Le prochain sommet des BRICS peut-il décrocher la lune de la dédollarisation ?
ÉCONOMIE MONDIALE - L'Afrique du Sud accueille le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg du 22 au 24 août. Le recours aux monnaies nationales et la question d'une moindre dépendance à l'égard du dollar américain sont au programme. Si la rumeur de la création d'une monnaie commune et adossée à l'or fait sensation, plusieurs difficultés se dressent toutefois contre elle.
Le 15e sommet des BRICS aura lieu en Afrique du Sud, à Johannesburg, le mois prochain. Le diplomate sud-africain chargé des relations avec les BRICS, Anil Sooklal, a indiqué lors d’une conférence de presse jeudi 20 juillet, que "les pays alliés discuteront de l'utilisation des monnaies nationales et de la réduction de la dépendance à l'égard du dollar américain".
Toutefois, une monnaie commune créée et soutenue par les BRICS pour s'attaquer frontalement au dollar américain - qui est utilisé à l'heure actuelle près de 90% des transactions mondiales - n'est pas explicitement à l'agenda du sommet. Mais cette perspective, véritable serpent de mer de l'économie et de la finance mondiales, va être dans tous les esprits des décideurs présents à Johannesburg.
S'affranchir du dollar américain
Suite aux sanctions occidentales depuis le début de la guerre en Ukraine contre la Russie, dont la banque centrale a vu 300 milliards de dollars de ses actifs gelés, plusieurs pays des BRICS ont cherché des alternatives à la devise américaine. L'objectif est de maintenir des échanges commerciaux internationaux indépendants du dollar et de se préserver de son pouvoir d'arme monétaire bien connu.
En ce sens, l'une des solutions consiste à privilégier les monnaies nationales comme moyen de règlement dans les échanges mutuels. C'est dans cette optique que le Kremlin a persuadé la Chine, le Brésil, l'Inde et la Turquie d'accroître leurs échanges avec la Russie et de payer en roubles leurs exportations d'hydrocarbures, de céréales et de métaux.
Cette situation a également encouragé d'autres États à trouver des alternatives pour détrôner le dollar de son statut de monnaie de réserve mondiale. Parmi elles figurent la création d'une monnaie "commune", évoquée depuis plusieurs années comme adossée à l'or, et la mise en place d'un nouveau protocole international de transaction.
Vers une monnaie commune ?
En avril dernier, le président brésilien Lula da Silva et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont défendu le concept d'une monnaie commune, pour contrer d'après eux la domination occidentale dans le domaine de la finance mondiale.
En établissant ainsi une nouvelle devise, il devient possible de réduire les coûts de transaction en dehors des marchés au sein desquels règne le dollar et d'accroître une certaine flexibilité favorable au développement du commerce extérieur comme à l'investissement entre les pays BRICS.
À cette fin, ces derniers doivent au préalable rendre leurs marchés financiers plus ouverts, plus transparents et plus fiables. Il s'agit in fine d'inciter plusieurs pays à se détourner du système de paiements dominant, SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) et à adopter un autre protocole unifié, afin de garantir la réalisation des transactions internationales.
En 2022, Vladimir Poutine proposait aux autres pays des BRICS de recourir au SPFS (Système de transfert de messages financiers), le système russe équivalent à SWIFT. Selon Anil Sooklal, plus de 40 pays ont déjà manifesté leur intérêt pour l'adhésion à un nouveau système gérant les transactions.
Notant la distinction entre les efforts de dédollarisation et la création d'une monnaie commune, Leslie Maasdorp, vice-président et directeur financier de la banque des BRICS, la Nouvelle banque de développement, a confirmé que "le développement d'une quelconque alternative est en effet une ambition à moyen ou à long terme".
Obstacles
Pour le moment, plusieurs problèmes font cependant obstacle à la naissance d'une monnaie alternative au dollar à court terme : la prééminence du PIB de la Chine et donc de son économie au sein des BRICS; des volumes échangés entre les membres qui restent encore modestes comparés à ceux entretenus avec d'autres zones géographiques dont l'Europe; le manque de normes homogènes mises en place; des besoins très différents entre les pays du BRICS à propos des matières premières.
Ce dernier point représente l'un des problèmes clefs. Certes, unir les économies des pays du BRICS à un étalon-or permettrait de réduire les échanges monétaires et laisser à chaque État le choix de conserver ses politiques économiques via ses banques centrales. Mais l'Inde et la Chine sont essentiellement des importateurs de matières premières lorsque la Russie et le Brésil en sont exportateurs.
Comment appuyer l'idée d'une convertibilité garantie pour les BRICS si certains de ses pays accumulent la "nouvelle" monnaie commune quand d'autres doivent dépenser leur or pour se procurer ces fameuses matières premières ? Il en résulterait rapidement un déséquilibre financier qui nuirait au projet d'une telle devise unique.
En attendant que les BRICS résolvent ce type de problèmes, un partenariat technologique, à la forte aura symbolique, est évoqué : celui de la conquête spatiale, avec un nouvel axe de coopération, nommé "Voie Lactée". Pour mieux décrocher ensuite la lune d'une devise commune qui rime avec dédollarisation ?
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.