L’annulation de l’agrément d’Anticor confirmée en appel
Le 16 novembre, la cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation de l’agrément permettant à l’association Anticor de se constituer partie civile dans les procédures pénales relatives aux infractions de corruption. La juridiction s’est uniquement appuyée sur des motifs de forme, faute d'intervention d'Élisabeth Borne.
Notre article, paru le 27 juin dernier, retrace les circonstances de la perte de l’agrément de l’association. En plus de vouloir conserver sa capacité à ester (intenter des actions) en justice, Anticor a aussi fait appel pour préserver toutes les procédures judiciaires qu’elle a intentées.
Une erreur de droit
Le 2 avril 2021, le Premier ministre, Jean Castex, avait accordé le renouvellement de l’agrément d’Anticor par arrêté. Il avait néanmoins prolongé la procédure afin d’en savoir plus sur l’identité d’un des donateurs, un riche homme d’affaires ancré à gauche et proche de l’ancien ministre de l’Économie Arnaud Montebourg.
A l’issue de son enquête, le gouvernement avait fini par accorder l’agrément, mais en soulignant une absence de transparence sur certains dons que recevait l’association. Le texte affirmait qu’Anticor allait mettre en place des mesures pour remédier à la situation. A ce détail près que l’obligation de transparence est une condition obligatoire à remplir pour une association anti-corruption qui veut exercer des actions en justice ! Le ministre ne peut tout simplement pas présumer que l’association se mettra en conformité avec la loi.
La cour administrative d’appel de Paris a donc confirmé ce qu’avait jugé le tribunal administratif de Paris, à savoir que le Premier ministre avait commis une erreur de droit en rédigeant son arrêté. Même s’il s’agit ici d’avoir affaire aux rouages de l’administration française, des mécanismes pour corriger ce genre d’erreur peuvent être utilisés.
Une erreur qui ne sera pas corrigée, faute d'intervention d'Élisabeth Borne
En effet, il existe ce qu’on appelle la substitution de motifs. Lorsque l’administration s’est trompée, le juge peut rectifier le tir. Il peut écarter l’erreur, au lieu d’annuler l’arrêté, mais il ne peut pas en prendre l’initiative seul. Ici, c’est Elisabeth Borne qui aurait pu le lui demander.
Bien que le Premier ministre ait publiquement soutenu l’appel d’Anticor dans les colonnes du journal Le Monde le 18 octobre dernier, elle n’a pas fait cette démarche auprès du juge.
Pourtant, toujours d’après Le Monde, Matignon avait transmis à la cour dès le 3 octobre des observations qui attestaient que l’association avait bel et bien mis en place, avant avril 2021, un certain nombre de mesures assurant la transparence et l’information sur ses donateurs.
La perte d’agrément est rétroactive
La Cour administrative d’appel de Paris estime aussi que la perte de l’agrément doit être rétroactive au 2 avril 2021. En conséquence, certaines procédures initiées par Anticor depuis cette date pourraient être menacées.
Lors du premier jugement rendu par le tribunal administratif, le rapporteur public avait également minimisé la portée d'une annulation de l'agrément, affirmant que « l'intérêt général […] ne serait pas affecté », puisqu' « une fois les poursuites engagées, le ministère public n'a pas la possibilité d'y renoncer ».
C’est un peu oublier les affaires où le procureur de la république choisit de ne pas instruire. Seul un juge d’instruction a le pouvoir de mettre quelqu’un en examen, mais il agit sous le contrôle du parquet, qui n’est pas totalement indépendant du ministre de la Justice. L'agrément judiciaire d’Anticor permet de saisir directement un juge d’instruction, en se constituant partie civile.
Pour la cour, il existe un « nombre très limité de procédures judiciaires en cours susceptibles d’être affectées par un risque de prescription ou de nullité ». En outre, quelques affaires déclenchées par Anticor menaceraient de tomber avec la perte de l’agrément. Nous avons contacté la présidente de l’association, Elise Van Beneden, qui n’a pas souhaité commenter la décision, par souci de ne pas parasiter les procédures en cours.
Elle nous a indiqué avoir déposé une nouvelle demande d’agrément en juin dernier. L’association attend une réponse pour le 26 décembre.
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