Terrorisme, maladies mentales et secret médical : les psychiatres méfiants face aux propositions de Gérard Collomb
En évoquant la question du suivi psychiatrique des terroristes des personnes sous surveillance pour radicalisation, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a jeté ce mardi 22 un pavé dans une mare déjà bien trouble.
Après les attentats en Espagne et plusieurs cas de voitures folles en France, il a réitéré son idée de vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres pour identifier les profils "qui peuvent passer à l'acte".
Une proposition qui ne semble pas être accueillie avec un engouement particulier de la part de la profession. Tout d'abord en raison du secret médical. Dans son dernier bulletin d'information, l'ordre des médecins soulevait en effet la question et a tranché, considérant que "la radicalisation ne doit pas faire l'objet d'une exception".
Secret médical et risque terroriste : que faire si vous soupçonnez un patient d’être radicalisé ? https://t.co/ZnrHaeiIBd #VendrediLecture pic.twitter.com/o1IVNWm9OA
— Ordre des Médecins (@ordre_medecins) 28 juillet 2017
Il rappelle néanmoins que le code pénal condamne une personne qui "pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire".
Le même code prévoit qu'un médecin peut rompre le secret médical en informant le préfet "du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent", avec toutefois une condition cumulative importante. Il faut que le psychiatre sache que la personne détient une arme ou ait manifesté la volonté de s'en procurer une.
Si la rupture du secret médical apparaît donc possible, ses conditions semblent aujourd'hui trop restrictives pour Gérard Collomb qui souhaite "trouver le moyen qu'un certain nombre d'individus, qui effectivement souffrent de troubles graves, ne puissent pas commettre des attentats".
Une autre critique a été formulée par certains psychiatre quant au lien un peu trop rapidement fait à leur goût entre terrorisme et problèmes psychiatriques.
Il est "rarissime" qu'un attentat s'explique exclusivement par l'état mental de son auteur, mais il y a peu de djihadistes "bien dans leur peau", estime le psychiatre Daniel Zagury, expert près des tribunaux en France. "Il y a une recherche d'acte héroïque chez des personnalités qui ont un certain nombre de troubles, mais qui ne sont pas pour autant des malades mentaux", note-t-il.
"Le lien entre maladie mentale et terrorisme n’est pas avéré", souligne dans une tribune publiée par Le Monde le psychiatre David Gourion. "De plus, il a été montré que les patients qui souffrent de troubles psychiques ne commettent pas plus d’homicides que la population générale".
La question de la radicalisation et du terrorisme islamique n'est cependant pas la seule qui taraude Gérard Collomb quant aux rôles des psychiatres. Il a notamment cité la récente course folle d'une voiture à Marseille qui a fait un mort: "Il sortait de clinique psychiatrique. Il avait des antécédents de prison et il assassine une personne. Il faut réfléchir sur ce genre de prisme", a-t-il déclaré ce mardi évoquant un phénomène "d'imitation".
Outre la frontière entre secret médical et prévention des risques, celle entre mesure d'exception de lutte contre le terrorisme et nouvelle règle générale et potentiellement liberticide risque d'être au cœur du débat.
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