Proposition de loi pour le droit de vote des étrangers : la classe politique divisée

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FranceSoir
Publié le 10 août 2022 - 14:55
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Sacha Houlié
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Hans Lucas via AFP
Le député Renaissance Sacha Houlié a déposé le 9 août une proposition de loi pour octroyer le droit de vote aux étrangers lors des élections municipales.
Hans Lucas via AFP

Une proposition de loi Constitutionnelle a été présentée par le député Renaissance et président de la commission des lois, Sacha Houlié, mardi 9 août, pour « accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France ». Si la gauche est pour et la droite contre, au sein de la majorité présidentielle, l'idée divise.

Sacha Houlié, député du parti d’Emmanuel Macron, Renaissance (ex-LREM), désire élargir le droit de vote à tous les étrangers pour les élections municipales, et non plus seulement aux ressortissants de l’Union européenne résidant en France, comme c’est le cas actuellement. « Cette reconnaissance se fait attendre. Nous la devons pourtant à celles et ceux qui bien souvent et depuis longtemps participent au dynamisme de notre société », fait valoir sa proposition, qui fustige une « discrimination entre deux catégories d’étrangers ».

Qui est Sacha Houlié ?

Ancien militant du Parti socialiste, cofondateur en 2015 des Jeunes avec Macron et délégué national d'En marche à son lancement en 2016, le député Sacha Houlié s'est aussi montré au cours de la crise du Covid-19 un ardent défenseur de la panoplie de restrictions sanitaires imposées par le gouvernement (pour rappel, une partie de la classe politique s'interrogeait sur la possibilité que les non-vaccinés puissent voter à l'élection présidentielle suite au rejet en janvier 2022, par la majorité, d'un amendement qui visait à « garantir l'accès aux lieux d'exercice de la démocratie »).

Promoteur de la planification écologique, il s'était fait remarquer en février en évoquant pour la première fois l'idée d'un "pass écologie", déclenchant sur Twitter un appel à la méfiance des internautes, à l'avant-garde duquel le président des Patriotes, Florian Philippot, qui voyait derrière ce message une velléité du gouvernement de créer un QR code comprenant de futures restrictions écologiques.

Dernièrement, en juillet, le macroniste convaincu s'illustrait à l'Assemblée nationale dans un discours d'opposition à la réintégration des soignants non-vaccinés contre le Covid-19, malgré les preuves qui démontrent l'inefficacité du vaccin sur la transmission du virus.

Le droit de vote des étrangers, un projet qui suscite la polémique depuis des décennies

Considéré comme un marqueur politique entre la droite et la gauche, le droit de vote des étrangers aux élections municipales est en réalité une variable d'ajustement électoral dans les deux camps. Si celui-ci est dans les bagages de la gauche depuis 1972, plusieurs figures centrales de la droite l'ont également défendu. Chez les socialistes, le projet avait tout d'abord été porté par le président François Mitterrand, qui ne tiendra pas cette promesse de 1981 lors de son règne présidentiel. Quelques décennies plus tard, son successeur du même parti, François Hollande, se déclarera lui aussi favorable à cette mesure, sans toutefois lui non plus entériner cette promesse, estimant que le moment n'est pas venu.

À droite, avant de devenir l'un de ses plus grands opposants, Jacques Chirac, généralement classé sur ce côté de l'échiquier politique, fut lui-même un des promoteurs du vote des étrangers : « Je suis favorable au droit de vote pour les immigrés aux élections municipales », déclarait-il à Bruxelles, le 14 octobre 1979, devant l'association des maires francophones, rappelle France info.

Il en va de même pour Nicolas Sarkozy, dont les positions sur la question ne cesseront de changer au fil des années : contre en 1997, puis pour en 2001 dans un livre, il réaffirmera cette position en 2005 dans une interview accordée au journal Le Monde le 25 octobre 2005 : « Je ne trouve pas anormal qu'un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France puisse voter lors des élections municipales », déclarait-il alors. En 2012, lors du débat entre les deux tours de la présidentielle, face à un François Hollande favorable, Nicolas Sarkozy, qui a annoncé soutenir Emmanuel Macron lors de l'élection suprême de cette année, s'est cette fois-ci prononcé contre.

La majorité se divise

Le projet d'accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections municipales fait débat au sein même de l'actuelle majorité présidentielle. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin se dit « fermement opposé à cette mesure », comme l'affirme BFMTV et France info, citant son entourage. Sacha Houlié avait d'ailleurs affirmé avoir déposé cette proposition « à titre personnel ».

Emmanuel Macron lui-même ne s'était jamais montré favorable à cette proposition, préférant l’assouplissement de l’accès à la nationalité française. De surcroît, Sacha Houlié aurait déposé le texte sans en référer à son groupe, ni au gouvernement, selon le journaliste du Parisien, Pierre Maurer.

La Nupes se ferait « un plaisir » de voter en faveur du droit de vote des étrangers

Lors d’une interview sur Europe 1, la députée européenne Manon Aubry (LFI) s'est pour sa part déclarée favorable au texte, jugeant que « ce combat doit être mené » et se félicitant qu'un débat ait lieu sur le sujet du vote des étrangers. « Il a été beaucoup question depuis le début de ce mandat de quelle pourrait être la participation de la NUPES, s'il y avait une proposition comme celle-là sur la table, eh bien nous nous ferions un plaisir de la voter », a-t-elle ainsi déclaré.

Chez les écologistes d'EELV, le maire de Grenoble Eric Piolle a salué sur LCI une « excellente idée », soulignant qu'EELV soutenait « fortement cette proposition ».

La droite vent debout

Parmi les opposants à la mesure proposée par Sacha Houlié, Eric Ciotti, député Les Républicains (LR), qui a réagi sur BFMTV en ces termes : « Je suis totalement opposé au droit de vote des étrangers. Le vote doit toujours être lié à la nationalité. Le vote est l’expression de la souveraineté populaire des Français, c’est l’expression de la volonté générale des Français. C’est notre République, c’est notre histoire ; vouloir y déroger, c’est menacer nos principes républicains essentiels. »

Du côté du Rassemblement тational, Jordan Bardella a fustigé « la dépossession finale des Français de leur pays ». Et de noter : « Pendant que Gérald Darmanin agitait les médias sur l'expulsion (ratée) d'un islamiste, les macronistes déposaient en douce une proposition de loi pour le droit de vote des étrangers, c'est-à-dire la dépossession finale des Français de leur pays. Ils trouveront le RN sur leur chemin ! »

Pour le président des Patriotes, Florian Philippot, l’annonce de cette proposition de loi n’est rien qu’une diversion en vue d’éclipser les débats autour de l’inflation, de la crise de l’euro, ou encore de l’Otan. « Même technique depuis 40 ans ! », s’est-il exclamé, soulignant que cette polémique arrangerait bien les oppositions.

Les étrangers qui paient des impôts ont-ils le droit de voter ?

Sur CNews, l’avocat Pierre Gentillet, a exprimé sa totale opposition à cette proposition de loi : « Pour voter, il faut être Français. La souveraineté appartient au peuple français. La souveraineté du peuple se manifeste par ses représentants. Et les représentants, on les élit. Le droit de vote est un outil de souveraineté du peuple français (…). Cette mesure (le droit de vote des étrangers) est dangereuse : elle favorisera le communautarisme. »

Concernant l’argument selon lequel un étranger qui paie des impôts devrait bénéficier du droit de vote, l'avocat, qui s’est illustré au cours de la crise du Covid-19 par son opposition aux restrictions sanitaires, a dénoncé une volonté de « rétablir l’idée la plus réactionnaire qui soit, qui s’appelle le suffrage censitaire ». Et de rappeler : Souvenez-vous, au XIXe siècle, pour voter, il faut payer. » Sur Twitter, l’avocat Me Di Vizio, indigné, renchérit à son tour : « Du coup le français qui paie pas d’impôts : il vote pas ? »

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