"Pas de jurisprudence" Assange libre, mais à quel prix pour la liberté de la presse ?
Ce mardi 25 juin, tôt dans la matinée, la nouvelle est tombée, Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, est proche d’être remis en liberté après avoir signé un accord "plaider-coupable" avec les États-Unis. Si le calvaire se termine pour le journaliste australien, que représente cette condamnation pour lui en tant que figure de la liberté d’expression, pour la presse libre, et pour le futur du journalisme d’investigation ?
Une dernière audience doit avoir lieu, demain mercredi 26 juin, à 9 heures, dans les îles Mariannes, dans le Pacifique, destination vers laquelle il s’est dirigé ce mardi. Un tribunal y jugera la validité de cet accord. Si celui-ci est confirmé, Julian Assange pourra plaider coupable de "complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale", nous apprend le journal Le Monde.
Sa peine, qui serait alors estimée à soixante-deux mois, est déjà purgée, lui qui vient de passer près de cinq années de détention à Belmarsh, près de Londres. Après cette audience, le journaliste australien devrait pouvoir retrouver son pays d’origine qui appuyait politiquement depuis plusieurs années pour que les États-Unis abandonnent leurs poursuites.
En effet, Julian Assange était menacé d’extradition sur le territoire américain après avoir diffusé, à travers sa plateforme WikiLeaks, des millions de documents confidentiels, dénonçant différents scandales, politiques, financiers, des crimes de guerre, et autres, notamment en 2010 et 2011. Figure de la liberté de la presse, la France a toujours refusé de lui accorder l’asile politique. Le journaliste avait finalement été incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, où il était dernièrement retenu sans aucune charge.
Ce matin, toute la presse alternative se félicitait de cette victoire, cependant l’on ne connait pas encore tous les tenants et aboutissants de cet accord. Si Julian Assange plaide coupable, est-ce que l’avenir du journalisme d’investigation est en danger ?
La bonne nouvelle à ce sujet nous vient du média Consortium News, qui s’est entretenu avec l’avocat en droit constitutionnel américain, Bruce Affran, et la présidente de la Ligue nationale des avocats américains, Marjorie Cohn. Selon eux, "un accord plaider coupable ne crée pas de jurisprudence" (a plea deal does not create a legal precedent).
Un soulagement pour les journalistes qui ne devraient pas être davantage menacé dans leur travail, qu’ils ne le sont actuellement, par la décision qui tombera demain. Un sentiment que partage Viktor Dedaj, conférencier, journaliste au Grand Soir : "Les journalistes qui suivent l’affaire pensent que Julian Assange n’aurait jamais signé un accord qui mettrait à mal les journalistes. Maintenant, on ne sait pas à quel prix il va être relâché, s’il l’est."
Pour le membre du comité français de soutien à Assange, le plea deal reste un outil flou et montre une instrumentalisation politique de l’affaire et du droit : "il est probable que les américains aient demandé des garanties en échanges. On ne saura que plus tard qu’elles sont les règles, et peut-être qu’une des règles sera de ne pas parler de ce plea deal. Dans un de ces accords, l’accusé négocie les termes de sa reddition, si tu plaides coupables, on réduit ta peine. Pour les États-Unis, c’est pour ne pas perdre la face. C’est quand même étonnant que l’on passe de 175 ans de prison présumée, à 5 ans. C’est politique ! C’est du “marchand de tapis”, c’est ça qui est drôle. Tu ne veux pas 175, tu veux combien ? 5 ans ? Allez, on donne 5 ans. Comme tu les as déjà faits, tu es libre".
Si cette décision ne doit pas affecter les journalistes se retrouvant dans la position de Julian Assange dans le futur et qu’aucun des 17 chefs d’accusation n’est retenu dans cet accord : "Ils ont toutefois sorti un nouveau générique, fourre-tout, leur permettant de plaider sur tout."
Pour l’administration Biden, à quelques mois des présidentielles (qui commenceront en novembre prochain), cela représente une épine en moins dans le pied du président sortant. Notamment dans un contexte où l’Australie fait pression pour sa relaxe. Selon Viktor Dedaj : "Aux États-Unis, le droit n’est plus un outil de justice, le droit est devenu une arme politique. Elle est traitée comme tel avec l’instrumentalisation du droit. On parle d’un pays qui a mis une prison hors de son territoire, à Cuba, pour être hors du droit américain, est-ce qu’il y a un plus bel exemple de l’instrumentalisation du droit, aujourd’hui ?"
Il faudra donc encore patienter pour savoir les conséquences de cet accord sur la liberté d’expression et de la presse. Julian Assange sera désormais présent sur le sol américain, cela ne garantit pas encore sa libération.
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