Martinique : des pompiers "déterminés" contre l'obligation vaccinale "inacceptable" et la vie chère
"Plus les jours passent, plus je suis déterminé. Je n'ai pas envie de dormir": sapeur-pompier depuis 27 ans, l'adjudant-chef Cédrick Louiset vit jour et nuit sur un piquet de grève avec d'autres collègues pour dénoncer l'obligation vaccinale mais aussi la vie devenue trop chère.
En uniforme, ils sont plusieurs pompiers comme lui à occuper un barrage, près du port de commerce. L'ambiance est festive pour la vingtaine de manifestants sur ce camp de revendications, même si ailleurs des violences ont émaillé la contestation depuis une semaine contre l'obligation vaccinale des personnels hospitaliers et des pompiers.
"C'est inacceptable qu'on nous oblige à nous faire vacciner. Inacceptable ce chantage d'un vaccin contre notre salaire. Je me bats aussi pour ma fille, la vie ici est trois fois plus chère qu'en métropole. Le peuple dit qu'il en a assez", explique celui qui fait partie des quelque 280 sapeurs-pompiers professionnels de l'île.
Cédrick Louiset a pris ses quartiers depuis lundi sur ce point de blocage. Une poubelle benne bloque l'accès au côté d'une énorme barricade nourrie de palettes de bois et objets en tout genre, un drapeau rouge du syndicat FO planté sur les gravats.
Passé le barrage, la vie bat son plein sur le camp: une cuisine, un espace pour dormir, des tables pour jouer aux cartes ou aux dominos, le tout sous une grande bâche bleue. Et de la musique en permanence pour "rester debout et juste tenir".
- "Le pays est malade" -
"Grève, grève, grève dans le pays !": les manifestants reprennent en chœur le refrain d'une chanson du groupe guadeloupéen Akiyo. La sono est à fond, c'est "le cri du peuple", selon eux.
Joël est "pour le mouvement". Livreur de matériel de santé, il est vacciné -"Je suis diabétique"- et proteste.
"Toute la semaine je suis au service de la population et le pays est malade. Les prix sont excessifs ici, avec 50 euros tu remplis un caddie en métropole, ici t'as même pas un cabas", relève le trentenaire, venu pour la première fois sur ce campement.
"C'est à moitié la guerre civile en Martinique. Il y a des barrages avec des gens (en)cagoulés. Des barrages comme celui-ci, il n'y en a plus beaucoup", regrette-t-il, avant de passer à table.
Après une soupe riche de légumes en guise de petit déjeuner, le repas du jour est un plat typique du weekend: riz, haricots rouges et coq au vin, le tout cuisiné dans des énormes marmites, celles utilisées pour les mariages.
- "On n'est pas des voyous" -
Nombreux sont ceux qui viennent saluer sur le camp, pour soutenir avec leurs encouragements, ou pour apporter nourriture et boissons. Un camion déboule en klaxonnant joyeusement. Dans sa remorque, des dizaines de palettes pour les barricades.
"Nous, on est n'est pas des voyous, on reste réglos", tient à dire Cédrick Louiset, remonté contre ceux qui décrédibilisent le mouvement. "Y en a qui font payer les barrages, c'est pas la bonne manière. Hier je me suis fait racketter, je lui ai dit : +Va te faire foutre !+".
Et puis, il y a les jeunes, qu'il connait bien, lui issu d'un quartier difficile de la commune du Lamentin, et auprès desquels il intervient souvent. Depuis le début des violences nocturnes, il tente de les raisonner.
"Voir qu'on tire sur nos amis, nos frères policiers, ce n'est pas possible. Mais ces jeunes ne sont pas réceptifs sur tous les barrages. Ce soir ça va brûler en Martinique. Je te le dis. Et nous, on n'est pas pour ça".
Thalia, 19 ans, venue soutenir sa mère sapeur-pompier, acquiesce: "Je préfère être ici". Sur les barrages des jeunes, "il y a trop de bordel. Ils n'ont pas conscience du combat qu'on mène réellement", souligne la jeune femme.
Animatrice scolaire, elle ne sait pas de quoi sera fait son avenir. Mais elle a une certitude: "Je ne me vois pas finir ma vie ici".
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