Loi Travail : manifestation sous surveillance et sous tension
Les opposants à la loi travail vont manifester sous haute surveillance jeudi à Paris, sur un trajet ultra-court obtenu de haute lutte après un bras de fer entre gouvernement et syndicats, qui concentrent désormais leur critiques sur Manuel Valls. Après les violences survenues en marge du défilé du 14 juin à Paris, aucun débordement "ne sera toléré", a averti le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Plus de 2.000 fonctionnaires de police sont mobilisés pour sécuriser la manifestation dont le trajet a été resserré sur 1,6 km. Il partira de la place de la Bastille à 14h vers le bassin de l'Arsenal, pour revenir sur la célèbre place. Ce jeudi 23 au matin, des vitres d'abribus ont été démontées sur l'itinéraire du cortège et les pieux en bois servant à clôturer les parties végétales du boulevard Bourdon retirés.
Défileront ensemble à partir de 14h, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, Philippe Martinez, leader de la CGT, Bernadette Groison (FSU) et Cécile Gondard-Lalanne (Solidaires). A l'origine, les syndicats voulaient marcher de Bastille à Nation. La préfecture de police de Paris proposait, elle, un rassemblement "statique" place de la Nation afin de "mieux sécuriser la manifestation".
La pression est montée d'un cran mercredi avec l'interdiction de la manifestation, une première depuis 1962, avant une volte-face du ministère de l'Intérieur. Initialement, la mobilisation de jeudi, aux modalités floues, n'était pas censée être une date-clé de la contestation. Philippe Martinez avait même prévu de défiler à Bordeaux.
Mais les menaces d'interdiction de François Hollande et Manuel Valls, au nom de la "sécurité", ont changé la donne. Jusqu'à l'interdiction décrétée mercredi matin - avant d'être levée - qui a suscité un tollé côté syndical et politique.
Le défilé de jeudi défendra aussi "le droit à manifester, garant de la démocratie", a souligné M. Martinez. Jeudi matin, la CGT et FO, à la pointe de la mobilisation, concentraient leurs critiques sur le Premier ministre.
"A chaque fois qu'on essaie d'apaiser les choses, le Premier ministre remet de l'huile sur le feu (...) en dénigrant les syndicats", a dénoncé M. Martinez. "Il faut que Hollande prenne les affaires en main", a dit le leader cégétiste qui demande, avec les autres syndicats, à être reçu par le chef de l'Etat. M. Mailly a lui aussi estimé que le chef de l'Etat allait devoir "à un moment donné prendre une responsabilité" dans le conflit.
Syndicats et gouvernement se renvoient la balle sur leurs responsabilités respectives concernant la sécurité des défilés. Depuis mars, des casseurs ont pris l'habitude de s'immiscer dans les manifestations.
Le 14 juin -jour de mobilisation nationale à Paris ayant réuni 75.000 à 80.000 personnes, selon la police, un million, selon les organisateurs- a été marqué par des heurts violents, notamment près de l'hôpital Necker-Enfants malades, condamnés par les syndicats.
CGT et FO ont renforcé leurs services d'ordre mais n'en démordent pas: à eux la sécurisation à l'intérieur des cortèges, aux forces de l'ordre l'extérieur. Huit organisations, dont la CGT, FSU, Solidaires et la Ligue des droits de l'homme, réclament une enquête parlementaire sur les "dysfonctionnements" du maintien de l'ordre et "les choix opérés par le ministère de l'Intérieur" lors des précédentes manifestations. "On ne montre pas du doigt les policiers. Il y a un problème de coordination des ordres" a dit le secrétaire général de la CGT.
Pour Nicolas Comte, d'Unité-police SGP-FO (2e syndicat de gardiens de la paix), "tous les moyens n'ont pas été donnés" aux forces de l'ordre lors des derniers cortèges parisiens.
Le défilé parisien entre dans le cadre d'un appel national à grèves et manifestations dans toute la France, le dixième depuis mars à l'initiative de sept syndicats (CGT, FO, Solidaires, FSU, UNL, Unef, Fidl).
Aucune perturbation n'est cependant prévue à la SNCF. Et l'Aviation civile, qui attend "des retards possibles", n'a pas donné de consigne pour réduire le nombre de vols, même si Easyjet en a préventivement annulé une soixantaine.
Pour l'intersyndicale, le mot d'ordre reste le retrait du projet de loi travail, jugé facteur de précarité pour les salariés. Le texte est examiné au Sénat jusqu'à vendredi avant un vote le 28 juin, date d'une nouvelle mobilisation.
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