Macron en Guyane : affrontements à Cayenne entre forces de l'ordre et manifestants
Emmanuel Macron achève samedi sa visite de 48 heures en Guyane dans un climat toujours tendu, six mois après le large mouvement social du printemps, en exposant le chantier des Assises des Outre-mer, une de ses promesses de campagne.
La veille au soir, le chef de l'Etat avait renoncé à se rendre dans un commissariat de Cayenne devant lequel l'attendaient 150 manifestants du collectif Pou Lagwiyann dékolé (Pour que la Guyane décolle), dans une ambiance tendue mais sans heurts. Il avait choisi à la place de se rendre dans deux quartiers très défavorisés, le Rond-point des 100 boîtes aux lettres à Matoury et le quartier de la Crique à Cayenne, surnommé parfois "Chicago", où l'accueil a été bon.
Avant de s'envoler pour Paris, M. Macron exposera l'objectif des Assises des Outre-mer, censées rassembler société civile, acteurs économiques et pouvoirs publics dans tous les territoires ultramarins pour leur permettre, selon l'exécutif, "de se réinventer en territoires d'excellence et d'innovation", tout en redonnant "la parole à ceux qui ne la prennent plus et ont perdu confiance en l'action publique".
Il s'agit, souligne le président de la République, d'"une méthode innovante" basée sur "une responsabilité partagée" entre l'Etat et chaque territoire ultramarin, qui permettra d'établir une feuille de route par territoire, via des remontées de terrain et des consultations, d'ici le printemps 2018.
Vendredi soir, lors de sa visite surprise dans les quartiers difficiles de Cayenne et de sa périphérie, Emmanuel Macron avait dit vouloir "se confronter à la réalité du terrain", dans ces lieux où vivent une majorité de clandestins, souvent jeunes, venus d'Haïti, du Surinam, du Brésil ou du Guyana.
- Parole de l'Etat respectée -
"Je voulais venir voir, parce qu'il fallait expliquer à des jeunes qui disent +on demande des papiers+, qu'on ne peut pas donner des papiers à tout le monde", a expliqué Emmanuel Macron, en insistant sur quelques mesures annoncées un peu plus tôt pour faire face aux difficultés que connaît ce vaste territoire français d'Amérique du sud de 83.000 km2 : immigration clandestine massive, insécurité croissante, défaillances dans les services de santé et le système scolaire, taux de chômage très élevé (23%).
Pendant qu'il discutait, dans ambiance très détendue, avec la population, M. Macron a questionné : "Dis donc, il y en qui ne fument pas que des cigarettes, hein ?". "J'ai encore du nez", a-t-il plaisanté, avant d'ajouter, face aux éclats de rire: "Ca, ça ne va pas vous aider à bien travailler à l'école (...) Il faut le dire aux plus jeunes !"
Le président a en outre évoqué l'accélération du renforcement des effectifs de sécurité, avec l'arrivée de 90 gendarmes "dès 2018" et la création d'un nouveau commissariat à Cayenne, une "Arlésienne depuis 15 ans".
Pour dissuader l'immigration, le gouvernement va aussi réduire à deux mois le versement de l'allocation versée aux demandeurs d'asile et imposer 15 ans de résidence sur le territoire pour avoir accès au RSA, désormais géré par l'Etat et "démonétisé".
Le chef de l'Etat, qui avait prévenu dès son arrivée qu'il n'était "pas le Père Noël", a aussi réaffirmé que l'Etat respecterait son engagement d'investir plus d'un milliard d'euros sur ce territoire grand comme le Portugal, qui cumule difficultés et retards.
"L'intégralité des deux premiers volets" des accords conclus le 21 avril, sous François Hollande, pour mettre fin au vaste mouvement social du printemps "seront appliqués", a-t-il dit.
L'Etat s'était alors engagé sur un plan d'urgence de 1,08 milliard d’euros et des accords sectoriels. Il avait annoncé qu'il allait se pencher sur la "demande complémentaire" de 2,1 milliards formulée par le collectif Pou Lagwiyann dékolé. Elle pourrait être étudiée dans le cadre des assises des Outre-mer.
Le centre-ville de Cayenne est resté quadrillé par les forces de l'ordre dans la nuit de vendredi. Il n'y a pas eu de heurts, contrairement aux affrontements survenus la nuit précédente, alors que le collectif demandait une rencontre avec M. Macron.
"La République ne cède pas aux gens qui sont en cagoule", a dit le président. Dans la soirée, un de ses conseillers a finalement reçu quatre membres du mouvement des Grands Frères, à leur demande, a informé l'Elysée.
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