La Nouvelle-Calédonie, toujours fracturée pour aborder l'après-référendum
Au lendemain de la victoire écrasante des loyalistes au troisième vote sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, le refus des indépendantistes kanak de reconnaître le résultat révèle un territoire plus que jamais fracturé pour aborder les discussions sur son avenir politique.
Les indépendantistes regroupés au sein du Comité stratégique indépendantiste de non participation ont indiqué lundi soir ne pas reconnaître "la légitimité et la validité de ce scrutin qui leur a été confisqué".
"ce référendum n'est pas conforme à l'esprit et à la lettre de l'accord de Nouméa, processus de décolonisation, et pas conforme également aux résolutions de l'ONU qui a inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser", assurent le parti indépendantiste FLNKS et les nationalistes qui avaient appelé à bouder le scrutin, faute d'avoir réussi à en repousser la date.
Sans adversaire, les partisans de la France ont remporté une victoire sans appel, 96,50% des voix, lors du troisième et ultime référendum du processus de décolonisation de l'accord de Nouméa.
Le FLNKS et ses alliés réclamaient le report du vote à septembre 2022, arguant "d'une campagne équitable impossible" du fait de l'épidémie de Covid-19.
Leur mot d'ordre de "non-participation" ayant été suivi à la lettre, la participation s'est effondrée à 43,90%, contre 81% puis 85,6% lors des précédents référendums de 2018 et 2020.
"Les accords de Matignon et de Nouméa, c'était l'idée de réunir une large majorité de suffrages sur une solution, au-delà des divisions communautaires. On n'y est pas. Ce vote (...) est globalement un échec et complique la construction du destin commun", a analysé sur sa page Facebook, Alain Christnacht, ancien conseiller du cabinet de Lionel Jospin (1997-2002) pour l'outre-mer.
Cheville ouvrière de l'accord de Nouméa (1998), il estime que "toute paix durable" en Nouvelle-Calédonie, devra être précédée "d'un consensus refondé entre les communautés".
Préconisant "des processus +vérité, justice et réconciliation+ comme entrepris en Nouvelle-Zélande et en Australie", Paul Fizin, docteur en histoire, a de son côté déploré que la Nouvelle-Calédonie soit "dans un moment, où les deux blocs politiques regardent des horizons différents".
La carte des résultats illustre la permanence des fractures politique, géographique et ethnique: les régions non-indépendantistes et européennes (sud où se trouve Nouméa) ont voté "non" à l'indépendance tandis que les électeurs des zones kanak et indépendantistes sont restés chez eux.
Dans plusieurs communes du nord et des îles Loyauté, la participation n'a pas dépassé les 5%.
- "Tout le monde est braqué" -
Lors d'une déclaration solennelle dimanche, le président Emmanuel Macron a salué le verdict des urnes calédoniennes, mais aussi pointé "que le corps électoral est resté profondément divisé malgré le passage des années".
Les indépendantistes kanak ont indiqué qu'ils "ne discuteront pas (de l'avenir institutionnel, ndlr) avant la fin de la présidentielle et des législatives", ce dont Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, présent à Nouméa, a dit dimanche "prendre acte".
"L'Etat n'entend pas non plus confondre vitesse et précipitation", a affirmé à l'AFP M.Lecornu, qui concentrera sa visite jusque mercredi aux finances locales, à la situation sanitaire et à l'industrie du nickel.
"Politiquement", cette abstention "veut dire quelque chose: il faut regarder cette division", a indiqué lundi le ministre sur France Inter. Il assure cependant que "cette dimension binaire ne satisfait plus personne ici sur place".
Un calendrier défini en juin à Paris prévoit que le troisième référendum soit suivi d'une période de transition de 18 mois pour que soit organisé un référendum de projet, avant le 30 juin 2023.
"Les indépendantistes veulent uniquement discuter en bilatéral avec l'Etat, en modifiant le triptyque (des accords - Etat, loyalistes et indépendantistes, ndlr). Donc ça va forcément accroître les tensions", a indiqué à l'AFP Joël Kasarhérou, leader du mouvement Construire autrement, composé d’indépendantistes et de non-indépendantistes.
"L'autodétermination est irréductible" et la revendication d'indépendance ne va pas s'éteindre avec un référendum", a-t-il ajouté, anticipant des crispations sur l'ultrasensible sujet du corps électoral.
Philippe Michel, élu territorial de centre-droit, a également constaté que "la théorie des deux blocs sort renforcée du référendum". "Ca ne va pas être simple de se reparler car tout le monde est braqué sur ses positions", a-t-il confié à l'AFP.
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