Hautes-Alpes : les Identitaires, ces "supplétifs" qui encombrent les autorités
Les autorités ont annoncé lundi avoir mis un terme aux patrouilles "néfastes" des "supplétifs" de Génération identitaire (GI) à la frontière franco-italienne, ce que dément le groupuscule d'extrême droite qui assure rester sur place et agir en conformité avec la loi.
Depuis leur démonstration d'hostilité aux migrants, au col de l’Échelle près de Briançon le 21 avril, des militants identitaires affirment participer au contrôle de la frontière aux côtés des forces de l'ordre, sous la bannière de "Defend Europe", mouvement qui a déjà fait parler de lui l'été dernier en Méditerranée.
Après avoir revendiqué, vidéo à l'appui, la remise de quatre "clandestins" la semaine dernière, ils affirmaient samedi sur Twitter que la police aux frontières avait arrêté sept migrants "repérés et signalés" par leurs soins.
La préfecture des Hautes-Alpes dénonce "une opération de communication (...) visant à faire croire qu'ils contribuent à la lutte contre l'immigration clandestine". "La mission régalienne de contrôle aux frontières relève des seuls services de l’État" et "en aucun cas cette mission ne concerne GI, qui n'est en rien habilité à agir dans ce domaine", a-t-elle martelé lundi dans un communiqué.
Alors que huit Identitaires, dans la nuit de samedi à dimanche, "ont tenté une nouvelle fois de se faire passer pour des supplétifs des services de l’État", les forces de l'ordre leur ont ordonné "de stopper immédiatement leurs agissements néfastes", qui ne servent à rien et "ne font qu'exacerber les tensions autour de la question migratoire", a poursuivi la préfecture en assurant que le groupe avait depuis quitté les lieux.
Joint par l'AFP, le porte-parole de GI a cependant démenti la fin des patrouilles. "Nos équipes sont toujours sur place, leur mission continue et nous n'avons pas reçu de demande de partir", a déclaré Romain Espino, évoquant la présence d'une "vingtaine de militants", en majorité des Français.
- "La loi de notre côté" -
"Juridiquement, on peut intervenir car on a la loi de notre côté et l'article 73 du code pénal protège notre action", a-t-il ajouté. Ce texte prévoit que "dans les cas de crime ou délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche".
Vendredi, le parquet de Gap avait ouvert une enquête sur les agissements de GI, classée sans suite dans la journée faute d'infraction ou de plainte.
Cette absence de sanction, alors que trois personnes sont poursuivies par la justice pour avoir franchi la frontière avec des migrants le 22 avril, passe mal parmi ceux qui viennent en aide aux réfugiés depuis des mois. Ils dénoncent "deux poids, deux mesures" dans la réaction des autorités et s'interrogent sur la légalité de l'action des Identitaires, au-delà des articles de loi qu'ils invoquent.
Me Yassine Djermoune, défenseur d'un des trois prévenus actuellement détenus à Marseille, n'y voit qu'une "couverture", un "subterfuge", car si "l'entrée sur un territoire en situation irrégulière est effectivement un délit", "GI n'est pas en mesure d'apprécier les situations" de chacun. Sans compter que "le droit de solliciter l'asile est un droit inconditionnel".
Pour lui, les conditions de l'article 73 "ne sont pas remplies: pour preuve, on ne poursuit pas les personnes entrées de manière irrégulière sur le territoire".
"En se comportant comme ça, ils instaurent une sorte de confusion dans l'esprit des migrants, qui pensent avoir affaire à une autorité de l’État, ce qui n'est pas le cas. Et ça, c'est un délit puni par le code pénal", souligne l'avocat en citant l'article 433-13 déjà évoqué samedi par Mediapart.
Autre argument opposé aux Identitaires, Me Djermoune fait valoir un arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble en 1978, selon lequel "le pouvoir d'arrestation que l'article 73 donne à tout citoyen permet seulement d'appréhender ceux qui, selon toute apparence, ont commis une infraction" et "ne peut justifier un contrôle systématique".
Le parquet de Gap n'a pu être joint lundi par l'AFP.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.