Le ministre de l’Économie brésilien juge la France "insignifiante"
"Vous avez intérêt à bien nous traiter, sinon on va vous envoyer vous faire foutre", a lancé à l'encontre du gouvernement français le ministre de l’Économie brésilien Paulos Guedes, le 9 août, menaçant de se détourner du marché français si Paris ne cessait pas ses critiques sur la déforestation en Amazonie. Ce ministre clef du gouvernement du président Jair Bolsonaro a également mis sur le même plan l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en 2019, et ceux qui ravagent la forêt amazonienne. Des dissensions politiques entre le gouvernement d'Emmanuel Macron et Brasília qui ne datent pas d'hier...
"Vous devenez insignifiants pour nous"
Ce mardi 9 août, le ministre de l’Économie brésilien Paulo Guedes a lourdement critiqué la France, affirmant qu’elle était en train de devenir "insignifiante". Agacé par les commentaires de Paris sur la déforestation en Amazonie, il a mis dans la balance les échanges commerciaux entre les deux pays et comparé l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019 avec les feux qui ravagent la forêt amazonienne.
"Vous avez intérêt à bien nous traiter, sinon on va vous envoyer vous faire f*****"
— BFMTV (@BFMTV) August 11, 2022
Critiqué par Paris sur la déforestation, un ministre brésilien juge la France "insignifiante" pic.twitter.com/k6ib0v2CdK
Le ministre brésilien raconte : "Un jour, un ministre français m'a dit : “Vous êtes en train de brûler la forêt”. Sans toutefois préciser de quel ministre il parlait, il déclare : "Je lui ai répondu : “"Et vous, vous avez brûlé Notre-Dame !", ajoutant : "Ce sont des accusations futiles ! Vous n'avez pas brûlé Notre-Dame, mais vous n'avez pas réussi à empêcher le petit pâté de maisons (où se trouve la cathédrale) de prendre feu. Chez nous, (la forêt amazonienne) est plus grande que l'Europe et vous nous critiquez".
Et de poursuivre : "Après, j'ai donné un autre exemple (au ministre) : “Nos échanges commerciaux avec vous (la France) s'élevaient à 2 milliards de dollars en 2000, autant que la Chine. Aujourd'hui, c'est 7 milliards avec vous et 120 milliards avec la Chine. Vous devenez insignifiants pour nous”.
Dans son discours de mardi, Paulo Guedes a également fustigé l'opposition d'Emmanuel Macron à la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur (qui regroupe Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), questionnant l'engagement du Brésil à lutter contre la déforestation et les incendies en Amazonie. "Ou la France nous ouvre son marché, à nous et au Mercosur, ou elle deviendra insignifiante pour nous et on ira voir ailleurs", a-t-il martelé.
Si ces propos peuvent annoncer les préludes d'une nouvelle crise diplomatique entre le Brésil et la France, les gouvernements d'Emmanuel Macron et de Jair Bolsonaro n'en sont pas à leur première passe d’armes.
Les ONG pourraient être responsables des feux de forêts, selon Bolsonaro
En 2019, les relations entre Paris et Brasília étaient déjà houleuses. Paulo Guedes s’était fait remarquer médiatiquement en qualifiant Brigitte Macron de femme "vraiment moche". De son côté, le président brésilien Jair Bolsonaro avait accusé son homologue français Emmanuel Macron de "menacer la souveraineté" du Brésil : "Il "m'a traité de menteur et à deux reprises a dit que la souveraineté [brésilienne sur] l'Amazonie devait être relativisée."
Lorsque les feux ont ravagé la forêt amazonienne en 2019, qui, aujourd’hui, continuent de brûler, Jair Bolsonaro avait mis en cause la possible responsabilité des organisations non gouvernementales (ONG) dans les feux de forêt qui sévissent dans la région afin d'"attirer l'attention" sur la suspension par Brasilia des subventions à la préservation de la forêt. Devant des journalistes, il avait lancé le 21 août 2019 : "Il pourrait s'agir, oui, il pourrait, mais je ne l'affirme pas, d'actions criminelles de ces 'ONGéistes' pour attirer l'attention contre ma personne, contre le gouvernement brésilien. C'est la guerre à laquelle nous sommes confrontés".
"On a retiré l'argent aux ONG. Elles recevaient 40 % des subventions venant de l'étranger. Elles ne les ont plus. On a aussi mis fin aux subventions publiques" aux ONG, expliquait-il alors. "Le feu, apparemment, a pris dans des lieux stratégiques. Même vous pourriez aller filmer dans tous les lieux où cela brûle, et envoyer [vos vidéos] à l'étranger", avait-il soutenu devant les journalistes, confiant ses soupçons : "Parce que tout indique qu'ils sont allés là-bas pour filmer des incendies. C'est ce que je ressens".
Alors qu’une multiplication d’incendies enflamme la forêt amazonienne depuis 2018, trois associations ont porté plainte contre EDF en mai dernier, l’accusant de négligence dans la prévention de ces feux de forêt.
EDF accusée de jouer un rôle dans des feux de forêt en Amazonie
En mai 2022, un juge brésilien a réclamé des explications à Emmanuel Macron après des plaintes concernant des dégâts environnementaux près d’une centrale hydroélectrique contrôlée par EDF, accusée de tenir une responsabilité dans les incendies ravageant "le poumon de la planète". En effet, la centrale EDF est implantée dans une zone où les incendies se sont multipliés depuis 2018, près de Sinop, une ville de 150 000 habitants. Le juge brésilien a demandé au président français de se prononcer "sur le rôle de Sinop Energia", dont EDF possède 51 % des actions, "dans les impacts sur l’environnement au Brésil".
De son côté, Sinop Energia, responsable de la construction et de l’exploitation de la centrale hydroélectrique de Sinop (UHE), a assuré à l’AFP avoir "respecté rigoureusement la législation brésilienne et rempli toutes les exigences pour l’obtention de sa licence environnementale".
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