Mal élu, Richard Ferrand accède au perchoir de l'Assemblée
Richard Ferrand, un fidèle entre les fidèles du président Emmanuel Macron, est devenu mercredi président de l'Assemblée nationale, comme attendu, mais sans faire le plein des voix de la majorité.
M. Ferrand a recueilli 254 voix alors que son seul groupe LREM compte 312 membres. Fin juin 2017, son prédécesseur François de Rugy l'avait emporté avec un score nettement plus large de 353 voix, qui incluait celles du MoDem.
Le nombre de voix en baisse obtenu par le nouvel élu témoigne des remous qui traversent la Macronie en cette rentrée difficile pour la majorité. Plusieurs élus LR et de la gauche de la gauche n'ont, d'ailleurs, pas manqué de railler une "petite majorité" et le signe d'une "défiance".
Une standing ovation de la part des élus LREM n'en a pas moins salué l'élection de cet ex-journaliste et ex-dirigeant de mutuelle, élu depuis 2012 au Palais Bourbon et qui a su depuis un an piloter le jeune et hétéroclite groupe macroniste, même si certains lui ont reproché d'être trop "directif", ou "distant".
Ancien socialiste, l'élu du Finistère de 56 ans, jusque-là chef de file du groupe des marcheurs, après avoir été un éphémère ministre de la Cohésion des territoires, s'est dit animé d'une "profonde humilité mêlée de gravité" au moment de prendre la tête de cette "institution sacrée".
Parmi les quatre autres prétendants au perchoir, Annie Genevard (LR) a récolté 95 voix et Marc Fesneau (MoDem) 86 voix, bien au-delà des 46 députés centristes. "Surpris" par ce score "manifestement significatif", ce dernier a assuré que les MoDem ne seraient "pas déloyaux à la majorité".
La socialiste Ericka Bareigts a obtenu 31 suffrages et Mathilde Panot (LFI), 17 voix, sur un total de 484 exprimés.
Porte-parole des députés LREM, Olivia Grégoire a récusé tout "vote sanction" à l'encontre de M. Ferrand.
Dans son discours d'intronisation, le 14e président de l'Assemblée de la Ve République, visiblement ému, s'est engagé à "persévérer dans la modernisation" de l'institution, à co-construire et mieux évaluer les textes, et aussi à "veiller à la séparation des pouvoirs" et à être "garant de la pluralité". M. de Rugy lui a laissé les clés de l'Hôtel de Lassay dans la foulée.
Pendant près d'une heure en milieu d'après-midi, les députés s'étaient succédé, dans une ambiance un peu dissipée, pour déposer leur bulletin secret dans une grosse urne verte, après les premières questions au gouvernement de la rentrée, animées de joutes verbales.
- "Sursis au vieux monde" -
Alors que le perchoir n'a jamais été occupé par une femme, des critiques se sont encore fait entendre, lors des questions au gouvernement: "Au secours Barbara" Pompili, principale challengeuse de Richard Ferrand chez les marcheurs, ont lancé certains à droite.
M. Ferrand s'est vu aussi reprocher, y compris par certains LREM, de ne pas incarner le renouvellement.
Mais le choix du député breton évite une nouvelle crise dans la majorité, déjà bousculée par l'affaire Benalla. Le Premier ministre Edouard Philippe avait affirmé que les députés feraient "le bon choix".
Aux prises avec la justice dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne, M. Ferrand a laissé entendre qu'il ne démissionnerait pas nécessairement s'il devait être mis en examen. Pour le député PS Luc Carvounas, c'est la marque d'une "République des coquins et des copains".
"M. Macron offre un sursis au vieux monde", a aussi dénoncé dans les couloirs du Palais Bourbon l'Insoumis Adrien Quatennens.
Richard Ferrand ne prévoit pas de remettre en jeu sa nouvelle fonction dans un an, à mi-mandat, selon son entourage - engagement initialement annoncé pour tous les LREM au début de la législature.
Après cette rentrée qualifiée de "difficile" par des élus LREM, des dossiers compliqués attendent l'Assemblée: marathon budgétaire de l'automne, projet de loi Pacte sur les entreprises à compter du 25 septembre, mais aussi la délicate réforme institutionnelle.
L'élection de M. Ferrand lance, mécaniquement, des manœuvres en coulisses pour la présidence du groupe majoritaire, qui suscite "des vocations de partout" selon un élu LREM. Le vote aura lieu en réunion de groupe mardi.
Pour l'heure, seule Laetitia Avia s'est déclarée. Les noms de Gilles Le Gendre, Gabriel Attal, Amélie de Montchalin ou encore Brigitte Bourguignon (ex-PS) sont aussi cités. Ils ne devraient être que quatre ou cinq au final sur la ligne de départ.
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