Roselyne Bachelot ou le brouillon de culture, sur une ligne pas bien rose à connotation piquante
PORTRAIT CRACHE - Ministre de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy puis d’Emmanuel Macron, Roselyne Bachelot, 76 printemps, est respectivement passée - plus ou moins bien - par les ministères de la Santé, de l’Ecologie et de la Culture. De 2002 à 2022, avec une parenthèse médiatique de huit ans entre 2012 et 2020, la longue carrière politique de celle qui fut réputée pour un certain franc-parler et une personnalité... colorée n'est pas exempte de reproches et de controverses. Son soutien à la loi HPST et au pass sanitaire pendant la pandémie de Covid-19, sa gestion de l’épidémie de la grippe A (H1N1), son rôle dans l’affaire Mediator et dans le retrait du statut de service de presse en ligne de notre journal auront été les moments clés de son parcours chaotique.
“Fille de” en politique pour un développement durable du Big Pharma
Roselyne Bachelot entame sa carrière professionnelle en 69 comme déléguée médicale du laboratoire ICI Pharma. Elle occupe ce poste jusqu’à 1976 puis devient en 1984 chargée des relations publiques chez Soguipharm. En parallèle, elle obtient son doctorat en pharmacie en 1988 à l’Université d’Angers mais siège, dès 1986, au conseil d’administration du CHU d’Angers.
Roselyne Bachelot jongle avec de nombreuses responsabilités. Sa carrière politique est lancée entre son départ du laboratoire d’ICI Pharma et son passage chez Soguipharm qu’elle quitte en 1989. L’ex-ministre de la Culture, initiée à la politique par son père Jean Narquin, lui-même conseiller municipal d’Angers et député gaulliste du Maine-et-Loire, est d’abord conseillère générale de 1982 à juin 1988, année d’obtention de son doctorat. Simultanément à ce titre, elle est conseillère régionale des Pays de la Loire à partir de 1986 avant de reprendre le siège encore chaud de son père à l’Assemblée nationale.
Désormais députée, elle accède en 1989 à la tête du RPR (Rassemblement pour la République), parti au sein duquel, comme son père, elle milite. Roselyne Bachelot sera d’ailleurs porte-parole de son chef de file Jacques Chirac, candidat à sa propre succession aux présidentielles de 2002. Il la nomme, une fois réelu, ministre de l’Ecologie et du Développement durable sous l’autorité du Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin.
A 56 ans, elle a pour première mission de finaliser la Charte de l’environnement. Celle-ci introduit dans la Constitution française les principes du pollueur-payeur et de précaution. Des juristes relèvent, lors de sa promulgation en 2005, “l'inutilité” du texte et la “dangerosité judiciaire” de certains de ses articles, particulièrement ceux liés au principe de précaution, défini lors du sommet de Rio de 1992 et qui consiste à prendre des mesures liées à l’environnement malgré une absence ou un manque de connaissances scientifiques. Déjà...
Quand les liens incestueux s'immiscent dans les gouvernements
Roselyne Bachelot quitte le ministère en 2004. Elle redevient conseillère régionale des Pays de la Loire et siège au Parlement européen jusqu’en 2007, année où elle est nommée ministre de la Santé par Nicolas Sarkozy. Malgré une longévité non négligeable à ce ministère, il s’agit, sans doute, du moment le plus controversé et caricatural de sa carrière politique.
L’ancienne secrétaire générale du RPR doit composer avec un déficit de la Sécu qui s’élève alors à 12 milliards d’euros. Elle soutient la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), prémices d’une longue agonie. Le texte, qui crée les agences régionales de santé (ARS) et réorganise les structures hospitalières, suscite la colère des professionnels de la santé. S’ils saluent l’idée d’une gestion territoriale régionale du secteur, ils alertent contre la “lourdeur bureaucratique” des ARS et leur “politisation”. Les directeurs de ces structures sont qualifiés de “préfets sanitaires” et la démarche, assumée par Sarkozy, vise à restaurer l’autorité de l’État.
Le passage de Roselyne Bachelot à la Santé est surtout marqué par sa gestion de la grippe A (H1N1). En avril 2010, environ 1 300 cas graves de cette maladie et 312 décès sont enregistrés en France. L’OMS dénombre en juillet de la même année 18 311 décès de par le monde. La ministre de la Santé - faut-il encore rappeler ses liens avec l’industrie pharmaceutique ? - initie alors la commande des dizaines de millions de masques et de vaccins auprès de laboratoires comme Novartis, Sanofi ou encore GSK. Coût total : entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros. Une dépense assumée, en grande partie, par la Sécurité sociale, de plus en plus déficitaire. Résultat de la campagne ? Moins de 10 % de la population est vaccinée. La réaction de Bachelot est jugée "trop alarmiste" et la ministre de la Santé résilie finalement les commandes de 50 millions de doses.
Une commission d’enquête est mise en place à l’Assemblée nationale. Sa conclusion : le gouvernement et Roselyne Bachelot “n’ont pas résisté à la pression des laboratoires” et de leurs lobbies, dont les experts ont été imposés dans l’exécutif comme conseillers. “Le nombre de vaccins commandés est sans commune mesure avec le besoin effectif : on a commandé 94 millions de doses et seulement 7,8 millions ont été utilisées (...). Le laboratoire GSK a lancé un ultimatum en donnant une échéance à la commande des doses sous peine de ne pas les livrer. Le gouvernement a donc cédé au chantage de l’industrie pharmaceutique”, affirme François Autain, président de la commission d’enquête, qui évoque dans la presse des “liens incestueux”.
Quand Bachelot gratte la corde sensible du benfluorex avec son mediator
Une autre controverse rattrape Roselyne Bachelot après son départ du ministère de la Santé. Il s’agit de l’affaire Mediator, médicament composé de benfluorex dont la prise a entraîné, selon les magistrats “entre 3 100 et 4 200 hospitalisations pour insuffisance valvulaire”, “entre 1 700 et 2 350 chirurgies de remplacement valvulaire” et “entre 1520 et 2 100 décès”. Entre 1984 et 2010, plus de 134 millions d’unités ont été vendues. Les laboratoires Servier ont réalisé, pendant cette période, un chiffre d’affaires de près de 500 millions d’euros rien qu’avec la vente du Mediator. Entre 2002 et 2007, 3 millions de mois de traitement ont été délivrés. En mars 2021, Servier est finalement condamné à une amende de 2,7 millions d'euros pour “tromperie aggravée” et “homicides et blessures involontaires”. A la suite des appels du parquet et du laboratoire, un second procès est attendu.
Cette affaire éclate en 2010, plusieurs mois donc avant le départ de Roselyne Bachelot de l’avenue Duquesne et alors qu’elle est ministre de la Cohésion sociale. Elle affirme avoir pris toutes ses responsabilités pour retirer le Mediator dès que sa dangerosité a été constatée. “Immédiatement, l'Afssaps (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) est en alerte et va procéder à trois études (...) Les études du premier semestre 2009 vont permettre de détecter 40 cas liés au benfluorex”, explique-t-elle. Et d’ajouter : “La commission de pharmacovigilance se réunit et la commission d'autorisation de mise sur le marché prononce le retrait en novembre 2009”. Elle n’évoque jamais publiquement la question du Mediator ou sa dangerosité, bien que la première alerte ait eu lieu en 2008...
D'un média à l’autre, elle s’improvise figure de proue de la cabale contre France-Soir
Après un passage à la tête du ministère des Solidarités de 2010 à 2012, Roselyne Bachelot décide de mettre fin à sa carrière politique pour devenir animatrice et chroniqueuse. Durant cette parenthèse médiatique, elle fait parler d’elle en 2016 avec sa condamnation pour diffamation, après avoir accusé le joueur de tennis Raphael Nadal de dopage.
En 2020, elle est nommée ministre de la Culture par Emmanuel Macron, en pleine épidémie de Covid. Elle annonce “réaliser un rêve”, elle qui pourtant répétait sans cesse sur les plateaux TV quelques temps auparavant qu’un retour en politique serait “un cauchemar”. “Jamais, jamais”, affirmait-elle même. Malgré les moqueries suscitées par ce retour, Roselyne Bachelot reste populaire comme une star de télé, façon Hanouna sur C8.
Au ministère de la Culture, elle finit par défendre le pass sanitaire après s’y être opposée, rejetant même les critiques sur la baisse de fréquentation des lieux culturels conséquence de cette mesure jugée attentatoire aux libertés individuelles. Vaccinée contre le coronavirus, elle est testée positive et hospitalisée en mars 2021.
Celle qui a porté la loi Bachelot mettant en place de “super préfets sanitaires”, et qui a mené les travaux de la Charte de l’environnement, qui a doté le juge d’un “pouvoir considérable au nom du principe de précaution”, décide, cette fois-ci, d’exercer directement son autorité contre France-Soir. En février 2021, elle demande, en sa qualité de ministre de la Culture et de la Communication, de réexaminer le certificat d’IPG (information politique et générale) délivré à notre média en ligne et dont l’échéance est prévue en novembre 2022.
La Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a alors bien retiré à France-Soir son agrément de service de presse en ligne, sous prétexte que le média “était dépourvu du caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée”. France-Soir obtient finalement gain de cause en février 2023 auprès du tribunal administratif de Paris et retrouve son statut avec effet rétroactif.
Roselyne Bachelot quitte “sans regret” le ministère de la Culture en 2022, après un passage compliqué, où elle est passée “du rêve au cauchemar”. Outre les critiques liées aux conditions de déconfinement des établissements culturels, elle n’hésite pas, dans un livre paru cette année (682 jours, le bal des hypocrites, Plon), à régler ses comptes avec certains artistes “ingrats”.
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