre de l'Intérieur, et en dépit d'un retour de Gérald Darmanin et Élisabeth Borne dans l'actuel Gouvernement, effectivement, Emmanuel Macron semble avoir institutionnalisé une nouvelle catégorie de ministre : le ministre par intérim.

Attention !

« Par intérim », là ce n'est pas au sens d'expédier les affaires courantes, comme le veut le protocole, lorsque démission du Gouvernement il y a. Non. Malheureusement pour la France et les Français, « par intérim », là, c'est l'inverse : c'est au sens de faire en sorte que les affaires urgentes ne soient pas traitées. Que l'immobilisme s'impose comme moyen d'inaction qui permet à un pouvoir en place, rejeté dans les urnes, de ne pas faire marche arrière ! Ne pas revenir sur les choix politiques qui ont fait que, Emmanuel Macron leur en ayant donné la possibilité avec la dissolution de l'Assemblée nationale qu'il a ordonnée, les électeurs lui retirent la majorité nécessaire à ce qu'il continue de mener une politique qui a été censurée. Censurée donc d'abord dans les urnes lors des élections législatives anticipées provoquées par cette dissolution, et ensuite par la censure d'un Gouvernement Barnier, qui avait explicitement fait état de son intention de poursuivre cette politique.

Malgré l'air benêt qu'il se donne, exprès, comme Jean Castex en son temps, mais dans une version légèrement différente (4), à savoir pour bénéficier de la clémence autant de ses pairs que du peuple ; François Bayrou s'est montré excellent dans l'exercice. Celui qui, ainsi, consiste à brasser de l'air. S'employer à faire perdurer, artificiellement et le plus longtemps possible, ce nouveau concept institutionnalisé par Emmanuel Macron (plus largement) du « Gouvernement par intérim » : ministres et autorité constitutionnelle.

En effet, voici d'abord le résumé officiel fait par les médias mainstream de la déclaration de politique générale que François Bayrou a faite hier devant l'Assemblée Nationale (5). Et, voilà ensuite la traduction que j'en ai faite en des termes populaires et concrets, sans langue de bois.

Résumé officiel :

« Remise en chantier de la question des retraites, création d'un fonds spécial dédié à la réforme de l'État, création d'une banque de la démocratie pour financer les partis politiques ou débat sur le scrutin proportionnel et un objectif budgétaire de limiter le déficit à 5,4 %. »

Traduction : du blabla tout ça. Ou comme dirait « le Chuck Norris de la politique française » (6) : de la poudre de perlimpinpin.

En effet, il s'agit là uniquement d'annonces, des promesses de béarnais qui ont uniquement pour but de tenter d’éviter la censure de son Gouvernement.

Je m'explique.

Tout d'abord, l'annonce de cette « remise en chantier de la question des retraites » qu'il a faite, consiste à permettre à l'aile droite de la gauche » qu'est le parti socialiste, de ne pas voter la motion de censure déposée par l'aile gauche de la gauche qu'est La France Insoumise.

Parce que c'est en ces termes que François Bayrou a fait état de ce faux débat sur l'éventualité à envisager de sans doute devoir revenir un tantinet sur un ou deux points de la réforme des retraites : « demander à la Cour des comptes une mission flash de quelques semaines » (génial !) et proposer « un conclave » censé réunir les partenaires sociaux, à savoir les syndicalistes collabos. Pléonasme.

Et, d'ajouter ceci, in fine, en « bon » centriste qu'il est : « Nous pouvons, j'en ai la conviction, rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou »

Et, ensuite, l'annonce du « débat sur le scrutin proportionnel » ; à savoir un énième débat sur l'éventualité, elle aussi sans doute à devoir envisager, de mettre un peu de proportionnelle dans les législatives (d'ici quand : 2027 ou 2067 ?), cette annonce a permis à l'opposition contrôlée RN et Cie d'avoir une excuse un tant soit peu crédible auprès de ses électeurs, pour ne pas voter, elle non plus (comme le PS), la motion de censure déposée par les LFI.

« Traîtres un jour, traîtres toujours », peut-on dès lors affirmer à leur sujet, pour reprendre une autre saillie de Rachida Dati, dans ce domaine dans lequel elle s'est donc magnifiquement illustrée elle aussi.

Quant à l'objectif budgétaire annoncé de « limiter le déficit à 5,4 % », étant donné que la limite fixée par la Commission européenne est 3 %, le budget 2025 de la France sera immanquablement retoqué par Bruxelles. De plus et bien évidemment, il aura manqué de rappeler que le travail de la Commission des finances a permis de dévoiler ceci : les irrégularités et insincérités des comptes de la nation menant à un tel déficit ainsi que le rôle de ses prédécesseurs (Castex, Borne, Attal) et du sempiternel ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire. Protection de la caste rentière aux affaires depuis si longtemps oblige.

En cela, c'est vraiment se fiche ouvertement de la figure du contribuable d'annoncer un tel taux. Tout particulièrement en ce que ce déficit ahurissant de 5,4% découle pour partie des augmentations de dépenses liées aux autres éléments du résumé du discours de François Bayrou :

« Création d'un fonds spécial dédié à la réforme de l'État, création d'une banque de la démocratie pour financer les partis politiques ».

Pardi !

C'est par l'adoption de nouveaux impôts que ces deux créations vont se matérialiser. L'augmentation des dépenses en conséquence que va valider la classe politique dans son entièreté ; hormis bien sûr les habituels guignols de service, faux opposants de droite, qui feront semblant de s'en offusquer, pour amuser la galerie et entretenir la mystification. (7)

Pourquoi ? Parce que c'est tous partis politiques confondus (comme d'habitude) que les membres de la caste des parasites politiciens vont pouvoir se gaver encore plus, en l'occurrence les salaires et avantages en nature énormes dont vont profiter les copains des copains qui vont être membres des conférences, commissions et autres comités que François Bayrou a évoqués à cet égard.

Et pareil, évidemment, pour le « comité interministériel de contrôle de l’immigration » qu'il a proposé de réactiver.

Enfin, François Bayrou ayant également fait savoir qu'il comptait « reprendre l’étude des cahiers de doléances » instaurés consécutivement au mouvement des Gilets Jaunes (le fameux « grand débat » lors duquel Emmanuel Macron a pu « mouiller la chemise » devant les caméras, grâce à ceux qui ont accepté de participer à cette mascarade), je ne saurais trop conseiller aux plus démunis d'entre nous de se préparer au pire. 

Bayrou de secours, mais nous ne sommes toujours pas sortis de l'auberge.

1) c'est autant le monde politique, professionnels et observateurs patentés, que les simples citoyens qui appellent François Bayrou « Le Joe Biden français » de plus en plus en nombre.

2) tous les ministres d'un Gouvernement démissionnaire percevant trois mois de salaire d'indemnité, soit quarante mille euros en moyenne, ceux qui retrouvent une place dans le nouveau Gouvernement cumulent cette indemnité avec leur salaire de ministre en fonction. Et dans le cas précis des trois mois durant lesquels, postérieurement aux élections législatives anticipées, Emmanuel Macron a laissé le pays sans Gouvernement, voici ce qu'on fait les ministres du Gouvernement Attal démissionnaire. Au prétexte « d'assurer l'intérim » en attendant la nomination d'un nouveau Gouvernement, ils ont continué à percevoir leur salaire, un salaire plein versé pendant trois mois que là aussi ils ont cumulé avec leur indemnité de départ susdite de trois mois de salaire. Rachida Dati ayant fait partie du Gouvernement Attal et du Gouvernement Barnier, elle a donc bénéficier du cumul « salaire + indemnité  », à la fois durant les trois mois d'été durant lesquels Emmanuel Macron a laissé le pays sans Gouvernement, et durant les trois mois pendant lesquels le Gouvernement Barnier a été en fonction.

3) selon ses propres mots et d'après sa propre analyse, d'un parti présidentiel alors ultra-majoritaire et qui est toujours au pouvoir, de fait, bien qu'il soit devenu minoritaire à l'Assemblée nationale. Un maintien au pouvoir grâce au Rassemblement National plus que jamais complice d'Emmanuel Macron dans la conduite du pays dans le mauvais sens – seulement 3 % des Français pensent qu’il mène le pays dans le bon  sens dans un sondage exclusif France-Soir/BonSens.org du 10 octobre 2024. Ce sens à l'opposé des intérêts de la France et des Français qui, via la poursuite de la politique qu'il mène depuis 7 ans ainsi rendue possible, va être imposé à la Nation de longs mois encore, contre sa volonté. Au mépris des principes démocratiques que les traîtres de droites, les traîtres de gauche et les traîtres du centre n'ont de cesse d'invoquer dans les sévices de leurs fonctions. Pour justifier les basses besognes auxquelles ils s'adonnent soi-disant au nom du peuple français. L'application « façon hydrothérapie du colon » effectuée avec de l'eau usée (celle des latrines du pouvoir) du principe de la République : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

4) « davantage alcoolisée » disent certains, et « moins congénitale », plus centriste pour d'autres.

5) texte lu simultanément au Sénat par Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale.

6) en référence aux tirades qu'on prête à Chuck Norris en raison de son narcissisme infini. Il y en a des dizaines notamment ici. En voici quelques-unes dans lesquelles j'ai remplacé « Chuck Norris » par « Emmanuel Macron » :

« Hercule est un demi-dieu, Dieu est un demi-Emmanuel Macron. »

« Jésus est né en 1977 avant Emmanuel Macron. »

« Emmanuel Macron peut ressusciter un angle mort. »

« Emmanuel Macron a déjà compté deux fois jusqu’à l’infini. »

« Emmanuel Macron peut faire rentrer 3 litres d’eau dans une bouteille d’un litre en tassant bien. »

« L’avenir se demande parfois ce qu'Emmanuel Macron lui réserve. »

Celle-ci lui va encore mieux : « Emmanuel Macron ne ment pas, c’est la vérité qui se trompe. »

Et, surtout, celle-là : « Le Diable a vendu son âme à Emmanuel Macron. »

7) un amendement qui réduit les recettes est irrecevable. Merci Charles de Gaulle d'avoir fait inscrire noir sur blanc dans la Constitution, que le Parlement n'a aucunement son mot à dire concernant le point le plus important : la loi de finances. La loi dont dépend tout le reste et qui porte sur le plus important : les impôts prélevés sur le peuple. Toutefois, cet article de la Constitution s'applique uniquement au texte du projet de loi présenté par le Gouvernement. L'Assemblée nationale peut réduire ou supprimer les recettes que le Sénat a ajoutées au projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, et inversement : le Sénat peut revoir à la baisse les recettes que l'Assemblée nationale a ajoutées au projet de loi de finances du Gouvernement. Et, deuxièmement, il existe un moyen, pour l'Assemblée nationale, d'imposer au Gouvernement de baisser les recettes : la motion de censure. Dire ceci en substance au Gouvernement, pendant l'examen du projet de loi de finances : « Baissez telles recettes ou nous votons une motion de censure.

En effet, à l'inverse des parlementaires qui eux ne peuvent pas amender le projet de loi de finances dans le sens d'une diminution des recettes, le Gouvernement, lui, peut le faire, par une modification proposée durant les débats et que les parlementaires peuvent alors valider ou non.

 

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