Hong Kong : début du procès historique du magnat Jimmy Lai
MONDE - Le procès du magnat pro-démocratique Jimmy Lai s'est ouvert lundi 18 décembre à Hong Kong. Il est accusé d'atteinte à la sécurité nationale et pourrait être condamné à la prison à vie. Les États-Unis et le Royaume-Uni réclament sa libération.
Le procès actuel de Jimmy Lai à Hong Kong revêt une importance historique en mettant à l'épreuve deux piliers fondamentaux que la Chine s'est engagée à respecter durant 50 ans, après le retour, en 1997, de l'ancienne colonie britannique sous son autorité : la liberté de la presse et l'indépendance de la justice.
Le premier principe a subi un sérieux revers avec la fermeture de médias critiques au régime, parmi lesquels figure le journal fondateur de Lai, l'Apple Daily. Le second principe montre des signes de dérive vers un contrôle accru du pouvoir judiciaire, aligné sur le modèle prévalant dans le reste de la Chine. De nombreuses condamnations ont été prononcées à l'encontre d'activistes ayant participé à des manifestations en faveur de la démocratie en 2019. Mais celui qui se retrouve aujourd'hui sur le banc des accusés est un gros poisson, un homme d'affaires milliardaire, mécène de nombreux mouvements politiques et étudiants qui ont lutté dans la rue pour les libertés.
Jimmy Lai, 76 ans, est en détention dans une prison de haute sécurité depuis décembre 2020, subissant un isolement sévère, 23 heures par jour. Bien qu'il ait déjà été condamné pour rassemblement illégal et fraude, son procès, ouvert lundi 18 décembre, revêt une importance particulière, puisqu’il est accusé, première à Hong Kong, de "collusion avec des forces étrangères", un délit pouvant entraîner une peine de prison à vie en vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin. Cette loi a effacé une grande partie de l'autonomie promise à Hong Kong selon le principe du : "Un pays, deux systèmes".
Le symbole des manifestations de 2019
Les manifestations qui ont secoué la ville en 2019, et qui se sont transformées en une spirale de destruction et d'affrontements entre les manifestants et la police anti-émeute, se sont caractérisées par l'absence d'un leader clair. Pour Pékin et l'exécutif local, Jimmy Lai, qui possède la nationalité britannique, était une cible évidente car il était le militant le plus en vue, le plus puissant et le plus influent à l'étranger.
L'homme d'affaires a même rencontré le vice-président américain de l'époque, Mike Pence, et le secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères, Mike Pompeo, pour expliquer le projet de loi sur l'extradition qui a déclenché les protestations. Pour ces réunions (entre autres), il est accusé de collusion avec des forces étrangères pour mettre en danger la sécurité nationale. Une accusation qui s'inscrit dans le cadre d'une affaire de "conspiration" dans laquelle il est également accusé de "publication de matériel séditieux" et d'"incitation à la haine publique contre les autorités".
Un procès très attendu qui suscite des inquiétudes sur la transparence judiciaire
Tout le monde à Hong Kong connaît l'histoire de Jimmy Lai, pauvre garçon installé clandestinement dans la ville à l'âge de 12 ans, ayant travaillé dans une usine de vêtements, puis fondé sa propre marque avant de se lancer dans la construction d'un empire médiatique. C'est pourquoi les médias attendaient beaucoup de l'arrivée de Lai au tribunal de West Kowloon, lundi 18 décembre au matin.
La presse locale a indiqué que 388 sièges avaient été réservés pour la presse et le public. On se battait donc pour suivre de près ce procès devant la Haute Cour qui devrait durer environ 80 jours.
Robert Pang, l'un des avocats de l'accusé, s'est dit préoccupé par le "manque de transparence dans la nomination des juges", en particulier des trois juges qui ont été directement approuvés par le chef de l'exécutif de Hong Kong, favorable à Pékin. L'équipe du magnat a affirmé qu'on lui avait refusé le choix de sa représentation juridique, Lai ayant voulu nommer un avocat britannique.
Appels internationaux à la libération de Jimmy Lai
"Je suis très préoccupé par toute personne faisant l'objet de poursuites au titre de la loi sur la sécurité nationale, et je suis particulièrement inquiet des poursuites à motivation politique engagées contre le citoyen britannique Jimmy Lai", a déclaré dimanche 17 décembre le ministre britannique des affaires étrangères, David Cameron, qui a demandé la libération de l'homme d'affaires.
Six mois après la détention de Lai en 2020, le journal qu'il avait fondé, l'Apple Daily, a fermé ses portes lorsque les autorités ont gelé 2,3 millions de dollars de ses actifs et fouillé ses bureaux, arrêtant certains de ses principaux rédacteurs et cadres sous l'accusation de collusion avec des puissances étrangères. Lai est l'un des 250 militants et législateurs qui ont été détenus en vertu de la loi sur la sécurité nationale.
David Cameron, a vivement critiqué la poursuite de Jimmy Lai, journaliste et rédacteur en chef, dénonçant la violation manifeste de la déclaration sino-britannique par la Chine. Il a appelé à l'abrogation de la loi sur la sécurité nationale et à la fin des poursuites.
Le département d'État américain a également demandé la libération de Lai, soulignant que les actions répressives portent atteinte à la liberté de la presse et affaiblissent les institutions démocratiques de Hong Kong. Le procès de Lai, fortement médiatisé, a mobilisé plus de 1 000 agents de police, suscitant des critiques sur son caractère spectaculaire. Sébastien Lai, le fils de Jimmy Lai, a déclaré que son père est puni pour avoir défendu les libertés de Hong Kong.
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