Le gouvernement a-t-il peur d’Anticor ?
Le ministère de la justice vient d’annoncer la prolongation de deux mois, jusqu’au 25 juillet 2024, de l’instruction de la demande de renouvellement de l’agrément de l’association de lutte contre la corruption Anticor. Dans un communiqué, l’association dénonce « une stratégie d’enlisement de la part du gouvernement, visiblement inquiet de renouveler l’agrément d’Anticor » et exprime son étonnement de voir sa demande instruite par une administration sous la tutelle du garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti, alors que ce dernier a l’obligation de se déporter de ce dossier. En effet, le ministre se trouve en position de conflit d’intérêts, Anticor ayant déposé une plainte contre lui en 2020.
Cela fait un an que l’association Anticor n’a plus d’agrément.
Un an que le tribunal administratif a annulé, avec effet rétroactif, l’arrêté accordant cet agrément pour les années 2021 à 2023, au motif qu’il avait mal été rédigé par l’équipe de Jean Castex. L’association a fait appel de cette décision, et il est à souligner que le gouvernement n’a pas défendu son propre texte devant les tribunaux.
Et un an que le gouvernement actuel refuse d’instruire les nouvelles demandes d’agrément déposées par Anticor.
Une perte d’agrément lourde de conséquences.
Les conséquences ? Anticor ne peut plus se constituer partie civile dans les pénales, et éventuellement forcer l’ouverture d’une information judiciaire quand le procureur (qui dépend hiérarchiquement de la Chancellerie) s’avère réticent.
Le 14 mai dernier, la constitution de partie civile d’Anticor a d’ailleurs été déclarée irrecevable par deux juridictions pénales, dans le cadre de dossiers que l’association suivait depuis des années. En cause, la perte de son agrément.
Anticor ne peut par ailleurs plus toucher des dommages et intérêts dans le cadre de ces actions judiciaires.
Dès juin 2023, après l’annulation de l’arrêté de Jean Castex renouvelant l’agrément de l’association de lutte contre la corruption, l’association a déposé une nouvelle demande d’agrément. Le gouvernement, qui avait 4 mois pour instruire le dossier et répondre, ne l’a pas fait. L’association a contesté cette absence de réponse, équivalant à un refus tacite sans motivations, devant le tribunal administratif, en janvier 2024, et a déposé une nouvelle demande d’agrément le même mois.
Le gouvernement flirte avec l’illégalité.
Le 2 mai, le ministère de la Justice annonce une « mise en attente » du dossier d’Anticor, invoquant les deux procédures administratives en cours. Un prétexte étonnant puisque les critères d’agrément sont définis légalement, et que l’existence de procédures judiciaires portant sur des demandes antérieures n’en fait pas partie.
24 heures avant l’échéance des 4 mois, le 24 mai au soir, la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice informe finalement Anticor que le délai d’instruction de son dossier d’agrément est prolongé de deux mois, soit jusqu’au 25 juillet.
L’association proteste et dénonce le fait que des décisions émanent du ministère se trouvant sous l’autorité d’Éric Dupont-Moretti, alors que le ministre a l’obligation réglementaire de se déporter de tout dossier ayant rapport avec Anticor qui a porté plainte contre lui en 2020.
L’association souligne qu’elle a « explicitement demandé aux services du Premier ministre d’instruire son dossier de renouvellement », en application du décret du 2 juin 2022 qui interdit que ce soit ceux du ministre de la Justice qui le fassent.
France-Soir a contacté par téléphone et par mail le porte-parole du ministère de la Justice pour avoir des éclaircissements. Le ministère ne nous a pas répondu.
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