Royaume-Uni : la commission d’enquête sur le scandale du sang contaminé remet son rapport, “une catastrophe” qui n’était pas “un accident”
Cinquante ans après le début des faits, un rapport souligne la responsabilité des autorités britanniques, aussi bien sanitaires que politiques, dans la mort de milliers de personnes souffrant d’hémophilie ou ayant subi des opérations chirurgicales, qui ont été contaminées, comme en France à la même époque, par le virus de l’hépatite C ou par le VIH suite à des transfusions sanguines. L’un des pires, si ce n’est le pire “désastre sanitaire de l’histoire de l’hôpital britannique”, “une “catastrophe” selon le rapport, “n’était pas un accident” mais la conséquence de la négligence de médecins, services du sang et gouvernements successifs, “qui n’ont pas donné la priorité à la sécurité des patients”. Le Premier ministre, Rishi Sunak, a présenté des excuses officielles tout en reconnaissant les échecs de l'État.
Le Royaume-Uni figure comme la France parmi les pays touchés par le scandale sanitaire du sang contaminé. Entre les années 1970 et 1990, le NHS (National Health Service, NDLR), confronté à des pénuries de sang, s’est tourné vers des fournisseurs américains. Parmi les donneurs de ceux-ci figuraient des prisonniers ou des groupes présentant un risque élevé d’infection. Conséquence : des milliers de Britanniques ont été contaminés par le VIH ou le virus de l’hépatite C après avoir reçu des transfusions sanguines, pour traiter l’hémophilie ou après une opération chirurgicale.
Pas “un accident” mais une négligence dissimulée
Si cette affaire dans l’Hexagone a été suivie par les répercussions financières et politico-judiciaires que l’on connaît, comme l’indemnisation de victimes ou la relaxe du Premier ministre lors de l’éclatement du scandale, Laurent Fabius, les choses se sont déroulées de manières différentes au Royaume-Uni, malgré le cri de détresse des victimes pendant une quarantaine d’années.
Ce n’est qu’en 2017 que le gouvernement met en place une commission d’enquête, dont les travaux ont pris fin en 2023. Après sept ans d’investigation et des milliers d'auditions, la commission, dirigée par l’ancien juge Brian Langstaff, a présenté lundi 20 mai 2025 un rapport de 2 500 pages. Et les charges portées contre l’État, plus particulièrement les gouvernements successifs, sont lourdes.
“Cette catastrophe n’était pas un accident. Les contaminations ont eu lieu parce que ceux aux responsabilités, c’est-à-dire les “médecins, services du sang et gouvernements successifs, n’ont pas donné la priorité à la sécurité des patients”, estime le juge. Ce scandale, qui aurait “pu être largement évité” et dont les coulisses ont été “dissimulées pendant des décennies”.
Selon Brian Langstaff, “une bonne partie des infections auraient pu et auraient dû être évitées”. Il affirme que cette affaire de sang contaminé n’est aucunement “un accident” ni “une question de ‘si on avait su’” mais la conséquence directe d’un paquet d’erreurs, à la fois collectives, individuelles et systémiques.
Que reproche cette commission d’enquête aux gouvernements britanniques ? Des mensonges pendant les faits et après l’éclatement du scandale, un manque de réactivité et sur un plan plus stratégique, l’absence d’autosuffisance du Royaume-Uni en matière de produits sanguins, qui a poussé le pays à importer du sang américain. En outre, des traitements contre l’hémophilie n’auraient jamais dû être approuvés, selon le rapport.
En première ligne lors des transfusions, les praticiens britanniques n'informaient pas toujours les patients de leur état sérologique. La commission d’enquête dénonce également la destruction de certains dossiers médicaux ou d’autres archives.
Rishi Sunak présente ses excuses
Les charges les plus lourdes évoquées dans ce rapport lié au “pire désastre sanitaire de l’histoire de l’hôpital britannique” concernent surtout les essais cliniques, réalisés sur des patients hémophiles sans leur consentement. Ces derniers se sont ainsi vus prescrire par des soignants en connaissance de cause des produits infectés pour “voir” l’évolution du VIH. Si “chaque manquement est sérieux en soi, la somme de ces manquements est une calamité”, déplore Brian Langstaff.
Le juge de la commission estime que cette omerta sur ce scandale est une volonté de l’État et des autorités sanitaires, qui ont sciemment dissimulé la vérité pour échapper à des poursuites judiciaires comme le cas français, “pour sauver la face et s’éviter des dépenses”. Ces indemnités ont été estimées à 4 milliards d’euros dans les années 2000, pour l’ensemble des victimes et leurs familles, qui ont longtemps crié leur détresse et dénoncé un “mépris” à leur égard.
Bien que cette commission, qui ne cite aucun responsable nommément, n’a pas le pouvoir d’enclencher des poursuites, la justice est désormais en mesure de se saisir de ses conclusions. Le rapport de 2 500 pages émet des recommandations, à commencer par le versement d’indemnités compte tenu de la disparition des victimes. En outre, des excuses officielles sont exigées par le juge, qui appelle à plus de transparence dans les hôpitaux et prend en considération la parole des patients. Une recommandation qui intervient quelques années après une pandémie de COVID-19, dont la gestion, aussi bien au Royaume-Uni qu’ailleurs, a souvent été marquée par une opacité plus qu'avérée.
Le juge a accordé au gouvernement un délai d’un an pour appliquer ces recommandations mais le Premier ministre, Rishi Sunak, a réagi dans la foulée de la publication du rapport. Il a présenté ses excuses, qualifiant ce scandale sanitaire de “terrible injustice”. Il dit reconnaître les échecs de l'État. Un programme d'indemnisation pourrait être présenté par le gouvernement aujourd’hui, mardi 21 mai 2024
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