"Gilets jaunes" : le pouvoir prépare un "geste" dans l'urgence
L'exécutif a engagé lundi une course contre la montre pour tenter d'apaiser la crise sociale et politique des "gilets jaunes", avec un "geste" en préparation afin d'éviter la répétition de violences de plus en plus graves.
Le Premier ministre Édouard Philippe va rapidement annoncer des "mesures" afin de permettre "le déroulement serein" de la concertation de trois mois voulue par l'exécutif, a fait savoir son entourage. Mercredi à l'Assemblée et jeudi au Sénat, un débat se tiendra avec tous les partis, a-t-on indiqué à Matignon, où se sont succédé en consultation les chefs des principaux partis politiques.
Le chef du gouvernement va "annoncer un geste d'ouverture fort dans les prochains jours", a assuré le président du parti Agir et ministre de la Culture Franck Riester, en sortant de Matignon. La pression monte dans l'opposition et dans une partie de la majorité pour un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants prévue le 1er janvier, détonateur de la crise qui dure depuis plus de trois semaines.
L'Arc de Triomphe tagué et saccagé, des grilles du jardin des Tuileries arrachées, des véhicules incendiés, des magasins pillés... Les violences du week-end à Paris ont donné lieu au chiffre record de 363 gardés à vue, selon le parquet de Paris. Parmi eux, 139 suspects ont été présentés à la justice et 111 ont vu leur garde à vue prolongée.
Le profil des premiers "gilets jaunes" jugés à Paris, dont certains ont écopé de prison ferme, est bien loin du profil-type du casseur ou du délinquant: des hommes souvent jeunes, intégrés, venus de toute la France.
Une personne participant à la manifestation des "gilets jaunes" samedi à Toulouse a par ailleurs été gravement blessée et son état "s'est aggravé de façon critique".
- déjeuner Macron-CRS -
En signe de soutien aux forces de l'ordre, Emmanuel Macron a déjeuné avec des CRS et policiers dans une caserne parisienne lundi. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, auditionné lundi soir à l'Assemblée, a admis que le maintien de l'ordre devait s'adapter à des manifestants de plus en plus déterminés et mobiles, car "nous avons des doctrines qui ne sont plus adaptées à la réalité." Il recevra les syndicats de police mardi, a fait savoir Beauvau.
Dépôts pétroliers, routes: des blocages se poursuivaient un peu partout en France, provoquant même des pénuries de carburant en Bretagne et des kilomètres de bouchons à la frontière espagnole. Un mouvement de fronde a saisi aussi les lycées contre les réformes de l’Éducation nationale.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a décidé de "reporter" sa visite en Serbie prévue mercredi et jeudi, a annoncé la présidence serbe. Une réunion de crise s'est tenue en fin de journée à l’Élysée en présence du tandem exécutif et de plusieurs ministres. La réunion a "permis d’échanger sur les réponses à apporter aux mobilisations en cours", a rapporté l"Elysée, laissant augurer des annonces imminentes.
Une extrême tension règne après trois samedis émaillés de scènes d'émeutes et des blocages quotidiens. Ainsi, les représentants du collectif "gilets jaunes libres", dont certains ont reçu des menaces de mort, ont indiqué qu'ils n'iraient pas à Matignon mardi, notamment pour "raisons de sécurité".
"Si ça continue comme ça, on va avoir le même problème que la dernière fois", reconnaît un conseiller à Matignon, où une première réunion avait avorté faute de participants.
La contestation est née du refus de la hausse de la fiscalité sur les carburants pour financer la transition écologique. Exacerbée par la question du pouvoir d'achat, sur fond de mépris ressenti par nombre d'habitants des zones rurales et périurbaines, elle s'appuie, selon les sondages, sur le soutien constant de 70 à 80% de l'opinion.
- "Cédez ou partez" -
La plupart des responsables de l'opposition demandent un moratoire sur la hausse prévue du prix de l'essence et du diesel au 1er janvier. C'est l'un des messages portés lundi devant le Premier ministre notamment par Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Olivier Faure (PS), Benoît Hamon (Génération-s), Jean-Christophe Lagarde (UDI), Marine Le Pen (RN), Florian Philippot (Patriotes) ou encore Laurent Wauquiez (LR). Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et François Bayrou (MoDem) se sont faits représenter.
Seuls les écologistes David Cormand et Delphine Batho n'ont pas demandé de moratoire.
"Cédez ou partez", ont lancé lundi les membres de la délégation de la France insoumise (LFI) à Édouard Philippe.
Au 20h de TF1, Mme Le Pen s'est campée en "soutien indéfectible des +gilets jaunes+". Elle a demandé "solennellement" à Emmanuel Macron de "renoncer à sa politique fiscale".
"Le président de la République ne peut pas continuer à rester silencieux", avait jugé dans la matinée le patron des Républicains (LR) Laurent Wauquiez, renouvelant son appel à un référendum sur la transition écologique.
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a pour sa part jugé nécessaire d'"accélérer la baisse des impôts" mais aussi celle de la "dépense publique".
Sur le front économique, le mouvement menace de lourdes conséquences: selon une estimation de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), les blocages pourraient générer plus de 13 milliards d'euros de pertes dans l'agro-alimentaire. Enfin la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a demandé lundi l'annulation de la hausse prévue de la taxe sur les carburants, au nom de sa crainte d'une "paralysie de l'économie française".
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