ENTRETIEN - Le rassemblement du collectif "Ami entends-tu" se tient aujourd'hui à 14h, sur le parvis des Droits de l’Homme, hautement symbolique, place du Trocadéro, à Paris. Entretien avec Jean-Paul Bazin, à l'origine du collectif.
Comment est né le Collectif « Ami entends-tu ? »
Notre collectif est né le 29 octobre, le soir où nous avons appris le reconfinement et qu'on n'allait plus pouvoir jouer. A l'origine nous sommes uniquement des gens du spectacle et c'était totalement informel. On a lancé une pétition pour la réouverture des salles, sans condition, définitive et immédiate et celle-ci a recueilli plus de 5000 signatures en très peu de temps. À partir de là, nous avons commencé à nous organiser. Certaines personnes n'ont pas voulu signer la pétition en se disant que le terme de « dictature sanitaire » était exagéré. Il se trouve qu'aujourd'hui, ce terme de dictature sanitaire est repris par pratiquement tout le monde…
Au départ, notre premier objectif était uniquement axé sur la culture et la réouverture des salles. Et puis, très rapidement, on a un petit peu élargi nos revendications quand on s'est aperçu que tout était lié. Être privé de culture dans un pays comme la France, c'est quand même quelque chose qui est extrêmement grave, à mon sens. L'âme d'un pays c'est justement sa culture, l'image qu'il donne de lui-même à l'étranger. Priver toute une population de culture du jour au lendemain, en leur disant simplement qu'ils peuvent se cultiver en regardant Netflix, ou la télévision, ou des pièces de théâtre retransmises, c'est absolument inacceptable.
Comment le Collectif s’est-il élargi à d’autres sphères que celle de la culture ?
Au mois de janvier, on a pris contact avec la coordination "Santé Libre", Violaine Guérin, notamment. Ils cherchaient des collectifs pour relayer leurs propositions de "sport sur ordonnance" : une action qui a lieu tous les dimanches matin à 11 heures dans toute la France, pour redonner de la joie de vivre aux Français. On a commencé à faire ces opérations et aujourd’hui, cela fait quatorze semaines qu'on est tous les dimanches place de la République.
En parallèle, il y a eu cette loi sur le pass sanitaire, qui a déclenché notre volonté de faire ce rassemblement. On voit bien que les gens ne voulaient pas de ce système : il y a une consultation du Conseil économique, social et environnemental et sur 110.000 participants, 73% ont rejeté totalement ce passeport. On appelle ça le pass sanitaire maintenant, mais c'est exactement la même chose et il nous est quand même imposé, dans un déni total de démocratie. Je pense que les représentants ne se rendent pas compte à quel point ce genre d'action et ce genre de mépris des aspirations des citoyens desservent la politique, desservent la démocratie et font en sorte que les gens rejettent totalement toutes ces institutions, les partis politiques, les syndicats, etc. Cela peut, à mon avis aboutir à des problèmes et pas du tout arranger les choses.
Évidemment, personne ne peut nier qu'il y a une épidémie, qu'il y a des gens qui décèdent, etc. Mais il faut garder la mesure des choses. Si on compare le pourcentage de décès par rapport à la population, ce n'est pas la fin du monde. On n'essaye pas de convaincre des gens qui ne sont pas d'accord avec nous car tout est de l'ordre de la croyance. Il y a ceux qui croient qu'il n'y a pas d'autre solution que celle proposée par nos dirigeants et donc qu'il faut continuer, ils pensent qu'ils vont être sauvés par le vaccin et par le confinement. Et puis, il y a ceux qui croient le contraire. Personne n'a le même avis puisque ce sont des croyances. Ce n'est pas la peine d'essayer de convaincre les gens, ça ne sert à rien. On avait comme objectif de proposer quelque chose et on voulait que ceux qui s'y retrouvent nous rejoignent. On a été très surpris de l'ampleur qu'a pris ce collectif. Au départ, on était plus des gens de la culture. Mais aujourd'hui, il y a des gens qui viennent de toutes parts et la culture est minoritaire. On a des médecins, des secrétaires de direction, c'est vraiment très large.
Ça prouve bien qu'il y a une aspiration commune de l'ensemble de la population, toutes catégories confondues, à quelque chose d'autre. En fait, ce qui est sûr, c'est que ce qui est proposé aujourd'hui en termes de programme pour l'avenir, ce n’est pas du tout ce qu’ils attendent.
Donc vous pensez que c’est le pass sanitaire qui a permis un certain réveil de la population ?
En fait, je ne sais pas si c'est le pass sanitaire qui est la goutte de trop, certains se prononçaient très fermement depuis pas mal de temps. D'ailleurs, ils ont beaucoup d'ennuis pour la plupart !
On sent bien qu'il y a une volonté d'écraser tous ceux qui ont un avis. On voit bien que tout se rétrécit et on sait très bien que plus on veut de sécurité et plus on perd des libertés, ce sont des vases communiquant. Je ne suis pas en anti-sécurité, mais il faut trouver un juste milieu. Le pass sanitaire c'est un passage à quelque chose de tout nouveau. Parce que ça veut dire qu'on va vers une société à deux vitesses. Il y aura ceux qui se plieront à ce qu'on leur demande et qui auront droit de faire des choses, et les autres qui n'auront pas le droit de faire ces mêmes choses. Ça, c'est quand même un vrai problème. C'est aussi pour ça, d'ailleurs, que ce qui se passe en ce moment dans les réactions dépasse totalement les clivages habituels politiques de droite, de gauche, comme on les connaît.
Votre collectif est donc apolitique ?
À partir du moment où on s'intéresse à la vie de la cité et on essaie d'agir pour l'améliorer, on fait de la politique au sens noble du terme. Mais effectivement, nous ne sommes liés à aucun parti politique, à aucun syndicat et on tient à ce que ça reste comme ça. Évidemment, on sait très bien qu'on colle très rapidement des étiquettes et que ce sera le cas pour nous aussi, en fonction des gens qui interviendront, qui seront à nos côtés, etc. On veut donner la parole à tout le monde. On n'est pas forcé d'être d'accord sur tout et heureusement. Mais sur ce sujet-là, tous ceux qui refusent la prolongation de l'état d'urgence, le pass sanitaire, l'obligation de la vaccination des enfants, peuvent nous rejoindre. À un moment donné, le vase va déborder. D’ailleurs, on a une grande majorité de femmes qui adhèrent au collectif, notamment à cause de la question des enfants.
Je tiens à préciser que nous ne sommes pas anti-vaccins. Chacun doit être libre de se faire vacciner ou pas. Mais imposer aux gens de se faire vacciner dans les conditions actuelles, alors qu’on a des doutes sur les retombées du vaccin pour l'avenir, je pense que c'est quelque chose qui est inacceptable.
Le mot d'ordre cet après-midi est simple : nous réclamons l'abandon immédiat et sans condition du pass sanitaire, ainsi que la fin de la politique de la terreur qui s'est imposée depuis plus d'un an.