Défense : par manque de coopération militaire, les grands pays européens prennent du retard
L’annonce a été décrite comme historique par Paris et Berlin: le futur avion de combat qui équipera l’armée française et la Bundeswehr allemande sera conçu conjointement par Airbus et Dassault (voir ici) jusque-là concurrents. Le but? Construire, à partir de 2025, ce qui sera le "Système de combat aérien du futur européen (Scaf)" à l'horizon 2040. Et espérer, notamment pour l’Allemagne, rattraper le retard accumulé depuis presque vingt ans.
Car c’est peu dire que l’Allemagne, dans l’hypothèse d’un futur axe de défense Paris-Berlin, n’est pas au niveau. La Bundeswehr, forte de 178.000 hommes, est dépassée par l’obsolescence d’une partie de son matériel. Tanks Leopard 2 hors d’usage, entreprises privées assurant la formation des pilotes faute d’hélicoptères suffisants en état de marche et maintenance qui ne suit pas, l’armée allemande a même dû annuler des opérations au Mali ou en Syrie faute de matériel.
L’annonce Airbus/Dassault est donc un signe positif, celui de la promesse d’une modernisation, mais qui ne devra pas attendre 2040. Les autres puissances militaires, elles, creusent leur écart avec le Vieux Continent. Alors que la Chine a par exemple installé sa première base à l’étranger en 2017 (à Djibouti), Pékin s’est lancé dans la construction d’un porte-avions nucléaire avec l’objectif qu’il soit opérationnel en 2025. La Russie, elle, a profité de son déploiement en Syrie pour accélérer son programme d’innovations militaires. Vladimir Poutine lui-même se félicitait de l’utilisation de 215 nouvelles armes grâce au conflit syrien, chiffre difficilement vérifiable.
L’Europe, elle, décroche. Si la France n’est pas la plus mal lotie, d’autres de ses puissances s’inquiètent. Le Royaume-Uni, puissance militaire historique et membre du Conseil de sécurité de l'ONU voit même les signaux d’alerte clignoter. En janvier, le chef d’Etat-major de l’armée britannique Nick Carter a, dans un discours devant les membres du think tank Royal United Services Institute, expliqué que son pays ne serait bientôt "plus en mesure" de s’opposer avec succès à un déploiement militaire russe sur un champ d’opération si la faiblesse des moyens accordés à la défense se poursuit.
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Des affaiblissements qui soulignent aussi cruellement les retards pris par l’Europe de la défense même si, en novembre 2017, 23 Etats se sont engagés par la signature d'une "coopération structurée permanente" (CSP) a développer leurs programmes de défense en commun. Comme une tentative de ressusciter la Communauté européenne de défense, premier projet commun en ce sens dans les années 1950 et rapidement mort-né.
A l’inverse, la Russie joue la carte du développement militaire massif et n’hésite pas à mettre en scène, sur un ton presque menaçant, ses avancées supposées. Les observateurs ont encore en mémoire la présentation le 1er février faite par Vladimir Poutine (avant sa réélection), à grands renforts d’animations menaçantes, de son missile intercontinental Sarmat pouvant frapper n’importe où. Et pas seulement les positions anti-régime en Syrie. A ces moyens traditionnels s’ajoutent le développement des capacités de cyberguerre, que ce soit au niveau défensif avec le système GosSOPKA ou à l’offensive avec l’utilisation, plus trouble mais décortiquée par les médias occidentaux, d’équipes de hackers oeuvrant pour le compte du Kremlin.
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Mais depuis la nouvelle élection sur un plateau de Vladimir Poutine, le discours évolue. De martial l’hiver dernier, les apparences sont à la volonté d’apaisement depuis la confirmation d’un nouveau mandat. Dernier exemple marquant: la réaction russe aux frappes françaises, américaines et britanniques en Syrie en rétorsion à l’attaque chimique sur la Ghouta. La Russie a critiqué, sans surprise, cette démarche en jouant la carte du "pacifisme intéressé". Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choigou, a déploré "(d)es frappes menées sur la Syrie (qui) sont survenues au moment le plus mauvais et le plus inopportun, lorsque la normalisation de la situation en Syrie était déjà un phénomènene irréversible". Il rappelait au passage le message officiel: la Russie est le principal partisan de la paix dans la région en étant l’un des instigateurs du processus d’Astana. Un message qui commence à trouver un écho dans les pays occidentaux les moins hostiles à un règlement du conflit en faveur du régime de Damas soutenu par Moscou, comme la Hongrie, la Slovaquie et surtout l’Autiche qui prendra le 1er juillet prochain la présidence tournante de l’Union européenne.
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