L’annulation de l’agrément d’Anticor confirmée en appel

Auteur(s)
Lauriane Bernard, France-Soir
Publié le 22 novembre 2023 - 17:21
Image
Elise Van Beneden
Crédits
AFP
Elise Van Beneden a indiqué avoir déposé une nouvelle demande d’agrément en juin dernier. L’association attend une réponse pour le 26 décembre
AFP

Le 16 novembre, la cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation de l’agrément permettant à l’association Anticor de se constituer partie civile dans les procédures pénales relatives aux infractions de corruption. La juridiction s’est uniquement appuyée sur des motifs de forme, faute d'intervention d'Élisabeth Borne.  

Notre article, paru le 27 juin dernier, retrace les circonstances de la perte de l’agrément de l’association. En plus de vouloir conserver sa capacité à ester (intenter des actions) en justice, Anticor a aussi fait appel pour préserver toutes les procédures judiciaires qu’elle a intentées.  

Une erreur de droit 

Le 2 avril 2021, le Premier ministre, Jean Castex, avait accordé le renouvellement de l’agrément d’Anticor par arrêté. Il avait néanmoins prolongé la procédure afin d’en savoir plus sur l’identité d’un des donateurs, un riche homme d’affaires ancré à gauche et proche de l’ancien ministre de l’Économie Arnaud Montebourg.  

A l’issue de son enquête, le gouvernement avait fini par accorder l’agrément, mais en soulignant une absence de transparence sur certains dons que recevait l’association. Le texte affirmait qu’Anticor allait mettre en place des mesures pour remédier à la situation.  A ce détail près que l’obligation de transparence est une condition obligatoire à remplir pour une association anti-corruption qui veut exercer des actions en justice ! Le ministre ne peut tout simplement pas présumer que l’association se mettra en conformité avec la loi.  

La cour administrative d’appel de Paris a donc confirmé ce qu’avait jugé le tribunal administratif de Paris, à savoir que le Premier ministre avait commis une erreur de droit en rédigeant son arrêté. Même s’il s’agit ici d’avoir affaire aux rouages de l’administration française, des mécanismes pour corriger ce genre d’erreur peuvent être utilisés.   

Une erreur qui ne sera pas corrigée, faute d'intervention d'Élisabeth Borne  

En effet, il existe ce qu’on appelle la substitution de motifs. Lorsque l’administration s’est trompée, le juge peut rectifier le tir. Il peut écarter l’erreur, au lieu d’annuler l’arrêté, mais il ne peut pas en prendre l’initiative seul. Ici, c’est Elisabeth Borne qui aurait pu le lui demander.  

Bien que le Premier ministre ait publiquement soutenu l’appel d’Anticor dans les colonnes du journal Le Monde le 18 octobre dernier, elle n’a pas fait cette démarche auprès du juge.  

Pourtant, toujours d’après Le Monde, Matignon avait transmis à la cour dès le 3 octobre des observations qui attestaient que l’association avait bel et bien mis en place, avant avril 2021, un certain nombre de mesures assurant la transparence et l’information sur ses donateurs.  

La perte d’agrément est rétroactive  

La Cour administrative d’appel de Paris estime aussi que la perte de l’agrément doit être rétroactive au 2 avril 2021. En conséquence, certaines procédures initiées par Anticor depuis cette date pourraient être menacées. 

Lors du premier jugement rendu par le tribunal administratif, le rapporteur public avait également minimisé la portée d'une annulation de l'agrément, affirmant que « l'intérêt général […] ne serait pas affecté », puisqu' « une fois les poursuites engagées, le ministère public n'a pas la possibilité d'y renoncer ».  

C’est un peu oublier les affaires où le procureur de la république choisit de ne pas instruire. Seul un juge d’instruction a le pouvoir de mettre quelqu’un en examen, mais il agit sous le contrôle du parquet, qui n’est pas totalement indépendant du ministre de la Justice. L'agrément judiciaire d’Anticor permet de saisir directement un juge d’instruction, en se constituant partie civile.  

Pour la cour, il existe un « nombre très limité de procédures judiciaires en cours susceptibles d’être affectées par un risque de prescription ou de nullité ». En outre, quelques affaires déclenchées par Anticor menaceraient de tomber avec la perte de l’agrément. Nous avons contacté la présidente de l’association, Elise Van Beneden, qui n’a pas souhaité commenter la décision, par souci de ne pas parasiter les procédures en cours.  

Elle nous a indiqué avoir déposé une nouvelle demande d’agrément en juin dernier. L’association attend une réponse pour le 26 décembre.  

À LIRE AUSSI

Image
anticor
La procédure d’agrément des associations anti-corruption, un paradoxe français
DÉCRYPTAGE - Nous n’avions, en France, que trois associations de lutte contre la corruption, Anticor, Sherpa et Transparency international France, qui pouvaient agir e...
27 juin 2023 - 16:00
Vidéos
Image
Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, lors d'une visite à la cour d'appel de
Anticor veut mettre la "pression" pour que Kohler et Dupond-Moretti démissionnent
La présidente de l'association Anticor, Elise Van Beneden, a estimé mardi qu'il "fallait mettre la pression pour obtenir la démission" des deux figures de la macronie ...
04 octobre 2022 - 13:31
Image
Dupont-Moretti CJR
Éric Dupond-Moretti se paie les juges  !
EDITO - “Il a franchi un pas qu'il n'aurait jamais dû franchir” C'est avec ces mots que, mercredi 15 novembre 2023, Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cass...
17 novembre 2023 - 11:45
Opinions

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.