Financement libyen : de nouveaux éléments à charge contre Sarkozy

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FranceSoir avec AFP
Publié le 30 septembre 2022 - 15:20
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Nicolas Sarkozy s'adresse à ses partisans réunis salle de la Mutualité après les résultats du second
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AFP/Archives - ERIC FEFERBERG
Nicolas Sarkozy s'adresse à ses partisans réunis salle de la Mutualité après les résultats du second tour des élections présidentielles à Paris à Paris le 6 mai 2012.
AFP/Archives - ERIC FEFERBERG

De Tripoli à Paris, de nouveaux éléments d'enquête viennent renforcer les soupçons de financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy - que l'ex-chef de l'Etat français dément - tels des témoignages supplémentaires de l'ex-garde rapprochée de Mouammar Kadhafi.

Une information judiciaire avait été ouverte en 2013 en France, épais puzzle dans lequel Nicolas Sarkozy est mis en examen pour quatre infractions et conteste toute accusation.

En parallèle, une enquête libyenne a permis, ces dernières années déjà, d'entendre plusieurs proches du Guide tué en 2011 évoquer, sans apporter de preuves matérielles, de l'argent versé. Une valise de billets, selon l'ex-Premier ministre Baghdadi Al-Mahmoudi (2006 à 2011) ; un versement de sept millions d'euros selon l'ancien chef des renseignements militaires et beau-frère de Kadhafi, Abdallah Senoussi.

Début juin, la magistrate instructrice française Aude Buresi, un enquêteur de l'Oclciff (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales) et un procureur du Parquet national financier se sont rendus en Libye.

Selon des éléments de l'enquête dont l'AFP a eu connaissance, dévoilés par Mediapart récemment, un procureur de Tripoli leur a confirmé la volonté libyenne de se porter partie civile en France et leur a résumé les derniers témoignages obtenus, selon lui "très variables, car certaines personnes ont peur d'être poursuivies en Libye concernant un détournement d'argent public".

Une visite en 2005 

Principale nouveauté, la toute première audition de l'ex-argentier Bachir Saleh, présenté par d'autres Libyens comme central dans ce financement supposé, en tant que gestionnaire d'un fonds étatique par lequel auraient transité une partie des versements.

Exfiltré de Libye en France en pleine révolution libyenne, puis de France vers l'étranger en 2012, au moment où le pouvoir devenait socialiste en France, cet homme âgé de 75 ans avait plusieurs fois balayé cette "salade franco-française". Cependant, une équipe de l'émission télévisée "Cash investigation" de 2018 l'avait enregistré à son insu alors qu'il disait "croire" aux accusations de financement libyen formulées par Abdallah Senoussi, tout en se dédouanant de tout rôle.

Selon ces nouveaux éléments, obtenus via une audition à Dubaï en 2019, M. Saleh a de nouveau contesté avoir joué tout rôle mais, pour la première fois, il affirme avoir "entendu que Nicolas Sarkozy a demandé à Mouammar Kadhafi de l'aider dans sa campagne".

Celui qui fait l'objet depuis 2018 d'un mandat d'arrêt international émis par les juges français a aussitôt tempéré : selon le procureur libyen, "il ne sait pas comment cette aide a été versée" et "ne sait pas s'il y a eu des sommes transférées".

Plus récemment, début 2021, Ahmed Ramadan, ancien secrétaire particulier de Kadhafi, a déclaré à la justice libyenne que lors de sa fameuse visite de 2005 en tant que ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait "demandé à Mouammar Kadhafi de le soutenir financièrement et moralement pour sa prochaine campagne électorale. (Le Guide) lui a donné son accord", sans que la valeur de ce soutien ne soit alors évoquée.

Catégorique, l'ex-homme de confiance du Guide a évoqué une somme ensuite fixée à 7 millions d'euros et dollars, attestée par "des reçus" et des "preuves" non fournis.

Un autre témoin s'est montré en revanche moins tranché sur ces accusations : Abdel Rahmane Chalgham, ministre des Affaires étrangères de Kadhafi entre 2000 et 2009.

Celui qui avait fait défection pendant la révolte libyenne début 2011 a indiqué en février 2018 n'avoir jamais entendu parler d'un tel financement, si ce n'est lors d'une unique discussion non datée avec le Guide, au cours de laquelle Kadhafi se serait demandé, selon Chalgham, si de l'argent avait effectivement été versé.

L'enquête française a aussi récupéré récemment un témoignage d'une autre proche de Kadhafi, son ex-cheffe du protocole Mabrouka Cherif, produit en 2019.

Comme Ahmed Ramadan et d'autres dignitaires libyens, celle-ci a déclaré que lors de sa visite de 2005, Nicolas Sarkozy avait "demandé" à Mouammar Kadhafi "de le soutenir et de l'aider dans sa campagne électorale" de 2007, d'après elle pour "20 millions", demande renouvelée en 2010 encore pour "20 millions d'euros".

Agendas

Sur demande des magistrats instructeurs, les enquêteurs français se sont par ailleurs penchés sur la relation entre Nicolas Sarkozy et l'ancien haut fonctionnaire Thierry Gaubert, mis en examen en janvier 2020 car soupçonné d'avoir touché via diverses opérations bancaires et l'intermédiaire Ziad Takieddine des fonds provenant du régime Kadhafi.

Quelques mois plus tard, Nicolas Sarkozy avait déclaré à deux reprises ne pas avoir vu son ancien collaborateur depuis 1996. Mais l'analyse des agendas de ce dernier a apporté "de nombreux éléments confirmant la poursuite des relations" entre les deux "postérieurement à 1995", selon le commandant de l'Oclciff qui enquête sur ce dossier.

Plus anecdotique, l'ex-épouse du chef de l'Etat Cécilia Attias a, elle aussi, été interrogée, début juin.

Elle a présenté Nicolas Sarkozy comme un "homme honnête, profondément intègre", "un homme d'Etat", tout en indiquant être "tombée de (sa) chaise plus d'une fois" à la découverte dans la presse d'éléments sur ce dossier. "Soit j'étais très naïve, soit j'ai été très stupide, mais pour moi, ça ne rentrait pas du tout dans l'image que j'avais et dans ce que j'ai vécu".

Contactés sur ces témoignages libyens comme sur ces éléments issus des agendas, ni l'entourage, ni l'avocat de l'ex-président, présumé innocent, n'ont répondu à l'AFP.

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