Loi Travail : Manuel Valls dégaine à nouveau le 49-3 à l'Assemblée nationale
Face à "une alliance des conservatismes", Manuel Valls a déclenché une deuxième fois l'arme constitutionnelle du 49-3 ce mardi 5 pour forcer l'adoption du projet de loi Travail à l'Assemblée, sur fond de fractures à gauche et de 12e journée de contestation sociale. "J'ai décidé d'engager la responsabilité de mon gouvernement" sur ce "texte de progrès social", objet d'"une large concertation", a déclaré le Premier ministre dès l'ouverture des débats. Il était arrivé sourire aux lèvres peu après 15 heures à la tribune.
Comme en mai, il a fustigé "une alliance des contraires" et "des conservatismes" en visant la droite et les opposants de gauche au projet de loi. Les élus LR n'ont pas écouté jusqu'au bout ce discours de moins de dix minutes, quittant l'hémicycle. "Les stratégies des uns et des autres à moins d'un an de la présidentielle ne doivent pas bloquer le pays", a lancé M. Valls. Après quatre mois de contestation, "je prends mes responsabilités dans l'intérêt du pays", avait prévenu le Premier ministre dans le huis clos tendu de la réunion des députés socialistes dans la matinée, mettant en avant le soutien de François Hollande.
Les débats sur le millier d'amendements déposés sont interrompus par ce que le chef de file des frondeurs, Christian Paul, a dénoncé comme une "nouvelle violence au peuple". Le projet de loi de la ministre Myriam El Khomri sera considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l'Assemblée. La droite n'en déposera pas cette fois. "Stop à la mascarade", que "Valls se débrouille avec son champ de ruines", a lancé le patron des députés LR, Christian Jacob, donnant "rendez-vous" en 2017 pour changer de majorité. "Les Français en ont ras-le-bol", selon le centriste Philippe Vigier, glissant que "ceux qui font appel à l'exemple de Michel Rocard font le contraire".
A gauche de la gauche, la tentative de déposer une motion de censure, après l'échec de mai à deux signatures, semblait relever du défi, notamment vu des "pressions" sur des socialistes, menacés d'exclusion à l'approche de la primaire et des législatives. Chef de file des députés Front de gauche, André Chassaigne se voulait néanmoins "plutôt optimiste" car "la radicalité de Manuel Valls va nous aider".
L'ombre du 49-3 planait depuis plusieurs jours. "Pas la peine de perdre encore du temps", soulignait lundi une source proche du Premier ministre. "On a un accord clair avec la CFDT, on ne peut pas prendre le moindre risque de remise en cause", ajoutait-elle. Mardi, la réunion entre socialistes a viré au "tribunal" des réfractaires, selon un participant. "Le dialogue arrive à son terme", a jugé le rapporteur, Christophe Sirugue, se sentant "court-circuité" par un amendement signé par près de 130 socialistes sur des garanties pour les heures supplémentaires, avec Olivier Faure, proche de Jean-Marc Ayrault, premier signataire. "Certains misent sur l'échec du président et se projettent sur l'après-2017", a reproché Alain Claeys en allusion à certains frondeurs.
Il n'y a pas eu de vote interne comme annoncé initialement. Le soutien du groupe est "massif" sur le texte modifié en commission, selon un de ses porte-parole, Hugues Fourage, proche du Premier ministre. Karine Berger (cheffe de file de la motion D au dernier congrès PS) a toutefois estimé que Manuel Valls "devrait démissionner" faute de majorité. Le gouvernement a lâché la semaine dernière du lest via des amendements pour réaffirmer le rôle des branches. Mais pour les opposants, sans régler "le cœur de la contestation": l'article 2 consacrant la primauté des accords d'entreprise pour l'aménagement du temps de travail.
Dans la mobilisation sociale, les manifestants étaient moins nombreux dans les rues mardi. "Le gouvernement n'a pas l'opinion publique avec lui", ni "la majorité syndicale" ni "la majorité à l'assemblée", a martelé depuis le cortège parisien le numéro un de la CGT Philippe Martinez, dénonçant "un passage en force". Ce sont les derniers défilés avant l'été. Mais, selon Jean-Claude Mailly (FO), les opposants ne laisseront pas tomber et "même si cette loi est votée, elle sera comme du chewing-gum qui colle aux chaussures du gouvernement". Un meeting de l'intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) se tiendra mercredi.
Passé l'étape actuelle au Palais-Bourbon, le projet de loi n'aura pas terminé son parcours: il y aura une brève navette avec le Sénat avant l'adoption définitive probablement le 20 juillet par l'Assemblée.
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