Contre-offensive ukrainienne : Zelensky a “besoin de plus de temps” pour s'armer et promet à Poutine une “surprise”
GUERRE - La tant attendue contre-offensive Ukrainienne contre la Russie est-elle imminente ? “Nous avons besoin de temps supplémentaire”, a déclaré son président Volodymyr Zelensky dans une interview accordée à Eurovision News. Les forces ukrainiennes attendent “quelque chose”, comme la préparation des blindés livrés en pièces détachées au combat, pour “surprendre” Vladimir Poutine. Pour le chef du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, dont les troupes sont en premières lignes sur certains fronts, la contre-offensive ukrainienne bat déjà son plein. Le chef de la diplomatie britannique James Cleverly, dont le pays a livré des missiles Storm Shadow d’une portée de plus de 250 km à Kiev, alerte sur la possibilité que cette contre-offensive ne soit pas “décisive”.
L’Ukraine affirme depuis plusieurs mois se préparer à mener durant ce printemps une vaste offensive contre les troupes russes, notamment dans les territoires occupés dans l'est et le sud du pays. Dans une interview diffusée jeudi 11 mai 2023 par la BBC, Zelensky a déclaré que son pays avait finalement “besoin de plus de temps”. Si les troupes entraînées par l’OTAN “sont prêtes”, Kiev préfère pouvoir compter sur les chars et blindés livrés en pièces détachées par les Occidentaux.
“Nous pouvons aller de l’avant avec ce que nous avons déjà”, a-t-il affirmé. “Je pense que cela sera une réussite. Mais nous subirons beaucoup de pertes humaines et je pense que cela est inacceptable. Nous devons donc attendre”, poursuit le président ukrainien.
Contre offensive retardée mais inévitable
Quand est-ce que cette offensive tant attendue sera-t-elle lancée ? C’est un secret. "Je ne suis pas prêt à communiquer avec vous, à vous dire quand nous avancerons, parce que je pense que vous me comprenez. Car, dans une certaine mesure, cela prépare l'ennemi. Et donc, j'aimerais que ce soit une surprise désagréable, et non l'inverse”, a-t-il déclaré.
Zelensky s’est dit “confiant” quant aux avancées que son armée pourrait réaliser. Si la contre-offensive contre les forces russes est officiellement repoussée à une échéance ultérieure, elle semble inévitable pour le président ukrainien, désirant éviter un “conflit gelé” qui profiterait à Moscou.
Un échec ou des résultats mitigés de cette opération pourraient signifier une baisse des aides militaires de la part des Occidentaux, qui feraient pression sur Kiev pour entamer des négociations avec Poutine. Celles-ci porteront indéniablement sur des concessions de territoires. "Ils ne peuvent pas faire pression sur l'Ukraine pour qu'elle cède des territoires. Pourquoi n'importe quel pays du monde devrait-il donner son territoire à Poutine ?", dit-il.
Interrogé sur un possible échec de Joe Biden à sa propre succession en 2024, Zelensky a affirmé que l’Ukraine bénéficie du soutien des deux partis du Congrès américain. Mais “qui sait où nous en serons d’ici là ? Je crois que nous gagnerons”.
Une opération peu décisive ?
Les déclarations ambiguës du président ukrainien, qui reconnaît un besoin de temps supplémentaire de son armée tout en exprimant sa confiance, contraste avec l’attitude des autorités ukrainiennes qui tentent de réduire les attentes d’une telle opération d’envergure. Selon la BBC, un responsable du gouvernement dont l’identité n’a pas été dévoilée a déclaré que les hauts dirigeants du pays "ont compris qu'ils devaient réussir" mais que cette attaque ne devait pas être considérée comme une "solution miracle" dans une guerre qui entame son 15e mois.
Un constat partagé par le chef de la diplomatie britannique James Cleverly, qui a appelé à la prudence quant aux résultats de cette offensive. S’il a plaidé un soutien de long terme à l'Ukraine afin de l’aider à combattre les forces russes, il a mis en garde contre une attente “irréaliste”.
“Les Ukrainiens se sont montrés très, très efficaces pour défendre leur pays mais force est de reconnaître qu'il n'y aura peut-être pas de percée simple, rapide, décisive”, a-t-il déclaré devant le centre de réflexion Atlantic Council. “Nous devons être réalistes. C'est le monde réel, pas un film d'Hollywood”.
Outre l’assemblage des blindés réceptionnés, l’Ukraine mise-t-elle sur la réception de nouvelles armes qu’elle ne cesse de réclamer aux Occidentaux pour donner le coup d’envoi ? L’accent est particulièrement mis sur la défense aérienne. “Si nous pouvons attaquer à une distance allant jusqu'à 300 kilomètres, l’armée russe ne sera plus en mesure de défendre” ses positions, estime le ministre de la Défense, Oleksii Reznikov, garantissant que ces missiles ne seront pas utilisés sur le sol russe. Jusque-là frileux à doter Kiev de missiles de longue portée, les Occidentaux ont multiplié ces derniers jours les annonces de livraisons.
Financer l'acquisition de missiles plutôt que de les livrer
Jeudi, la Grande-Bretagne a annoncé la livraison de ses missiles Storm Shadow, d’une portée de plus de 250 kilomètres. Le Secrétaire d’État à la Défense, Ben Wallace, a estimé que ces missiles donneront à Kiev “de meilleures chances” pour se défendre. Développés pour des avions de combat européens comme le Rafale, le Mirage 2000 ou encore l’Eurofighter Typhoon, les Storm Shadow devront quand même être adaptés aux chasseurs de conception soviétiques utilisés par l’aviation ukrainienne, selon Ben Wallace.
L’Ukraine pourra s’en procurer grâce à l’aide européenne d’un milliard d’euros, qui servira à “se fournir d’obus d’artillerie de calibre 155 mm et, sur demande, de missiles qui seront achetés conjointement par les États membres de l’UE auprès de l’industrie européenne de la défense”. Les États-Unis ont annoncé au même moment une nouvelle aide militaire à d’un montant de 1,2 milliard de dollars pour renforcer la défense aérienne de Kiev.
Tout comme les missiles financés par l’UE, cette aide ne peut servir immédiatement sur le champ de bataille, tout comme les chars Abrams annoncés en mars, ne provenant pas des stocks américains déjà mis à contribution. Des stocks mis à rude épreuve par cette guerre, d’autant plus que “l’OTAN doit envisager la possibilité d’une confrontation directe avec la Russie, et les États-Unis doivent se préparer à une action militaire en Asie et au Moyen-Orient”, rappelle l’ancien diplomate américain Richard N. Haass.
Si le président Zelensky dit avoir officiellement “besoin de plus de temps” pour se préparer la contre-offensive ukrainienne, l’un de ses adversaires sur le terrain, Evguéni Prigojine, chef du groupe Wagner, affirme que la riposte de Kiev a bel et bien commencé, notamment autour de Bakhmout, où cette milice a enregistré de lourdes pertes.
L’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW) affirme que les forces ukrainiennes ont mené une contre-attaque “réussie” au sud-ouest de Bakhmout, théâtre depuis des mois de la bataille la plus longue et la plus meurtrière depuis le début de la guerre. La vice-ministre de la Défense ukrainienne a affirmé ce vendredi 12 mai avoir repris jusqu'à deux kilomètres de territoire autour de cette ville.
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