Loi Travail : l'heure est à sa mise en oeuvre, les syndicats ne baissent pas les bras
Une nouvelle étape s'ouvre pour la loi Travail: après sept mois de conflit, qui a entériné le clivage du paysage syndical et déchiré la gauche, l'heure est à sa mise en œuvre mais elle s'annonce également délicate.
>Application imminente
Le mise en oeuvre de la loi nécessitera 127 décrets. La majorité sera publiée en octobre, notamment les articles les plus contestés (accord d'entreprise en matière de temps de travail, référendum d'entreprise et accords "offensifs"). Egalement décriée, la réforme des licenciements économiques ne nécessite pas de décret et s'appliquera dès décembre. "80% des décrets seront sortis avant la fin 2016", a assuré la ministre du Travail, Myriam El Khomri, sur RTL.
Après avoir bataillé dans la rue sans obtenir le retrait du texte, les syndicats annoncent désormais une bagarre juridique pour entraver sa mise en oeuvre. Notamment à travers des questions prioritaires de constitutionnalité, à l'initiative de justiciables. Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, envisage également des démarches individuelles qui pourront remonter jusqu'à la Cour de cassation.
L'intersyndicale entend aussi porter le combat juridique au niveau européen, et devant l'Organisation internationale du travail. La CGT a promis de se battre "pied à pied" dans les entreprises pour y empêcher tout accord permettant d'appliquer la loi. Le gouvernement se dit "serein" face à ces menaces.
>Clivages syndicaux
La loi a confirmé deux conceptions antagonistes du syndicalisme. D'un côté les contestataires (CGT, FO, Solidaires, FSU), qui dénoncent toute politique remettant en cause les droits des salariés, en utilisant grèves, meetings et manifestations. "Ce qui nous oppose, c'est que nous refusons d'accepter le moindre mal", résume Philippe Martinez (CGT). De l'autre, les réformistes (CFDT, CFTC, CFE-CGC) d'emblée ouverts à la négociation. "Le syndicalisme est à un tournant, il doit faire preuve de son efficacité sinon on va se passer de nous et on sait que du côté du patronat et du politique on aimerait bien se passer de nous", souligne Laurent Berger (CFDT).
Mais avec ce conflit, les lignes ont bougé au sein de chaque camp. La CFE-CGC, très opposée au texte sans pour autant rejoindre les contestataires, a revendiqué une troisième voie. FO a noué une alliance exceptionnelle, mais ponctuelle, avec la CGT, sa sœur ennemie. Et si les relations CGT-CFDT sont restées courtoises, Laurent Berger et Jean-Claude Mailly ne se parlent plus.
>La gauche divisée
La loi Travail a déchiré la majorité. Les frondeurs PS refusent la philosophie même du texte accordant plus de place à l'accord d'entreprise, au détriment de la branche et ont manifesté aux côtés des syndicats. A l'Assemblée nationale, le gouvernement a frôlé à deux reprises, et à deux voix près, des motions de censure déposées par les frondeurs. Manuel Valls a dû recourir trois fois à l'article 49-3 permettant l'adoption sans vote. Fin juillet, 58 députés frondeurs PS, écologistes ou Front de gauche s'insurgeaient dans une tribune contre "la dégradation des droits des salariés" et le "déni de démocratie".
Prévue à Nantes, l'université d'été du PS a été annulée, une première. Le parti a évoqué des "risques de violences", après des dégradations de permanences ou sièges, notamment dans le cadre de la contestation de la loi Travail.
>Un avenir aléatoire
La loi prévoit la refondation d'ici deux ans de l'intégralité du Code du travail - dont seule la partie temps de travail a pour l'heure été réécrite. Une commission doit se réunir dans les semaines qui viennent. Mais à quelques mois de la présidentielle, se pose la question de l'avenir de la réforme.
Si la gauche est reconduite, elle ne reviendra pas sur le temps de travail. Mais les candidats à la primaire de droite prévoient d'aller plus loin: suppression des 35 heures pour François Fillon et Alain Juppé; liberté pour les entreprises de déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pour Bruno Le Maire; temps de travail hebdomadaire fixé en accord avec les salariés (et pas seulement leurs représentants) pour Nicolas Sarkozy, qui veut abroger la loi Travail.
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