Un an après son assassinat, la France se souvient de Samuel Paty
De nombreuses écoles, ses collègues enseignants et Emmanuel Macron lui rendront hommage. Un an après l'innommable, la France s'apprête à honorer la mémoire de Samuel Paty, dont l'assassinat a causé une vague d'émotion profonde dans tout le pays.
Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, 47 ans, était décapité dans une rue voisine de son collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), par un jeune réfugié tchétchène qui lui reprochait d'avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.
Il "cherchait le moyen de faire réfléchir", a raconté lundi une de ses sœurs, Gaëlle Paty, dans un entretien au journal La Croix.
Elle-même y confie que si elle avait été enseignante, elle n'aurait "pas montré" les caricatures, se jugeant "pas très courageuse..." "Samuel l'a fait, parce que c'est un puriste. Elles étaient subversives ? Bien sûr, ce sont des caricatures. Elles allaient sans doute choquer? Oui, mais ce serait le point de départ d'un débat", explique Gaëlle Paty.
Depuis le drame, le nom de son frère, qui a été fait chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume, est brandi comme un bouclier de la liberté d'expression face à l'obscurantisme, en France et au-delà.
L'attentat, pour lequel quinze personnes ont été mises en examen, a provoqué "une sidération dans tous les pays face au terrorisme islamiste et à la menace qu'il représente pour toute personne exerçant sa liberté d'expression", résume le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer dans son récent livre "Ecole ouverte".
"Il y aura un avant et un après", y écrit-il, "les conséquences de ce crime nous marquent pour toujours".
Cet attentat a pesé sur les débats crispés autour de la loi de lutte contre le séparatisme, adoptée en juillet dernier. Le chef de l'Etat en avait posé les fondements dans un discours prononcé deux semaines avant la mort de Samuel Paty.
- "Malaise" -
Pour les enseignants, "l'onde de choc assez violente" persiste, raconte à l'AFP Christine Guimonnet, la secrétaire générale de l'Association des professeurs d'histoire-géographie (APGH).
"On peut aller travailler, il y a plein de moments de la journée où on ne va pas penser à Samuel Paty, et d'autres moments où on l'a en tête", ajoute-t-elle, "on n'oubliera jamais ce qu'il s'est passé, on n'oubliera jamais qu'il est mort".
Comment enseigner, après l'horreur? De nombreux professeurs assurent ne "pas avoir peur", mais certains avouent une gêne.
Comme cette professeure d'une ville voisine de Conflans-Sainte-Honorine, qui explique à l'AFP être davantage "sur la réserve" dans sa façon d'enseigner, elle qui n'avait "jamais été mal à l'aise" auparavant pour évoquer les religions devant ses élèves.
Ou cette autre, dans le Haut-Rhin, qui dit éviter les caricatures de Mahomet pour "que ça ne s'enflamme pas de nouveau".
Le ministère de l'Education a invité écoles, collèges et lycées à respecter vendredi une minute de silence en mémoire de Samuel Paty et à consacrer une heure à un temps d'hommage et d'échanges, qui pourront porter sur le métier de professeur, son rôle et sa légitimité ou encore la construction de l'esprit critique.
Samedi, la famille de Samuel Paty sera reçue par Emmanuel Macron à l'Elysée, puis un square parisien sera rebaptisé de son nom lors d'une cérémonie que la mairie de Paris veut simple et recueillie.
- Traumatisme persistant -
En banlieue parisienne, une cérémonie est également prévue samedi matin à Eragny-sur-Oise, une commune de plus de 16.000 habitants où vivait le professeur, père d'un petit garçon. Un autre hommage sera organisé dans l'après-midi à Conflans-Sainte-Honorine, au cours duquel doit être dévoilé un monument en forme de livre.
Entre les deux, enseignants et personnels du collège du Bois-d'Aulne prendront la parole dans leur établissement, en présence de délégués d'élèves et de représentants de parents. L'ancienne principale, dont le courage et l'implication ont été salués par le ministre de l'Education comme par les familles, y est invitée.
Signe du traumatisme persistant qui a frappé la communauté éducative locale il y a un an, deux psychologues ont été mis à disposition des personnels du Bois d'Aulne qui le souhaitent.
Une ligne d'écoute a également été activée pendant tout le mois d'octobre, a précisé le rectorat de Versailles à l'AFP. Et pour les aider à appréhender les questions de leurs élèves, les enseignants ont pu être assistés d'un pédopsychiatre.
Depuis un an, les collégiens du Bois d'Aulne cherchent encore un équilibre entre leur devoir de mémoire envers un professeur particulièrement apprécié, mais aussi leur "envie d'oublier", selon plusieurs témoignages d'élèves recueillis par l'AFP.
C'est un "subtil équilibre" à trouver, résume Cécile Ribet-Retel, la présidente locale de l'association de parents d'élèves PEEP. "Il faut que notre collège reste un lieu de vie", plaide-t-elle, "il ne faut pas le transformer en lieu de mémoire".
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