Terrorisme, maladies mentales et secret médical : les psychiatres méfiants face aux propositions de Gérard Collomb

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 22 août 2017 - 20:01
Mis à jour le 23 août 2017 - 10:14
Image
Le maire de Lyon, Gérard Collomb.
Crédits
©Philippe Desmazes/AFP
Gérard Collomb souhaite que les autorités puissent être mieux informées par les psychiatres des risques de passage à l'acte de leur patient.
©Philippe Desmazes/AFP
L'idée de Gérard Collomb de solliciter davantage les psychiatres à la détection des individus dangereux et notamment des terroristes a suscité une réaction au mieux frileuse de la profession ce mardi. Celle-ci a rappelé les règles du secret médical et certains médecins ont mis en garde contre un amalgame trop rapide entre terroristes et "malades mentaux".

En évoquant la question du suivi psychiatrique des terroristes des personnes sous surveillance pour radicalisation, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a jeté ce mardi 22 un pavé dans une mare déjà bien trouble.

Après les attentats en Espagne et plusieurs cas de voitures folles en France, il a réitéré son idée de vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres pour identifier les profils "qui peuvent passer à l'acte".

Une proposition qui ne semble pas être accueillie avec un engouement particulier de la part de la profession. Tout d'abord en raison du secret médical. Dans son dernier bulletin d'information, l'ordre des médecins soulevait en effet la question et a tranché, considérant que "la radicalisation ne doit pas faire l'objet d'une exception".

Il rappelle néanmoins que le code pénal condamne une personne qui "pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire".

Le même code prévoit qu'un médecin peut rompre le secret médical en informant le préfet "du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent", avec toutefois une condition cumulative importante. Il faut que le psychiatre sache que la personne détient une arme ou ait manifesté la volonté de s'en procurer une.

Si la rupture du secret médical apparaît donc possible, ses conditions semblent aujourd'hui trop restrictives pour Gérard Collomb qui souhaite "trouver le moyen qu'un certain nombre d'individus, qui effectivement souffrent de troubles graves, ne puissent pas commettre des attentats".

Une autre critique a été formulée par certains psychiatre quant au lien un peu trop rapidement fait à leur goût entre terrorisme et problèmes psychiatriques. 

Il est "rarissime" qu'un attentat s'explique exclusivement par l'état mental de son auteur, mais il y a peu de djihadistes "bien dans leur peau", estime le psychiatre Daniel Zagury, expert près des tribunaux en France. "Il y a une recherche d'acte héroïque chez des personnalités qui ont un certain nombre de troubles, mais qui ne sont pas pour autant des malades mentaux", note-t-il.

"Le lien entre maladie mentale et terrorisme n’est pas avéré", souligne dans une tribune publiée par Le Monde le psychiatre David Gourion. "De plus, il a été montré que les patients qui souffrent de troubles psychiques ne commettent pas plus d’homicides que la population générale".

La question de la radicalisation et du terrorisme islamique n'est cependant pas la seule qui taraude Gérard Collomb quant aux rôles des psychiatres. Il a notamment cité la récente course folle d'une voiture à Marseille qui a fait un mort: "Il sortait de clinique psychiatrique. Il avait des antécédents de prison et il assassine une personne. Il faut réfléchir sur ce genre de prisme", a-t-il déclaré ce mardi évoquant un phénomène "d'imitation".

Outre la frontière entre secret médical et prévention des risques, celle entre mesure d'exception de lutte contre le terrorisme et nouvelle règle générale et potentiellement liberticide risque d'être au cœur du débat.

À LIRE AUSSI

Image
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb le 5 août 2017 à Palneca, en Corse
Gérard Collomb : "un tiers" des personnes signalées radicalisées ont "des troubles psychologiques"
"A peu près un tiers" des personnes signalées pour radicalisation "présentent des troubles psychologiques", selon le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb qui souhait...
22 août 2017 - 12:14
Politique
Image
Un soldat de l'opération sentinelle patrouille près de la tour Eiffel à Paris le 20 mai 2017
Il est "rarissime" qu'un attentat s'explique seulement par l'état mental de l'auteur
Il est "rarissime" qu'un attentat s'explique exclusivement par l'état mental de son auteur, mais il y a peu de jihadistes "bien dans leur peau", estime le psychiatre D...
09 août 2017 - 12:54
Image
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel
Nice, Orlando : la frontière floue entre fanatisme et personnalité perturbée
Le profil de Mohamed Lahouaiej Boulhel, l'auteur de l'attentat de Nice, reste difficile à définir. Sa radicalisation tardive se mêle à des antécédents de violences, vo...
20 juillet 2016 - 11:52
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Kamala Harris
Kamala Harris, ou comment passer de la reine de la justice californienne à valet par défaut
PORTRAIT CRACHE - Samedi 27 juillet, la vice-présidente américaine Kamala Harris a officialisé sa candidature à la présidence des États-Unis, une semaine après le retr...
03 août 2024 - 12:49
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.