Dernière rencontre avant 2022 entre un Macron pugnace et des maires mécontents
Face à des milliers de maires qui l'attendaient au tournant, Emmanuel Macron a défendu jeudi son bilan avec pugnacité, recueillant un accueil plus positif que par le passé malgré le réquisitoire des dirigeants de l'Association des maires de France.
D'entrée, le chef de l'Etat a pris le taureau par les cornes, en évoquant les crispations avec les maires qui ont marqué son quinquennat. "Il se peut qu'il y ait eu des malentendus au début, il se peut qu'il y ait eu des préjugés", a-t-il lancé lors d'un discours clôturant le congrès de l'AMF à Paris, un euphémisme qui a déclenché quelques rires et détendu l'atmosphère.
"J'assume de ne pas avoir été maire", a-t-il ajouté, répondant à un reproche récurrent. Avant de lancer en souriant : "Mais je ne suis par le seul président", "il se peut que le Général de Gaulle ait eu le même défaut".
Avant son intervention, le nouveau président de l'AMF, le maire LR de Cannes David Lisnard, avait énuméré les points de désaccord dans un discours de près de deux heures.
Il a reproché au chef de l'Etat "l'extrême-centralisation" de ses décisions. "Combien de préfets -je me suis laissé dire parfois même des ministres- ont découvert les décisions en même temps que nous", a-t-il ironisé. Appelant à "un nouveau souffle de décentralisation", il a déroulé, sous les rires - y compris du président - le long catalogue des acronymes des lois et plans qui encadre les décisions locales.
Plus critique encore, le premier vice-président de l'AMF, le PS André Laignel, a lu une résolution sans concession du nouveau bureau. "Dialogue, négociation, confiance : est-ce trop demander ? Et pourtant c'est ce que nous n'avons pas pu avoir ces quatre dernières années". "Espérons que la future mandature qui s'ouvrira en 2022 le permettra enfin."
Attentif à renouer le dialogue à cinq mois de la présidentielle, le chef de l'Etat a pris soin, comme il l'avait fait la veille en recevant un millier de maires à l'Elysée devant un plantureux buffet, de louer leur action durant la crise sanitaire.
Il a rappelé ses heures de questions-réponses avec des maires durant le grand débat lors de la crise des "gilets jaunes".
M. Macron a ensuite défendu ses choix, de la suppression de la taxe d'habitation aux actions en faveur des "coeurs de ville", assurant avoir préservé les ressources des communes, l'un de ses points de friction avec les dirigeants de l'AMF.
- Débats "mortifères" -
"La taxe d'habitation était un impôt pour les classes moyennes, mauvais pour les petites villes, injuste", a-t-il plaidé, quand David Lisnard a dénoncé sa suppression comme "la dernière étape de la déstabilisation totale de notre système de fiscalité locale".
"Il faut avoir de la cohérence, si on appelle au respect et à la civilité il faut aller jusqu'au bout", s'est agacé le chef de l'Etat alors qu'un sifflet venait d'interrompre son discours, réminiscence des quolibets essuyés lors de son premier congrès de l'AMF en 2017.
M. Macron a aussi appelé à éviter les débats "mortifères" qui opposent l'Etat aux élus locaux. "L'Etat est un tout, il ne peut pas y avoir l'Etat face aux élus", a-t-il insisté.
Son discours a été finalement assez applaudi et le président est resté un long moment pour un bain de foule. Mais beaucoup d'édiles restaient sur leur faim.
"C'est davantage un plaidoyer pour un bilan que des réponses aux questions précises portées par nos mandants", a commenté Frédéric Pfliegersdoerffer, maire (sans étiquette) de Marckolsheim (Bas-Rhin).
Même opinion pour Jacky Marcheteau, maire de Saint-Etienne de Brillouet, pour qui "notre président est très performant dans ce genre d'exercice, mais il ne lâche pas grand-chose". "Ca ne répond pas à des questions de fonds sur les relations entre l'Etat et les collectivités locales", a remarqué Anne Novello, adjointe au maire de Gattières (Alpes-Maritimes).
"Oui, on est écoutés par le gouvernement", s'est au contraire réjouie Caroline Cayeux, maire UDI de Beauvais, citant une augmentation des effectifs policiers dans sa ville.
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