Soudain passionné de foot, Mélenchon n'est plus "choqué de voir des RMIstes applaudir des millionnaires"
"La politique est l'art du possible", semble être la boussole du Gambetta moderne, Jean-Luc Mélenchon. Possible d'accuser, contre l'évidence, l'extrême droite d'avoir fait dérailler la manifestation du 1er mai (avant de se rétracter); possible d'appeler à la "haine juste et saine" des journalistes et de clamer que, en France, "on ne peut plus nulle part parler librement". Possible, enfin de crier son amour pour l'OM (qui joue ce jeudi 3 au soir pour une place en finale européenne) après avoir dis pis que pendre du football en général, et de son business en particulier.
De longue date le leader de la France insoumise, et autrefois du Parti de gauche, a accusé de tous les maux le ballon rond. "Mais je vais dire franchement, c'est l'opium du peuple cette histoire. Moi, je ne suis pas très footeux", confiait ainsi Jean-Luc Mélenchon en fin d'interview sur RTL en juin 2010 (lien). Puis de trancher: "J'ai une chose à vous dire, ça m'a toujours choqué de voir des RMIstes (les supporters) applaudir des millionnaires (les joueurs)".
"Si j’étais à la tête du pays, ceux qui ne paient pas leurs impôts en France n’auraient pas le droit de jouer en équipe nationale", affirmait-il également en novembre 2013 à Paris-Match. "Je signale que les footballeurs jouissent déjà de privilèges inouïs, comme le fait de ne pas payer de cotisations sur leur droit à l’image alors qu’ils coûtent très cher à la Sécurité sociale", avait-il expliqué fort justement. En avril 2014, encore: "N’importe qui pourrait être un brillant footballeur! Et donc n’importe qui pourrait gagner des sommes incroyables, sans cause réelle. C’est scandaleux que Franck Ribéry gagne un SMIC toutes les quarante minutes!" (So Foot).
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Bref, Jean-Luc Mélenchon n'aime pas le foot qui "ne l'intéresse pas" et, dans la droite ligne de ses idées, y voit surtout un symptôme du capitalisme triomphant qu'il combat. "Ces gens, peu éduqués, comme vous dites, n’ont pas «réussi» brutalement! Vous vous trompez totalement: ils se sont juste enrichis brutalement! Et ça n’est pas pareil. Réussir, c’est se construire comme être humain", expliquait-il ainsi, toujours à So Foot.
Jean-Luc Mélenchon n'aime pas le foot, vous dit-il: fermez le ban. Ou pas. Car la politique est bien "l'art du possible". Depuis qu'il s'est choisi Marseille comme point de chute et qu'il entend faire de la cité Phocéenne son nouveau fief électoral après l'Essonne (et des parachutages infructueux dans le Sud-Ouest puis à Hénin-Beaumont), Jean-Luc Mélenchon s'est découvert une passion pour le foot. Il va désormais au stade (et le fait savoir) et en parle même sur son blog (lien), où il narre par le menu son unique aventure au Vélodrome.
En bon animal politique, le leader des Insoumis tance sur son blog les journalistes qui s'interrogent, pourtant à raison puisque c'est leur métier, sur une tentative de récupération: "Bien sûr, ma présence fut interprétée comme un geste à vocation municipale. C’est le maximum de ce qu’une cervelle de commentateur parisien peut imaginer". Le tout entre deux glorifications du public marseillais et des habitants de la ville, si "fiers".
Point de visée électoraliste ici, explique Jean-Luc Mélenchon sur son blog, évoquant plutôt un intérêt presque sociologique. Le journaliste qui aurait l'outrecuidance de noter l'à-propos de cette nouvelle passion de l'ancien sénateur socialiste n'aurait qu'une bien petite "cervelle de commentateur parisien", donc. Tout comme ceux qui verraient dans cette petite phrase un clin d'œil au fameux antagonisme entre la grande ville du sud et la capitale.
Jouer le "nous" contre le "eux", est pourtant un des ressorts classiques du mélenchonisme. Tout comme la critique de la mise en perspective que font les médias lorsqu'elle ne sert pas son propos, par exemple lorsqu'ils soulignent l'incohérence d'une passion -qui plus est subite- d'un candidat antisystème pour le sport roi.
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