En jungle guyanaise, la formation d'une certaine élite militaire française

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Par Didier LAURAS - Dans la forêt guyanaise (France) (AFP)
Publié le 27 octobre 2021 - 16:08
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Des stagiaires français sur le parcours d'obstacles du Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE), prestigieuse institution du 3e Régiment étranger d'infanterie (REI) (CEFE), en Guyane français
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© jody amiet / AFP
Des stagiaires français sur le parcours d'obstacles du Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE), prestigieuse institution du 3e Régiment étranger d'infanterie (REI)(CEFE)
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"Restez sérieux jusqu'au bout, les premières blessures vont commencer à apparaître. Il faut serrer un peu les dents", admoneste le capitaine Quentin. Face à lui, devant une épaisse forêt équatoriale, les six stagiaires en tenue camouflage ne bronchent pas.

Sac à dos et arme de guerre posés au sol devant leurs pieds, ils sont les derniers à rester debout après plus d'un mois de formation au Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE), prestigieuse institution du 3e Régiment étranger d'infanterie (REI), le plus décoré de la Légion étrangère, installé à Régina au nord-est de la Guyane, territoire français d'Amérique du Sud.

Des 42 stagiaires au départ de cette session, il n'en reste que 19. Les autres ont jeté l'éponge. Le CEFE a ensuite sélectionné parmi eux ces six hommes, désormais désignés par de simples numéros, pour devenir dans 15 jours des aides-moniteurs forêt (AMF).

A l'issue de ce stage, à l'évidence inaccessible au commun des mortels, ils formeront à leur tour des soldats d'élite, espions, gendarmes, policiers. Autonomie, rusticité, esprit d'équipe: autour de ces trois piliers s'articulent ce que le capitaine Quentin décrit comme "le référent milieu équatorial de l'armée française".

De fait, explique-t-il à quelques journalistes invités en Guyane dont une équipe de l'AFP, "une bonne majorité des stagiaires découvrent leurs limites". Les blessures apparaissent sous les assauts des efforts, de la pression psychologique et de la privation de sommeil, dans un milieu extrêmement chaud, humide et dangereux, peuplé d'espèces plus ou moins hostiles.

"Le but c'est de recréer artificiellement les conditions de difficultés physiques, physiologiques, psychologiques", ajoute l'atypique légionnaire, passé par l'Ecole normale supérieure en philosophie avant d'intégrer la prestigieuse école militaire de Saint-Cyr. Mais "on ne fait rien pour faire du mal aux stagiaires sans raison".

- "Rapido !" -

De fait, la géopolitique mondiale replace le CEFE dans une nécessité stratégique. Les combats en forêt avaient tendance à s'inscrire dans un passé révolu. Mais ils reviennent d'actualité en particulier au Sahel, où les affrontements entre la force antijihadiste française Barkhane et les groupes liés à Al-Qaïda et à l'organisation Etat islamique se rapprochent des zones boisées du nord du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire.

Maîtriser le combat en forêt et en jungle est donc redevenu essentiel. Avec ses spécificités: visibilité réduite, combat rapproché, communications difficiles, accès par pirogue ou hélicoptère uniquement.

Les médias ne sont pas invités pour la partie la plus dure du stage. Mais on la devine violente, caricaturale. Pour qu'un homme dépasse ses propres limites, il faut qu'il les découvre. "Ils doivent rêver de moi", sourit le sergent-chef Miroslav, 40 ans dont 20 ans dans la Légion, d'origine slovaque.

Les stagiaires avalent la "piste pécari", ponctuée d'épreuves dans la boue, les racines, les barbelés et les obstacles divers. Tour à tour, ils se supervisent les uns les autres. "Faut les stimuler un peu, numéro 3. Faut que ce soit dynamique ! Rapido", demande le Slovaque d'une voix de stentor. "Pas besoin de crier, pas besoin de faire le méchant. Tu donnes de la voix", exige-t-il d'un autre, un taiseux taillé dans une armoire à glace.

"On est des immigrés, tous. On parle mal, il faut être clair", rappelle-t-il, en soulignant cette spécificité de la Légion, qui accueille sous un nom d'emprunt neuf mille hommes, dont 90% d'étrangers venus des quatre coins du globe refaire leur vie sous le drapeau tricolore.

- En mode survie -

A distance, le caporal Romain, un auxiliaire sanitaire qui a effectué trois missions au Mali et une en Côte d'Ivoire, observe sans mot dire. "Je les mets en slip tous les soirs, je vérifie tout", dit-il en distinguant "bobologie" - blessures bénignes mais à soigner - et problèmes sérieux.

C'est après plusieurs semaines, "quand la fatigue arrive, qu'il y a des pathologies liées au manque de vigilance", analyse-t-il. Satisfait, il constate: "ils ramassent (ils souffrent, ndlr), mais ils ramassent ensemble et ils ramassent bien".

Le lieutenant Etienne, officier de communication du 3e REI, se souvient d'un Saint-Cyrien qui a fini l'entraînement avec une "sale entorse" à la cheville. "Je ne suis pas sûr que sans la pression psychologique, il aurait accompli ce genre de choses", ajoute-t-il.

"Dans une situation dangereuse, ce qui nous vient directement à l'esprit, ce sont des automatismes. C'est vraiment par l'entraînement qu'on arrive à faire en sorte de mettre la panique de côté pour rester professionnel".

Et il rejette le concept "d'humiliation gratuite" au profit d'une "mise en conditions". Certains stagiaires sont ainsi largués sans nourriture en forêt profonde pendant deux ou trois jours. "Ils sont contents de se retrouver en survie. Ils se disent: "trois jours sans instructeur, je ne connais pas meilleur bonheur", assure le lieutenant.

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