Quelques ultra-riches réclament aux dirigeants mondiaux, réunis à Davos, de payer plus de taxes
MONDE – Lors de chaque édition du Forum économique mondial (WEF) de Davos, des personnes parmi les plus riches du monde appellent à être plus taxées. Eh oui ! Croyez-le ou non : le nombre de millionnaires et de milliardaires souhaitant payer plus d’impôts ne cessent de croître au fil des ans ! Ces privilégiés affirment que ce surplus de taxes “ne modifiera pas fondamentalement [leur] niveau de vie” (ouf) et exhortent leurs semblables, “face aux échecs des gouvernements, à réparer les injustices” (comme c'est gentil). Ce nouvel appel intervient à point nommé, avec l’ouverture de la 54e édition du Forum de Davos lors duquel les participants sont appelés à réfléchir sur deux thèmes : le rétablissement de la confiance et le renforcement des principes fondamentaux de transparence. Les “injustices” ont de nouveau été dénoncées, à la veille du début de cette réunion annuelle des "maîtres du monde", par l’ONG Oxfam, qui souligne que trois milliardaires sur quatre souhaitent payer plus de taxes pour réduire les “inégalités obscènes”.
Un brin démago ? On va encore nous dire que nous avons mauvais esprit.
Dans une lettre adressée aux dirigeants présents dans la station suisse, rendue célèbre par ce bon vieux Klaus Schwab, 250 signataires d’un appel aux dirigeants élus demandent à être plus taxés. “Nous serions fiers de payer plus”, déclarent-ils (on a la fierté qu'on peut). Ces riches chefs d’entreprises, hommes d’affaires ou héritiers se disent “surpris” que leurs gouvernements n’aient pas répondu à cette demande (c'est bêta effectivement). “Quand va-t-on taxer les richesses extrêmes ? Si les représentants élus des principales économies mondiales ne prennent pas de mesures pour lutter contre la montée spectaculaire des inégalités économiques, les conséquences continueront d’être catastrophiques pour la société”, affirment-ils. On en pleurerait presque avec eux...
Une Rockefeller et l’héritière de Disney parmi les signataires
Nos ultra-riches à consience sociale estiment que leur volonté “n’est pas radicale” (ouf), mais une “exigence de retour à la normale, fondée sur une évaluation des conditions économiques actuelles”. Ils rappellent être ceux qui “investissent dans les startups, façonnent les marchés boursiers, font croître les entreprises et favorisent une croissance économique durable”. Mais ils admettent également “profiter du statu quo” tandis que “les inégalités ont atteint un point critique” (les marchés boursiers dans lesquels ils investissent, peut-être ?). Les 250 signataires ont exprimé leur inquiétude quant au coût de ces inégalités pour la “stabilité économique, sociétale et écologique”.
Comment ces gentils milliardaires peuvent-ils calmer leurs angoisses ?
“Non seulement nous voulons être imposés davantage, mais nous croyons que nous devons l’être davantage”, poursuivent-ils. “Payer plus pour lutter contre les inégalités, réduire le coût de la vie des travailleurs” et participer à la mise en place de “systèmes de santé résilients”, car les “salaires stagnants, des infrastructures en ruine, des services publics défaillants” ont “déstabilisé l’institution même de la démocratie”.
Parmi les grands démocrates prêts au sacrifice, figurent Abigail Disney, héritière du fameux groupe de divertissement, Brian Cox, acteur britannique, ou encore Valerie Rockefeller, héritière du célèbre magnat du pétrole. Nos nouveaux amis rappellent que payer un surplus d’impôt “ne modifiera pas fondamentalement [leur] niveau de vie” et “ne privera pas [leurs] enfants” ni “nuira pas à la croissance économique de [leurs] nations”. On s’en serait un peu douté…
En Autriche, une millionnaire, Marlene Engelhorn, descendante du fondateur de BASF, géant allemand de la chimie (dont on ne rappellera pas ici les liens avec le régime nazi) et signataire de l’appel, a annoncé sa décision de redistribuer son héritage pour protester contre “l'injustice du système de taxation”. "J'ai hérité d'une fortune et par là-même d'un pouvoir, sans n’avoir jamais rien fait pour mériter cela. Et l'État ne veut même pas que je paie d'impôts sur la succession", a-t-elle dénoncé. Pauvre petite fille riche...
Une taxe de 2 %, appliquée sur les 2 756 milliardaires de la planète, générerait 250 milliards de dollars par an
Ce n’est pas la première fois qu’un appel de millionnaires et de milliardaires est lancé, en marge du WEF. Ils étaient une centaine il y a deux ans, le double l’an passé. Ces riches personnalités ont également réitéré leur requête en dehors de la réunion annuelle et selon Oxfam, ONG qui affirme lutter contre la pauvreté, trois millionnaires sur quatre seraient d'accord pour taxer à hauteur de 2 % le patrimoine des plus grandes fortunes mondiales. Gabriel Zucman, directeur de l'Observatoire européen de la fiscalité, affirmait en octobre 2023 qu’un impôt à cette hauteur, appliqué sur les 2 756 milliardaires de la planète, générerait 250 milliards de dollars par an.
Chez les jeunes millionnaires, des mouvements émergent, comme “Tax Me Now” en Allemagne et en Autriche. Aux États-Unis, 250 personnes, dont un ancien cadre de BlackRock, Morris Pearl, sont réunies sous l’égide des “Patriotic Millionaires” et appellent à redistribuer les richesses plus équitablement.
A en croire le rapport d’Oxfam, publié lundi 15 janvier et intitulé “Multinationales et inégalités multiples", la fortune des cinq hommes les plus riches du monde est passée, entre 2020 et 2023, de 405 à 869 milliards de dollars. La fortune des milliardaires aurait augmenté de 3 300 milliards de dollars durant la même période, tandis que le patrimoine et les revenus cumulés de près de cinq milliards de personnes à travers le monde ont reculé. Cette hausse de la fortune, l’ONG l’explique par “la pression sur les travailleurs et les travailleuses, dont les salaires augmentent moins vite que l'inflation”, ainsi que le fait “d'éviter l'impôt, de privatiser l'État et de participer grandement au réchauffement climatique”.
La taxation des plus riches de ce monde est une des revendications les plus insistantes depuis plusieurs années, poussant les pays membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement) à appliquer, depuis le 1er janvier dernier, un impôt minimal mondial de 15 % sur les sociétés.
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