Extension des vaccins pour les enfants : "Il y a manifestement une grosse erreur de tempo de la part de la ministre"
La nouvelle minsitre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé qu'elle envisageait de demander à ce que 11 vaccins infantiles deviennent obligatoires au lieu de trois actuellement. Une déclaration qui a provoqué les réactions outrées des groupes qui combattent la vaccination, dont la défiance grandit dans l'opinion. Ceux-ci y voient en effet, au mieux, l'outil d'une collusion commerciale avec les laboratoires pharmaceutiques et, au pire, un scandale de santé publique qui ne dit pas son nom.
Antoine Vial, expert en santé publique et auteur de Santé: le trésor menacé (L'Atalante) répond aux questions de FranceSoir.
> Pourquoi la question de la vaccination est-elle si problématique au point d'entraîner une telle levée de boucliers suite à l'annonce de la ministre?
"C'est assez spécifique à la France une telle défiance avec quatre personnes sur dix qui ne font plus confiance aux vaccins. Des groupes travaillent à colporter de fausses informations, en se basant sur des études souvent incomplètes. En 1998 par exemple, la revue de référence +The Lancet+ avait publié des conclusions soulignant un lien entre le vaccin contre la rougeole/rubéole/oreillons et l'autisme. Or, cette étude n'avait été menée que sur un échantillon de 12 personnes. Mais l'argument est resté, et l'étude fréquemment citée.
"Nous subissons aussi l'évolution de notre société qui tend vers plus d'individualisme. Car vacciner, c'est se protéger soi, mais c'est aussi protéger les autres on l'oublie trop souvent. Comme on oublie aussi que des maladies comme la méningite ou la rougeole sont graves et peuvent faire des ravages dans les lieux qui en sont frappés.
"Enfin, il ne faut pas passer outre de graves erreurs commises par les autorités publiques sur la question du vaccin. Je pense par exemple à l'affaire du H1N1 (en 2009, NDLR) lorsque Roselyne Bachelot était ministre de la Santé, qui a brisé la confiance des Français pour les campagnes de vaccination. Ou encore les sites Internet publics qui parlent de la vaccination et qui donnent franchement l'impression de faire de la propagande".
> Passer de trois à onze vaccins obligatoires, est-ce une bonne affaire pour les laboratoires pharmaceutiques, comme le soulignent justement les détracteurs qui y voient une manipulation?
"Oui, c'est évident que c'est une bonne affaire pour les laboratoires. Vous savez, même l'Institut Pasteur –on l'oublie souvent– est un organisme privé. Et les autres acteurs du marché, comme Sanofi, ont de quoi se réjouir, d'autant que la hausse des vaccins en France peut jouer comme un effet de levier pour leur expansion dans les autres pays. Mais faut-il faire un procès d'intention à Agnès Buzyn? Personnellement, j'en doute".
> Pourtant, on peut trouver que faire comme première annonce celle d'une extension de la vaccination obligatoire est de nature à semer le doute, non?
"Il y a manifestement une grosse erreur de tempo de la part de la ministre. Mais il faut rappeler la manière dont cette décision s'est prise. La question de l'extension de la vaccination date d'avant Mme Buzyn. C'est la précédente ministre de la Santé, Marisol Touraine qui avait lancé une réflexion sur cette question. Des conclusions en faveur de l'extension ont été émises par des experts. Agnès Buzyn arrive à son poste et constate que le dossier est bouclé, elle décide donc de le concrétiser. C'est évidemment assez léger de se positionner sur cette question aussi vite, sans anticiper la réaction de ceux qui sont sceptiques sur la vaccination. Et on peut également critiquer cette manière d'annoncer une telle mesure d'un ton injonctif, plutôt que de faire appel à la responsabilité de l'opinion. Il est certain que tout cela concourt à jeter le doute".
> Concrètement, un vaccin peut-il représenter un danger pour la santé?
"Oui il y a des risques, pour la simple et bonne raison qu'un vaccin contient des principes actifs. Or, tous les principes actifs peuvent entraîner des effets secondaires, il n'y a pas d'exception. Je vous signale d'ailleurs que, dans une fourchette basse, les effets secondaires générés par des médicaments (et pas seulement les vaccins bien entendu) provoquent la mort de 30.000 personnes par an en France. Mais je rappelle tout de même que, par rapport à une maladie comme par exemple la rougeole, non seulement le vaccin est moins coûteux mais il est surtout d'un point de vue thérapeutique moins invasif, et donc moins risqué en termes d'effets secondaires, qu'un traitement pour combattre la maladie".
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