Euronews : Un tiers des fonds ayant servi au rachat de la chaîne en 2022 provient de la Hongrie
Un tiers des fonds du rachat de la chaine d’information européenne Euronews en 2022 par un fonds d’investissement portugais provient de la Hongrie, ou, plus particulièrement, des proches de son Premier ministre, Viktor Orbàn.
L’information, jusque-là confidentielle, a été révélée la semaine passée par des médias européens. La transaction de 170 millions d’euros, autorisée par le ministère de l’Économie à l’époque, a pu se réaliser grâce à plus de 60 millions d’euros de capitaux issus à deux entreprises hongroises, dont les dirigeants seraient connus pour leurs connexions avec leur Premier ministre.
Face à des dizaines de millions d’euros de pertes annuelles, Euronews, propriété depuis 2015 de l’homme d’affaires égyptien Naguib Sawiris, a été mise en vente en 2021. Le rachat est acté en 2022 par un fonds d’investissement portugais, qui a acquis une part majoritaire et qui est présidé par un certain Pedro Vargas David. S’ils étaient vraisemblablement connus pour être lui et son père des proches de Viktor Orban, la transaction “paraissait louche” pour des employés de la chaine d’information.
Plus de 60 millions d’euros proviennent de Budapest
Ces doutes ne concernaient pas la provenance des fonds mais la personnalité du PDG d’Alpac, dont le siège est au Portugal. “Nous lui avons posé des questions directes, il se disait européen convaincu et affirmait qu’il n’avait pas de connexion avec Viktor Orban, qu’il pouvait prendre des décisions sans son père”, témoigne un employé.
Deux ans après cet achat, le siège de la chaine a été transféré de Lyon à Bruxelles en Belgique et les services de langues ont été délocalisés dans des antennes locales à travers le continent.
Vendredi dernier, le média hongrois Direkt 36, qui a mené l’enquête avec un journal portugais et Le Monde, a révélé que le fonds d’investissements portugais a reçu des capitaux hongrois, c’est-à-dire le tiers des 170 millions d’euros mis sur la table. Plus précisément, 48 millions d’euros étaient issus du “fonds d’investissement souverain hongrois”, nommé Széchenyi, et 12,5 millions d’euros par une entreprise de communication, qui appartiendrait à un proche du Premier ministre hongrois.
Le fonds Széchenyi, placé sous la tutelle d'une fondation présidée par le ministre de l'Economie Mihaly Varga, appartient à l’État et cette participation s’est ainsi faite avec l’argent public. Interrogé par l'AFP, Bertalan Havasi, attaché de presse de Viktor Orban, a affirmé que le gouvernement hongrois n'était “pas au courant” de cet accord.
La révélation a été faite après que des journalistes aient eu accès à un document classé confidentiel par Budapest. Selon les médias à l’origine de cette enquête, une “présentation PowerPoint du fonds Széchenyi, classée ‘strictement confidentiel’, mentionne explicitement que l’un des objectifs du rachat d’Euronews, qualifié de ‘7e marque la plus influente sur les politiques de l’UE’, est ‘d’atténuer les biais de gauche dans le journalisme’”.
La ligne éditoriale reste “indépendante”
Pourtant, le PDG de la chaîne, Guillaume Dubois, qui a pris ses fonctions en juin 2022 à Lyon, a affirmé “ne pas savoir que des entités hongroises” ont participé au rachat d’Euronews. Quant à la participation hongroise et des inquiétudes qu’elle suscite chez les syndicats du fait des critiques émises contre Viktor Orban dans la gestion des médias en Hongrie, M. Dubois a assuré que la chaine restait indépendante.
Une information confirmée par des journalistes de la chaine, qui ont affirmé ne pas avoir constaté une influence éditoriale sur les sujets liés à Budapest. Les syndicats ont toutefois dénoncé les contrats publicitaires conclus avec des pays comme l'Azerbaïdjan et l'Arabie saoudite, ce qui, de leur avis, affectera la ligne éditoriale de la chaine.
Si la révélation de la participation de Budapest dans le rachat d’Euronews surprend plus d’un, elle suscite surtout des appréhensions. Depuis de nombreuses années, Viktor Orban est critiqué par l’Union européenne (UE), qui lui reproche un non-respect de l’État de droit et lui bloque, en conséquence, 20 sur 30 milliards d’euros destinés à la Hongrie.
Pour un salarié de la chaine, les capitaux hongrois mettent en danger l’avenir d’Euronews, qui “a besoin de fonds européens pour préserver son indépendance éditoriale. Car, sans ces fonds, nous n’avons plus d’audit annuel de la Commission européenne et cela laisserait libre cours aux intérêts d’Orban pour influencer la direction d’Euronews”. estime-t-il auprès de la Tribune de Lyon.
Si les 60 millions d’euros ont permis à Euronews de subsister, ils n’empêcheront pas une nouvelle restructuration. Après le licenciement de près de 200 employés en 2023, d’autres départs sont prévus entre octobre et décembre prochains.
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