L’UE force la main à Viktor Orbán et vote une aide financière de 50 milliards d’euros à l’Ukraine
MONDE - Face à une immense pression et des menaces à peine voilées, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán lâche du lest et lève son veto à une aide européenne de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine, après des semaines de tractations. Si les dirigeants européens comme Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron se félicitent de l’issue des négociations, Viktor Orbán justifie sa décision par le fait que les 26 autres Etats membres de l’UE envisageaient malgré ce véto d’acheminer leur aide à Kiev tout en privant Budapest de son aide budgétaire, bloquée par Bruxelles.
Le Premier ministre hongrois s’est opposé, en décembre dernier, à un financement de l'UE pour l'Ukraine, peu après s’être opposé à une ouverture des négociations d’adhésion de Kiev à la communauté européenne. “Veto aux fonds supplémentaires à l’Ukraine, veto à la révision du budget pluriannuel européen, nous reviendrons sur la question l’an prochain après des préparatifs appropriés”, avait-il annoncé.
L’UE fait chanter la Hongrie
Les 26 autres membres ont alors décidé de reprendre les discussions à l’occasion d’un sommet “en début de l’année” 2024, décision prise en l’absence de Viktor Orbán. Ce dernier a expliqué sa position par la volonté de son pays de ne pas “partager la responsabilité” de ce financement, jugé “insensé”.
La principale de ces conditions est le déblocage de la totalité des fonds européens pour son pays. “J’ai toujours dit que si on procédait à un amendement du budget de l’UE, la Hongrie saisirait l’occasion pour revendiquer clairement ce qu’elle mérite. Pas la moitié, pas un quart, mais la totalité”, avait-il martelé. Ces fonds s’élèvent à 30 milliards d’euros que Bruxelles bloque en raison de ses doutes quant au non-respect de l'Etat de droit en Hongrie.
Face à l'intransigeance de Viktor Orbán, l’UE a envisagé de prendre des mesures contre l’économie hongroise. C’est le Financial Times qui a révélé cette information fin janvier, suggérant que l'Union européenne envisageait même de "mettre en péril" la monnaie hongroise et de provoquer un "effondrement de la confiance des investisseurs" en réponse à l'opposition de Budapest, la capitale estimant alors que “l’Union européenne n’est pas du tout une communauté démocratique”.
Le pari du Premier ministre hongrois était de tenir jusqu’aux élections européennes, prévues en juin prochain, en misant sur une percée des partis hostiles à l’UE. D’autant plus que l’ouverture en décembre des négociations sur l’Ukraine, son adhésion à la communauté ainsi que l’octroi d’une aide financière, a permis la levée du gel de 10 des 30 milliards auxquels Budapest estime avoir droit.
Les dirigeants européens brandissaient alors la menace de retenir encore les 20 milliards restants. Mais Viktor Orbán ne cédait pas. Jeudi 1er février, le Premier ministre hongrois rencontrait Emmanuel Macron, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, ainsi que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Le pari perdu d’Orban
Un accord à vingt-sept a finalement été trouvé le matin même du jeudi. Le compromis prévoit la rédaction d'un rapport annuel sur l'utilisation des fonds en faveur de Kiev et la possibilité pour les leaders de demander à la Commission une “revue” dans deux ans. Orbán exigeait une révision annuelle de l’utilisation de ces aides, mais les dirigeants européens souhaitaient surtout donner une prévisibilité à Kiev.
“Cet accord garantit un financement stable, prévisible et à long terme pour l'Ukraine”, s'est félicité Charles Michel, président du Conseil européen. Emmanuel Macron a réagi en affirmant que “la Russie ne peut pas compter sur une quelconque fatigue des Européens dans leur soutien à l'Ukraine”. La Hongrie “n'a pas eu de cadeau”, a-t-il ajouté. Ursula von der Leyen s’est réjouie d’un “bon jour pour l’Europe”.
Cette aide, composée de 33 milliards d'euros de prêts et de 17 milliards de dons, est ainsi incluse dans une rallonge du budget de l’UE sur 2024-2027. Pour des dirigeants européens, il s’agit aussi d’un “signal” aux États-Unis, dont l’aide à l’Ukraine est bloquée par le Congrès.
Viktor Orbán s’est ainsi retrouvé au pied du mur. “Si cet accord n’avait pas été conclu et si la Hongrie avait continué à utiliser son veto, les 26 États membres de l’UE auraient quand même acheminé de l’argent vers l’Ukraine, ce que je n’ai pas pu arrêter, et ils auraient pris les fonds destinés à la Hongrie pour les envoyer également en Ukraine”, a-t-il expliqué. Les ambassadeurs européens avaient effectivement travaillé sur un mécanisme intergouvernemental à 26, pour maintenir leur soutien à Kiev.
“L’Occident continue de croire que le temps est de son côté, de notre côté. Mais c’est l’inverse : le temps joue en faveur des Russes. Plus la guerre durera, plus il y aura de morts et l’équilibre des pouvoirs ne changera pas en faveur de l’Ukraine”, déplore-t-il.
Les États membres de l’UE prévoient également une nouvelle salve de sanctions contre Moscou, à l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine. Il s’agira du treizième paquet ! Il comportera essentiellement des mesures visant à lutter contre le contournement des précédentes sanctions.
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