A son procès en appel, François Fillon défend la présence locale "essentielle" de son épouse
"Penelope travaillait sur mon implantation locale": à son procès en appel à Paris pour des soupçons d'emplois fictifs de son épouse, l'ancien Premier ministre François Fillon a défendu lundi le caractère "essentiel" des missions exercées par sa femme dans la Sarthe.
L'ancien chef de gouvernement, 67 ans, a répondu pendant plus de cinq heures aux questions de la cour, d'une voix calme où perçait parfois l’agacement. L'atmosphère est bien moins électrique mais sur le fond, sa défense n'a pas changé depuis le procès de première instance, à l'issue duquel il avait été condamné.
"Le rôle principal que j'avais confié à mon épouse, c'est d'être présente sur le terrain", de "créer ce lien personnel, ce lien de confiance" avec les habitants, répète François Fillon. "C'est un travail permanent de maillage de la circonscription (...) qui, exercé pendant une longue période, est irremplaçable."
Participer aux repas des anciens, recevoir des électeurs, gérer le courrier et y détecter des "revendications"... Autant d'activités que réalisait Mme Fillon, fait valoir son époux, "indispensables" car source de "légitimité" auprès des électeurs.
"Penelope apportait sa connaissance des situations personnelles" et relisait "tous mes discours importants", soutient M. Fillon. "Combien de fois elle m'a fait modifier un point de vue parce qu'il était trop technocratique, trop éloigné des réalités, trop pessimiste ?"
- "Tonalité immatérielle" -
Le président de la cour François Reygrobellet insiste pourtant: très peu de personnes savaient que Penelope Fillon était assistante parlementaire. Il souligne aussi la "forte tonalité immatérielle" de cette "collaboration", dont très peu de traces ont été retrouvées.
Penelope Fillon mettait en avant son statut d'épouse, "c'était mieux", répond le prévenu. Le conjoint d'élu "incarne la présence du parlementaire sur le terrain, que n'incarne pas un autre collaborateur" - nombre de députés ont d'ailleurs embauché leur conjoint "pendant 40 ans", soutient-il.
En 2002, François Fillon est nommé au gouvernement et sa femme est alors embauchée par son suppléant, Marc Joulaud. "Transférer l'équipe de collaborateurs au suppléant" était une "pratique généralisée", assure-t-il.
Sa rémunération augmente pour atteindre 5.300 euros bruts ? C'est ce qu'elle "méritait" mais qu'il ne pouvait pas verser lui, à cause des règles des emplois familiaux, dit le prévenu. "Penelope était la plus diplômée de mes collaborateurs, et de loin, et le travail qu'elle a fourni était pour moi le plus essentiel".
En première instance, l'ancien locataire de Matignon a été condamné à cinq ans d'emprisonnement dont deux ferme et 375.000 euros d'amende. Son épouse s'est vu infliger trois ans de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende, son ex-suppléant Marc Joulaud, trois ans avec sursis et 20.000 euros d'amende avec sursis.
Les trois prévenus sont rejugés jusqu'au 30 novembre pour des soupçons d'emplois "fictifs ou surévalués" de Penelope Fillon comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013, rémunérés au total 612.000 euros nets.
- "Pas orthodoxe" -
S'il a embauché deux de ses enfants comme collaborateurs entre 2005 et 2007, lorsqu'il était sénateur, c'était pour travailler à "l'élaboration du programme" de l'UMP pour la présidentielle. Rien ne l'interdisait alors, dit-il.
"C'est quand même une constante chez vous - n'y voyez pas une familiarité déplacée - mais on laisse assez peu de traces de ses ouvrages...", glisse le président de la cour, alors qu'aucun document n'établissant le travail de son fils n'a pu être retrouvé, et seulement sur une partie de la période concernée pour sa fille.
Oui, il a demandé au milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, dont il était proche, une activité pour Penelope Fillon "qui lui soit propre" en 2012: son emploi à la Revue des deux mondes, qui n'avait rien de fictif, assure-t-il.
Au même moment, il a aussi réembauché sa femme comme assistante dans la Sarthe alors qu'il était député de Paris, une pratique "pas orthodoxe", observe l'accusation. Dans cette période "de réflexion, d'hésitation" sur son avenir politique, l'une des options est "de revenir" dans son fief, justifie-t-il, tandis que son avocat souligne les nombreux courriers que les Sarthois continuent à lui envoyer, même s'il n'est plus leur député.
Dans ce dossier, "il y a cette espèce d'idée préconçue, ce préjugé, qu'une femme de député, ça fait le boulot d'une femme de député. Non ! Elle faisait un travail de collaboratrice".
L'audience reprend mardi.
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