Mai 68 : les 10 acteurs principaux (diaporama)

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 26 avril 2018 - 04:57
Mis à jour le 29 avril 2018 - 12:46
Image
Mai 68 Daniel Cohn-Bendit Alain Geismar Jacques Sauvageot
Crédits
©AFP
Alain Geismar, Jacques Sauvageot et Daniel Cohn-Bendit (de gauche à droite) lors d'une conférence de presse le 11 mai 1968 à Paris, après une nuit d'affrontements entre forces de l'ordre et étudiants au Quartier latin.
©AFP
Un demi-siècle après Mai 68, que sont devenus les principaux acteurs des événements qui ont changé la France? "FranceSoir" a sélectionné les 10 plus importants.

Il y a 50 ans, Mai 68 allait changer durablement la société française. Voici un rappel des 10 principaux acteurs de ces événements, et ce qu'ils sont devenus.

> Daniel Cohn-Bendit, 23 ans en mai 1968.

Il suit des études de sociologie à la faculté de Nanterre quand il devient "Dany le Rouge", l'un des leaders de la contestation étudiante, dès le départ en participant à la création du Mouvement du 22 mars (créé après l'arrestation, deux jours plus tôt, de militants anti-guerre du Vietnam qui avaient saccagé le siège d'American Express à Paris). Le cliché du photographe Gilles Caron, de l'agence Gamma, le représentant goguenard en train de narguer silencieusement un CRS devant la Sorbonne, est sans doute l'image la plus célèbre de Mai 68 (à voir ici). De nationalité allemande, Cohn-Bendit sera interdit de territoire de 1968 à 1978 et résidera principalement à Francfort, avant de se lancer en politique et d'être élu député européen de 1994 à 2014 sur la liste des Verts. Il est aujourd'hui chroniqueur à la radio et à la télévision et continue de défendre ses idées écologistes et européennes.

> Alain Geismar, 29 ans en mai 1968.

A l'époque secrétaire général du SNE-Sup (Syndicat national de l'enseignement supérieur), proche de l'extrême gauche opposée au Parti communiste français, c'est l'un des leaders du mouvement étudiant, qui appelle à la grève dans l'Education nationale le 3 mai. Après avoir été membre du PSU (Parti socialiste unifié) dans sa jeunesse, il créera après 1968 avec Benny Lévy et Serge July (le futur patron de Libération) la Gauche prolétarienne (maoïste) avant de rejoindre le PS en 1986, de devenir en 1990 inspecteur général de l'Éducation nationale, et de faire partie des cabinets des ministres socialistes André Laignel, Lionel Jospin et Jean Glavany, puis enfin d'être le conseiller du maire de Paris Bertrand Delanoë en matière d'éducation de 2001 jusqu'à sa retraite en 2004.

> Jacques Sauvageot, 25 ans en mai 1968.

Sympathisant du PSU (auquel il adhèrera en 1969) et, aux côtés de Serge July, vice-président de l'UNEF (Union nationale des étudiants de France) qui a joué un rôle important dans "la convergence des luttes" entre étudiants et ouvriers, il est considéré comme l'un des trois principaux leaders étudiants de Mai 68 avec Cohn-Bendit et Geismar. Après avoir pris ses distances avec le militantisme à la fin des années 70 et exercé divers emplois, il deviendra professeur d'histoire de l'art et directeur de l'Ecole régionale des beaux-arts de Rennes de 1983 à 2009. Il est décédé le 28 octobre 2017 à Paris à l'âge de 74 ans, des suites d'un accident de la circulation (renversé par un scooter).

> Alain Krivine, 26 ans en mai 1968.

Secrétaire général de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR, trotskyste) qu'il a cofondée deux ans plus tôt, il travaille à l'époque comme secrétaire de rédaction chez Hachette. Il occupe la Sorbonne avec les étudiants le 3 mai et fait partie des 574 personnes interpellées. Il sera également emprisonné plusieurs semaines en juillet après la dissolution de la JCR. Il se présentera ensuite aux élections présidentielles de 1969 (1,06% des voix sous l'étiquette Ligue communiste) et de 1974 (0,37% des voix sous l'étiquette Front communiste révolutionnaire, loin derrière les 2,33% d'Arlette Laguiller de Lutte ouvrière). Il fondera cette année-là la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui deviendra en 2009 le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot. Krivine a également été député européen de 1999 à 2004, sur la liste commune LCR-LO.

> Jean-Paul Sartre, 62 ans en mai 1968.

L'écrivain et philosophe, acquis aux idées de gauche et favorable à l'engagement des intellectuels dans un militantisme actif (contre la guerre du Vietnam, pour le FLN algérien, pour le régime cubain), soutient à la fois les étudiants (on le voit le 21 mai à la Sorbonne) et les ouvriers en grève (il prend la parole à la porte des usines). Le Nouvel Observateur publie le 20 mai un dialogue entre lui et Cohn-Bendit (lire un extrait ici), dans lequel il se félicite du fait que le mouvement contestataire "met l'imagination au pouvoir". On lui attribue aussi l'expression "Elections, piège à cons" et il sera, en 1973, l'un des fondateurs du quotidien Libération. Il est mort le 15 avril 1980 à l'âge de 74 ans.

Lire aussi – Abécédaire des événements de Mai 68

> Maurice Grimaud, 54 ans en mai 1968.

Résistant pendant la guerre, licencié en lettres, passionné d'art contemporain, brièvement conseiller de François Mitterrand alors ministre de l'Intérieur en 1954 puis directeur de la Sûreté nationale en 1963, il a succédé fin 1966 à Maurice Papon comme préfet de police de Paris. Pendant les événements de Mai 68, il est réticent à envoyer les CRS contre les étudiants et, contrôlant la situation, contribue à éviter qu'il y ait des morts. Cinquante ans après, Daniel Cohn-Bendit continue de le qualifier aujourd'hui d'"homme formidable" qui "a insufflé à la police cet esprit républicain le temps où il en a été le patron". Maurice Grimaud restera préfet de police jusqu'en avril 1971, où il deviendra secrétaire général de l'Aviation civile, puis sera notamment directeur de cabinet du ministre de l'intérieur Gaston Defferre à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 et délégué général du Médiateur de la République de 1986 à 1992. Il est mort le 16 juillet 2009 à l'âge de 95 ans.

> Le général de Gaulle, 77 ans en mai 1968.

Chef de l'État depuis 1959, réélu au suffrage universel direct en 1965, De Gaulle affronte en mai 1968 sa crise politique la plus grave depuis la guerre d'Algérie. Dans un premier temps il laisse son Premier ministre Georges Pompidou tenter de mener une politique d'apaisement et n'intervient à la télévision que le 24 mai, pour dénoncer "la chienlit". Le 29 mai, il se rend sur la base militaire française de Baden-Baden en Allemagne pour y rencontrer le général Massu, laissant ses proches et ses collaborateurs sans nouvelles pendant plusieurs heures. Le lendemain, il annonce la dissolution de l'Assemblée nationale dans un discours télévisé (les législatives anticipées de juin seront un succès éclatant pour la droite), et une manifestation de soutien rassemble près d'un million de personnes sur les Champs-Elysées. Le général de Gaulle démissionnera en avril 1969 après l'échec du référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation, et décèdera le 9 novembre 1970 à l'âge de 79 ans.

> Georges Pompidou, 56 ans en mai 1968.

Premier ministre depuis 1962, il rentre précipitamment d'un voyage officiel en Iran et en Afghanistan le 11 mai et s'adresse au pays, après "la nuit des barricades" marquée par de violents affrontements entre forces de l'ordre et étudiants au Quartier latin à Paris. Sans laisser de marge de manœuvre à son ministre de l'Intérieur Christian Fouchet (qui sera remplacé le 31 mai par Raymond Marcellin), Pompidou est partisan du dialogue avec les étudiants et les ouvriers en grève, tente d'éviter la violence entre protagonistes, et est à l'initiative des "Accords de Grenelle" négociés les 25 et 26 mai entre organisations syndicales et patronales. C'est également lui qui suggère au général de Gaulle de dissoudre l'Assemblée nationale. Après la démission de celui-ci, il lui succèdera comme chef de l'État en gagnant la présidentielle anticipée de 1969 mais ne finira pas son mandat et, malade, décèdera le 2 avril 1974 à l'âge de 62 ans.

> Les étudiants.

"Quand la France s'ennuie…" est le titre d'un article du 15 mars 1968 (à lire ici), du chef du service politique du quotidien Le Monde, Pierre Viansson-Ponté. "La jeunesse s'ennuie", écrit-il. "Les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en Algérie, au Japon, en Amérique, en Egypte, en Allemagne, en Pologne même. Ils ont l'impression qu'ils ont des conquêtes à entreprendre, une protestation à faire entendre, au moins un sentiment de l'absurde à opposer à l'absurdité, les étudiants français se préoccupent de savoir si les filles de Nanterre et d'Antony pourront accéder librement aux chambres des garçons, conception malgré tout limitée des droits de l'homme". Le Mouvement du 22 mars, déclencheur de Mai 68, réclamera en effet le libre accès des garçons aux dortoirs des filles dans les résidences universitaires –on est en pleine libération des moeurs– mais aura pour origine l'arrestation de plusieurs étudiants lors d'une manifestation contre la guerre du Vietnam. L'occupation de la Sorbonne le 3 mai, la "nuit des barricades" du 10/11 mai et la manifestation du 13 mai rassemblant étudiants et syndicats seront les principales dates du mouvement. Assemblées générales, manifestations plus ou moins spontanées, rejet des partis politiques et des syndicats, idées d'inspiration libertaire, soutien aux ouvriers grévistes et slogans inédits ("Il est interdit d'interdire", "Sous les pavés, la plage", "L'imagination au pouvoir", "Ni Dieu, ni maître", "Métro, boulot, dodo", "Jouissez sans entrave", "Cours camarade, le vieux-monde est derrière toi", "Soyez réalistes, demandez l'impossible", "Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner", "Fermons la télé, ouvrons les yeux", etc.) feront de Mai 68 un moment charnière de l'Histoire de France.

> Les CRS.

Il y eut aussi, de la part des étudiants, le fameux "CRS SS", un slogan qui date en réalité de 1948 lorsque les Compagnies républicaines de sécurité, créées quatre ans plus tôt, avaient, avec l'armée, violemment maté la grève des mineurs. En mai 1968, une quarantaine de compagnies de CRS seront déployées à Paris: matraques, gaz lacrymogènes et boucliers contre barricades, pavés et cocktails molotov. Grâce aux consignes de modération du préfet Grimaud, il n'y eut officiellement aucun mort à Paris lors des évacuations de la Sorbonne ou lors des affrontements, parfois violents, entre forces de l'ordre et manifestants étudiants ou ouvriers grévistes. Selon les autorités, ces événements de mai et juin 1968 ont fait près de 2.000 blessés, dont environ 600 du côté des forces de l'ordre et au total une centaine d'hospitalisation. Les historiens estiment qu'il y eut, de manière directement ou indirectement liée à Mai 68, entre cinq et sept personnes tuées en France, dont un commissaire de police écrasé par un camion à Lyon, un lycée retrouvé noyé dans la Seine à Flins (Yvelines) après une course-poursuite avec les forces de l'ordre, et un ouvrier tué par balle par un CRS à l'usine Sochaux de Montbéliard (Doubs).

(Voir ci-dessous un diaporama des 10 principaux acteurs de Mai 68):

À LIRE AUSSI

Image
Des policiers ont arrêté des étudiants lors d'une manifestation à la Sorbonne à Paris le 3 mai 68. A l'époque, l'uniforme se résume à chemise, cravate, pardessus et chaussures légères.
Mai 68 : un "tournant" dans la gestion du maintien de l'ordre
Les forces de l'ordre fonctionnaient jusqu'alors comme "des légions romaines". Sous l'impulsion du préfet de police de Paris Maurice Grimaud, mai 68 a été un tournant ...
22 mars 2018 - 10:45
Image
France-Soir
Slogans de mai 68 en France : la part belle à l'impertinence
"Il est interdit d'interdire", "L'imagination au pouvoir", "Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner": jaillissements poético-politiques, les slogans de mai 68 en Fran...
20 mars 2018 - 10:58
Image
Manifestation de grévistes le 29 mai 1968 à Paris, à l'appel de la CGT
Mai-68 : cinquante ans après, une histoire toujours difficile à commémorer
Commémorer, sans récupérer, un événement largement perçu comme positif autant qu'il fut une révolution ratée: le cinquantenaire de Mai-68 donne lieu à une foultitude d...
15 mars 2018 - 10:00

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.