Nutri-Score obligatoire : un "lobby citoyen" pour convaincre l'Union européenne ?
Plusieurs associations européennes de consommateurs, dont l'UFC-Que Choisir, soutiennent l'Initiative citoyenne européenne pour proposer à la Commission européenne la classification Nutri-Score obligatoire au niveau communautaire pour les produits agroalimentaires. Le professeur Serge Hercberg, dont les travaux ont aidé à la conception de cette échelle notant les aliments du plus sain (classé A) au moins bon pour la santé (classé E), répond à France-Soir sur l'intérêt et les perspectives d'un tel projet.
> Quel est le principal intérêt du Nutri-Score et pourquoi est-ce si important, selon vous, de le rendre obligatoire sur l'ensemble du terriotire européen?
Serge Hercberg: Le maximum de transparence doit être fait sur la qualité nutritionnelle des aliments que peuvent acheter les consommateurs pour leur permettre de mieux orienter leur choix vers des aliments plus favorables à leur santé. Or, la réglementation européenne ne permet pas aux Etats membres de rendre ce type de dispositif obligatoire. La solution est de modifier cette réglementation pour que Nutri-Score devienne obligatoire au niveau européen comme le demandent les consommateurs. Cette obligation permettra également aux industriels de n'étiqueter qu'un seul logo pour l'ensemble des marchés, ce qu'ils réclament d'ailleurs. Or, Nutri-Score est justifié à la fois par son efficacité scientifique démontrée, sa supériorité aux autres logos proposés , et il est plebiscité par les associations de consommateurs.
> Si le Nutri-Score devenait obligatoire sur tout le territoire européen, comment s'assurer de l'homogénéité des critères de notation de la France à la Roumanie?
Nutri-Score est une marque déposée par Santé publique France, qui inclut également des éléments auxquels il est impossible de déroger pour la définition de l'alghorithme calculant la note d'un produit. Le processus déposé est très complet ce qui assure une application similaire quel que soit le territoire et évite un usage erroné par un Etat ou une entreprise.
> Si l'Initiative citoyenne européenne rencontre un succès, obligeant la Commission européenne à se pencher sur la question, comment éviterez-vous le poids des lobbys agroalimentaires bien présents dans les couloirs de Bruxelles?
Il est vrai que nous faisons face depuis plusieurs années aux lobbys de l'agroalimentaire. Mais même parmi eux, les choses commencent à bouger. Sur les dix principaux groupes mondiaux dans le domaine, qui représentent 500 marques connues, si huit refusent toute idée d'un Nutri-Score obligatoire, deux ont décidé de jouer la transparence: Danone et Nestlé. Ce n'est donc pas l'ensemble du secteur qui s'oppose à la démarche. Nous espérons enfin recueillir un million de signatures de citoyens européens dont 200.000 rien que pour la France. Nous pensons que cela initiera un "lobby des citoyens" auquel la Commission européenne sera sensible, d'autant plus qu'elle est en plein renouvellement actuellement. Je rappellerais aussi que le premier ministre Edouard Philippe a apporté son soutien à notre projet lors de son discours de politique générale (le mercredi 12 juin, NDLR).
> Y'a-t-il d'autres combats importants qui se jouent actuellement au niveau européen sur les questions de l'agroalimentaire?
Oui. Nous soutenons aussi le lancement d'un grand débat de santé publique sur la régulation du marketing visant les consommateurs. Nous souhaitons restreindre la diffusion aux heures de grande écoute les produits dont les valeurs nutritionnelles sont faibles. Cette question est liée à celle du Nutri-Score car il pourrait être décidé de viser spécifiquement les produits ayant obtenu une mauvaise note si le dispositif était justement rendu obligatoire.
Voir aussi:
L'UFC-Que Choisir compte sur Hannibal Lecter pour défendre un "Nutri-score" européen (vidéo)
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