Une trentaine de piscines publiques ferment leurs portes en raison des prix de l’énergie
« En raison de la crise énergétique, votre centre aquatique ferme ses portes », pouvait-on lire à l'entrée des établissements du groupe Vert Marine. L’annonce est tombée brutalement lundi 5 septembre avec la fermeture immédiate d’une trentaine d’établissements en France, dont ceux de Saint-Cyr-l’Ecole, Versailles, Mantes-la-Ville, Limoges, ou encore Conflans Sainte-Honorine. Le groupe Vert Marine, leader français du secteur de la gestion déléguée des équipements sports et loisirs, a justifié cette fermeture en raison de l’explosion des factures d’électricité, dans un contexte de crise énergétique. Une décision qui provoque la colère des usagers et l'inquiétude des collectivités.
Des factures énergétiques explosives…
Les sanctions économiques prises contre la Russie, qui menacent en retour l'Europe de coupure de gaz et l’indisponibilité de plus de la moitié des réacteurs du parc nucléaire français, pèsent sur le marché de l'énergie. En raison du coût de l'énergie qui ne cesse d'augmenter, de nombreux secteurs sont menacés de cessation d'activité tandis que d'autres sont déjà fermés. Si la mise en place d'un bouclier tarifaire a permis de limiter le coût de l'énergie des ménages en France dès l'automne 2021, ces aides directes gouvernementales n'ont pas profité aux entreprises dont certaines, à l'instar du groupe Vert Marine, ne peuvent plus faire face à l'explosion des prix de l'énergie.
« Les hausses du coût de l’énergie que nous subissons tous ne nous permettent plus aujourd’hui de gérer les équipements de manière équilibrée économiquement et pérenne socialement, et ainsi de mener à bien nos missions du service public », a expliqué Thierry Cheix, le président de Vert Marine. En effet, la facture énergétique de la société est passée de « 15 millions à 100 millions d’euros », soit la « totalité de son chiffre d’affaires ». Suite à cette décision, le groupe a dû placer son personnel « en chômage partiel ».
« Fin juillet, on a écrit à nos collectivités, car on a constaté que le prix de l'énergie - notamment de l'électricité - a considérablement augmenté », a noté le directeur général de Vert-Marine, Jean-Pascal Gleizes avant d’ajouter : « On est passé ensuite de 250 à 500 euros le mégawattheure en août. La situation passe de grave à très grave. Les prix qui sortent pour septembre et la fin d'année 2022 passent de 500 à 1 000 euros. On se retrouve dans une situation catastrophique. On a des surcoûts de l'ordre de 1,5 million d'euros par semaine ! ».
Voir aussi : Prix de l'énergie: coup de froid dans les piscines françaises ?
Devant ce problème, des discussions ont été entamées dès le mois de juin entre les groupes privés comme Vert Marine et les collectivités locales ; jusqu'à présent, elles n'ont cependant pas abouti à l'adoption de solutions et le problème a été laissé en suspens.
Dans son communiqué du 5 septembre repris par France Bleu, le groupe Vert Marine explique sa décision et en appelle désormais « aux instances locales et gouvernementales afin de prendre les décisions nécessaires et inédites pour revenir à des coûts supportables de l’énergie et permettre d’assumer les obligations de service public, et, en premier lieu, l’apprentissage de la natation, notamment en milieu scolaire ».
En tout cas, cette fermeture soudaine a indigné de nombreux élus qui affirment n'avoir jamais été concertés de l'intention du groupe Vert Marine de fermer les piscines.
… qui suscitent la colère des élus
La fermeture des piscines n'a pas manqué de provoquer la colère des élus des villes concernées dont beaucoup dénoncent une décision unilatérale.
« On a beaucoup de mal à comprendre cette information », regrette le maire de Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique) Bernard Morilleau, après la fermeture de la seule piscine municipale de sa commune. « Pour ma part, ce sont les usagers de Sainte-Pazanne qui m'ont informé de cela après s'être rendus à la piscine et avoir découvert un papier sur la porte "fermée" de la piscine. Apparemment, ils font ça pour faire réagir les autorités politiques. C'est une décision unilatérale, sans concertation », a dénoncé l'élu local.
De son côté, le vice-président de Limoges-métropole, Fabien Doucet se dit « prêt à aller en justice » si Vert Marine ne rouvre pas le centre aquatique L’Aquapolis. Sans pour autant « contester la décision », il déclare que « la vraie problématique, c'est que Vert Marine ne nous aie pas alertés et n'aie pas discuté avec nous au préalable ». Et d'ajouter : « Nous avons reçu un mail vendredi soir à 22 heures passées pour nous dire que le centre serait fermé lundi. Il n'y a eu aucune concertation préalable, aucune discussion en amont alors que la collectivité a délégué son service public à ce centre aquatique. »
Devant le tollé provoqué chez les usagers, la Fédération française de Natation (FFN) a exigé une « réouverture immédiate » de la trentaine de piscines fermées depuis le lundi 5 septembre. Dans un communiqué publié le mardi 6, la FFN déclare que « dans un contexte déjà contraint par la crise sanitaire, le manque de personnel qualifié ou les mesures liées à la sécheresse de cet été, le coût de l’énergie est désormais invoqué par des collectivités et leurs délégataires pour suspendre l’exploitation de leurs équipements aquatiques ». La Fédération considère également que « ces fermetures ont des conséquences directes pour l'ensemble des enfants et adultes qui ne pourront apprendre à nager ». En conséquence, elle appelle « tous les acteurs à prendre leurs responsabilités pour assurer la continuité de ce service public ».
En France, la gestion des piscines relève de la compétence des communes et des communautés de communes. Cependant, environ 10% des 3 700 des piscines françaises fonctionnent sous le régime de la délégation de service public. Par conséquent, un groupe comme Vert Marine passe des contrats de cinq à sept ans avec les collectivités locales, des contrats qui l'engagent à assurer la gestion d'un équipement, en l'occurrence, les piscines, propriétés de la collectivité.
Sans attendre de nouvelles discussions, certains élus, comme la maire de Montauban, Brigitte Barèges, ont décidé de reprendre le contrôle de leurs équipements sportifs. L'élue du Tarn-et-Garonne a annoncé que le centre aquatique Ingréo, repris en régie provisoire par la ville de Montauban, rouvrirait le 12 septembre prochain.
Après les mesures liées au Covid-19, les restrictions énergétiques
Dans le cadre du plan de sobriété énergétique, la Première ministre Elisabeth Borne avait appelé les Français à une « responsabilité collective » le 29 août dernier, lors d’un discours devant le Medef à l’hippodrome de Paris-Longchamp.
Quelques jours plus tard, le 2 septembre, un Conseil de défense sur l’énergie s'était tenu dans le contexte de la guerre en Ukraine en prévision des conséquences sur le marché de l’énergie. Lors de ce discours, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, avait approuvé la « sobriété et la solidarité européenne », contribuant, selon elle, à éviter des mesures « contraignantes ». Un discours qui se voulait rassurant, mais qui ne cachait pas que « des actions contraignantes » pourraient être envisagées au cas où des difficultés non anticipées pourraient advenir.
Enfin, la ministre a déclaré : « Nous ferons un point régulièrement, tant sur la situation d’approvisionnement en gaz et en électricité que sur la mise en œuvre concrète des mesures de sobriété ».
Doit-on s'attendre à une répétition du scénario qui a eu lieu pendant l'épidémie de Covid-19, à savoir des recommandations et des décisions contraignantes qui changent sans cesse ?
Voir aussi : Un nouveau Conseil de défense pour l'énergie: encore un passage en force?
La crise sanitaire avec ces confinements, couvre-feux, passe sanitaires et vaccinaux a affecté la santé physique et mentale des Français, particulièrement celle des enfants, des adolescents et des jeunes adultes. Beaucoup en situation d'isolement, privés d'activités, se sont réfugiés devant les écrans. Selon un rapport de l'UNICEF publié le 5 octobre 2021, « les enfants et les jeunes pourraient ressentir les effets de la Covid-19 pendant de nombreuses années ». Des conséquences dramatiques, donc qui ont révélé un mal-être durable chez certains enfants en proie au stress, à l'angoisse, aux idées suicidaires et troubles de l'humeur ainsi qu'aux déséquilibres alimentaires engendrés par des comportements boulimiques.
Après la crise sanitaire, la crise énergétique avec toutes ses répercussions va-t-elle être un nouvel épisode qui va altérer un peu plus encore la santé physique et mentale de Français ?
Voir aussi : Conséquences du Covid-19 chez les enfants: d'une crise sanitaire à une "pandémie mentale"
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