Espagne : les "stéréotypes sexistes" désormais interdits dans les publicités sur les jouets
En Espagne, le code d'éthique sur la publicité non-sexiste pour les jouets est entré en vigueur jeudi 1er décembre. Depuis le début du mois, les publicités se veulent désormais neutres : aussi, il n'est désormais plus possible, par exemple, de voir à la télévision des poupées exclusivement dans les bras des petites filles ou encore des voitures uniquement destinées aux garçons. Une loi qui suscite le débat et la polémique au-delà des frontières espagnoles, notamment sur le rôle de l'État dans la gestion de la vie privée des citoyens.
Selon une étude sur les stéréotypes et les rôles de genres dans la publicité pour les jouets (Instituto de la Mujer, 2020), 38,5 % des publicités pour les jouets présentent les filles comme des archétypes féminins de beauté ou de soignant et de mère/épouse de référence, 11 % sexualisent les jeunes filles, tandis que 50 % de celles destinées aux garçons le font avec l'activité de pilote, de policier ou de militaire.
Le but du nouveau code d'autorégulation signé en avril dernier entre l'agence de la consommation (Consumo), l'Association espagnole des fabricants de jouets (AEFJ) et le centre Autocontrol, est d'éviter l'association exclusive de jouets qui “reproduisent des rôles“. Il s'adresse aux publicités récemment produites destinées aux enfants de moins de 15 ans, avec une attention particulière pour la tranche d'âge de zéro à sept ans. Le motif invoqué : leur plus grande vulnérabilité. Si une publicité enfreint les nouvelles règles, elle devra être retirée. Certaines associations de consommateurs estiment que cette question devrait être réglementée par la loi et assortie de sanctions pour ceux qui ne s'y conforment pas.
Des codes publicitaires stricts
Les codes précédents incluaient ces questions, mais celui-ci a été renforcé. Il comprend également des recommandations pour l'inclusion des enfants à capacités réduites et des enfants d'ethnies différentes. Ce nouveau code remplace donc celui de 2005 et comprend 64 mesures établies entre le gouvernement et l'industrie de la publicité et du jouet pour éviter les “préjugés sexistes“ en évitant de projeter des rôles tels que les soins, le ménage ou la beauté pour les filles, et l'action, l'activité physique ou la technologie pour les garçons. Les jouets ne sont plus présentés de manière explicite ou tacite à destination de l'un ou l'autre sexe, et aucune association de couleurs ne doit être faite (comme le rose pour les filles et le bleu pour les garçons).
Comment ces publicités sont-elles contrôlées ?
Selon Maite Francés, directrice du marketing de l'AEFJ, les fabricants doivent envoyer la publicité au centre Autocontrol, un organisme indépendant d'autorégulation de la publicité : "Cet organisme applique le nouveau code et émet un avis, s'il est positif la publicité est diffusée, s'il est négatif, elle ne peut pas être diffusée, ou il peut exiger que des modifications soient apportées avant qu'elle ne soit diffusée".
En outre, poursuit Francés, une fois les publicités diffusées, il existe un contrôle a posteriori par le biais de la Commission de contrôle de la publicité pour les jouets. "Elle est présidée par la direction générale de la consommation, et les fabricants de jouets, les annonceurs et la Commission nationale des marchés et de la concurrence sont présents, et là, ils nous font part des cas qu'ils détectent et peuvent demander la correction ou le retrait des campagnes a posteriori. Il est déjà arrivé que des campagnes soient retirées même en plein Noël". Les particuliers peuvent également se plaindre auprès du centre Autocontrol s'ils considèrent qu'une publicité enfreint les règles.
Un code d'autorégulation soutenu par les principaux partis politiques espagnols
Contre toute attente, la droite P.P (Partido Popular) et les centristes (Ciudadanos) se sont ralliés au gouvernement socialiste de Pedro Sanchez (PSOE) en faveur du nouveau code d'autorégulation. En avril 2022, le PP a lui-même proposé d'interdire les publicités pour les jouets qui véhiculent des “stéréotypes de genre“. Il s'agissait d'une proposition faisant partie des 79 amendements enregistrés au projet de loi générale sur la communication audiovisuelle.
Concrètement, le groupe populaire proposait la modification de l'article 122 de la loi, qui établit que les communications commerciales ne peuvent pas produire de "dommages physiques, mentaux ou moraux aux mineurs" ou s'engager dans une série de conduites, entre autres, celles qui favorisent la discrimination entre hommes et femmes. Sur ce point, le PP proposait d'ajouter "en particulier, les comportements qui favorisent la présence de stéréotypes de genre dans les vidéos publicitaires de jouets".
Seul le parti de droite radicale Vox a critiqué la campagne institutionnelle d'avril, fustigeant le choix du PP et Ciudadanos de reprendre le “discours de genre“ du PSOE.
Un code qui se veut une référence au niveau européen
L'accord entre l'agence de la consommation (Consumo) et l'AEFJ a été signé en avril, mais il entre en vigueur maintenant. En décembre, les ministres du gouvernement socialiste Garzón et Irene Montero (Égalité) ont signé un article dans El País pour lutter contre ces stéréotypes dans le secteur du jouet.
Comme l'a expliqué le ministre Alberto Garzón à l'époque, le code vise à devenir "une référence au niveau européen" : "Lorsque, dans les publicités, le garçon reçoit le jouet d'action et la fille le bébé dont elle doit s'occuper, nous leur indiquons le travail et la position sociale que nous attendons d'eux", a-t-il déclaré. Avec cet outil, les publicités seront "plus égalitaires, véridiques et constructives, qui sont des aspects fondamentaux pour la protection et le développement des enfants", a-t-il conclu.
Une polémique au-delà des frontières
Le thème des "jouets non-genrés" est cependant repris au-delà des frontières espagnoles. C'est le cas en France lors de la période qui a précédé Noël où l'on se demande si l'administration doit influer sur la stratégie marketing des fabricants de jouets, si l'État doit prendre position sur des questions qui relèvent de la vie intime et privée, ou encore s'il est nécessaire ou non de faire une distinction des sexes dès le plus jeune âge.
En Italie, un article du psychologue Emiliano Lambiase dans Il Timone (n° 223, décembre 2022) explique très clairement qu'il ne faut pas diaboliser les cadeaux. Ce dernier soutient que les recherches scientifiques de ces dix dernières années ont montré de diverses manières que des différences existent entre garçons et filles, confirmées par des méthodes de recherche ou des analyses statistiques de plus en plus sophistiquées.
Selon ses recherches, les filles se divertissent avec des jeux du type verbal et stimulant, tandis que les garçons jouent à des jeux plus actifs et physiques. En outre, les garçons et les filles ont tendance à préférer jouer avec des camarades du même sexe. Pour Emiliano Lambiase il n'y a pas de "rôle de genres" et la préférence des enfants pour les jouets "genrés" à des racines biologiques.
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